L’histoire de French Julie Travels – de son vrai nom Julie Neis – a quelque chose de très curieusement contemporain.
Une Américaine qui a longtemps rêvé de France, qui y a déjà vécu, qui a ensuite fait carrière dans la tech côté Pacifique, qui s’est brûlée les ailes… et qui, au moment de tout remettre à plat, confie à un agent conversationnel le soin de choisir la ville où elle va se réinventer. L’IA propose Uzès. Elle dit oui. Et elle en fait un récit.
La France n’est pas arrivée par hasard dans sa vie. Au milieu des années 2000, Julie s’installe à Paris pour plusieurs années. Elle y travaille dans le tourisme, sillonne les quartiers, fréquente les marchés, apprend à lire les menus comme une Française. Surtout, elle documente. Cela donnera un blog culinaire très parisien, dans l’esprit “voici les bonnes adresses d’une Américaine qui connaît la ville de l’intérieur”. Cette passion pour la gastronomie, pour les artisans, pour la flânerie parisienne, lui vaut même une exposition télé avec une émission dédiée à Paris et à sa cuisine. Autrement dit, dès cette époque, elle sait faire trois choses : raconter, filmer, et donner envie de France.
Après ces années parisiennes, elle repart aux États-Unis. Elle travaille alors sur des postes plus structurés, au croisement du voyage, du marketing, puis de la tech. Une carrière réussie, mais de plus en plus exigeante. Le cœur de son témoignage aujourd’hui, c’est là qu’il se situe : la sensation d’être arrivée au bout d’un cycle, d’avoir tout donné à un univers numérique très rapide, et de ne plus avoir de marge mentale. Elle parle clairement de burn-out. Elle sait qu’il faut changer de décor. Elle sait aussi qu’elle veut revenir en France. Mais pas à Paris, qu’elle adore, mais qui serait trop stimulante pour une reconstruction.
Le prompt décisif : “Choisis pour moi”
C’est ici que son histoire devient emblématique. Ne sachant pas dans quelle région s’installer, elle raconte avoir tout résumé à ChatGPT : son besoin de lenteur, de soleil doux, de marchés de producteurs, d’un centre à taille piétonne, d’une communauté accueillante. L’IA lui propose deux destinations du sud-ouest/sud de la France. Elle tranche : Uzès dans le Gard, plutôt que Sarlat plus isolée. Ce qui pouvait passer pour une fantaisie devient un geste de déblocage : en confiant la sélection à un outil, elle se libère de la paralysie du choix. Elle peut donc ne plus débattre intérieurement pendant des mois, mais entrer dans l’action.

Elle débarque alors à Uzès avec quelques bagages seulement au printemps 2025. Elle découvre ce que les touristes aperçoivent en quelques heures mais qu’elle, elle va pouvoir filmer au quotidien : les ruelles médiévales, la place aux Herbes le jour de marché, la lumière claire des façades, la possibilité de tout faire à pied. Elle découvre aussi un rythme qui contraste fortement avec la baie de San Francisco. C’est ce contraste qu’elle va mettre en scène sur YouTube et Instagram : “voici ce que ça fait de ralentir vraiment dans une petite ville française”.
Du contenu à l’offre : raconter puis accueillir
Rapidement, French Julie Travels n’est plus seulement un fil de vlogs. C’est un positionnement. Elle s’adresse à un public majoritairement féminin, souvent nord-américain, qui rêve lui aussi d’un temps plus lent, d’une France plus incarnée que Paris, et qui se demande comment passer du rêve à la réalité. Elle montre les marchés, les maisons de village, les escapades dans le sud, les journées à écrire ou à cuisiner. Dans cette logique, la suite est naturelle : elle annonce des retraites de slow living à partir de 2026 dans un village médiéval près d’Uzès. Autrement dit, elle transforme son récit personnel en expérience partageable. Celles qui la suivent pourront venir vivre quelques jours ce qu’elles voient à l’écran.
Il n’est pas étonnant que les médias se soient saisis de son histoire à l’automne 2025. Elle coche toutes les cases d’un récit d’époque : une professionnelle américaine qui a réussi, qui s’épuise, qui quitte la Californie, qui se donne la France comme refuge, et qui – c’est le détail qui fait titre – laisse une intelligence artificielle choisir à sa place. Or, ce qu’elle montre depuis Uzès prouve que la décision n’était pas seulement un coup de com’ : elle vit, filme et travaille vraiment là. Elle s’y sent “chez elle”, dit-elle. Et elle n’exclut pas d’y rester longtemps.
Ce qu’on apprend de son parcours
- Ce n’est pas une installation naïve : elle connaissait déjà la France, ses administrations, ses rythmes.
- Ce n’est pas une installation mondaine à Paris mais un vrai choix de petite ville, pensé pour la santé mentale.
- Ce n’est pas seulement un “je pars vivre en France” mais la construction d’une marque personnelle articulée autour du slow living français.
- Ce n’est pas un abandon de sa compétence vidéo/marketing : elle la réemploie pour raconter le sud.
Pourquoi son histoire fonctionne
Parce qu’elle relie trois évolutions simultanées. D’abord, la lassitude face aux rythmes de la tech américaine. Ensuite, l’attractivité persistante d’une France vécue à hauteur de marché et de village. Enfin, l’émergence d’outils d’IA qui, loin d’être seulement techniques, peuvent servir de déclencheurs de décision. French Julie Travels rassemble ces trois fils dans un récit très net, très partageable, que l’on voit déjà inspirer d’autres expatriations plus modestes.