Depuis 2003 Fursy Teyssier, illustrateur et musicien de talent, guide et anime Les Discrets, projet musical confluent… Avec une sensible intelligence et une grande délicatesse brutale, Les Discrets ont affirmé live la combustion créative de leur romantisme pop de façade carbonisé aux ferrugineuses sonorités noise et métal. Une discrète leçon de maîtrise de l’art…
Unidivers : Fursy Teyssier, vous êtes illustrateur, vidéaste, parolier, compositeur, musicien… Vous êtes l’âme, au centre de Les Discrets. Pour commencer, pouvez-vous nous présenter les autres membres du groupe, car c’est bien un groupe, l’album récent qui va nous occuper ensuite le démontre à l’envi ?
Fursy Teyssier : Non en fait Les Discrets n’est pas vraiment un groupe. Les Discrets c’est simplement le nom de mon projet musical. Audrey Hadorn travaille avec moi de manière systématique sur tous les albums au niveau des paroles et elle chante aussi sur certains titres. Les autres musiciens sont des musiciens de session je dirais, qui apportent quelque chose d’unique à la musique c’est certain, mais qui ne constituent pas le cœur du groupe quoi. Le style de Winterhalter (premier batteur) a vraiment participé au style des deux premiers albums c’est indéniable. Le batteur qui a travaillé sur le troisième album a un feeling bien à lui aussi.
U : Pour revenir au début de ma première question. Lorsqu’on navigue créativement dans des univers et des techniques variées, qu’est-ce qui vient en premier ? Qu’est-ce qui importe le plus ? Les mots, les images, les sons ? Et, question subsidiaire, pourquoi ce besoin d’investir des modes d’expressions si divers ?
Fursy : En fait je dirais que c’est l’émotion qui me guide. En fait, un morceau peut être particulièrement fort à mes yeux pour son texte, un autre le sera plus pour sa mélodie, un autre pour la pêche qu’il me donne quand je l’écoute ou le joue. La notion de plaisir et d’immersion dans la musique est super importante pour moi. Je n’arrive pas à faire de choix. Ma vie pro est divisée en deux, musique et film d’animation. Je pense que je ne saurai jamais privilégier l’un plus que l’autre, même si concrètement, ce n’est pas la musique qui me fait vivre et je devrais plutôt favoriser l’animation. J’ai la chance d’avoir la possibilité de faire les deux, j’ai besoin des deux, et je me lasse très vite des choses aussi. J’ai besoin de changer souvent. Là, je viens de me taper 6 mois intensifs de musique, j’en ai marre de la musique, j’ai envie de dessiner. Dans 6 mois, je voudrai refaire de la musique. Voilà pourquoi je touche un peu à tout ! La lassitude ! :-)
U : Est-ce qu’on peut dire que cette diversité est aussi celle qu’on retrouve musicalement chez Les Discrets ? Subtil mélange de pop, voire noisy-pop, de cold wave un peu romantique éthérée, de post-rock bien structuré et de métal bien charpenté ?
Fursy : Oui, oui carrément. J’admire les gens qui font des albums où chaque morceau est dans le même style ! Moi j’en suis incapable. J’ai besoin de faire des choses différentes, de me renouveler. Avec Les Discrets j’ai fait deux albums très post rock / metal machin truc. Pour le troisième, naturellement je suis allé vers toute autre chose. Ce qui m’a permis de composer les morceaux avec une super fraîcheur. J’ai découvert la boite à rythmes, les synthétiseurs, la contrainte de meubler l’espace sonore quand il n’y a pas de distorsion, etc. Tout un tas de choses pour lesquelles j’étais novice, et je me suis régalé. J’aurais fait un troisième album dans le même style que les premiers, je me serai emmerdé à le composer et l’enregistrer, et ça se serait senti. J’ai besoin de me surprendre en fait. C’est ça je crois. Le troisième album du coup c’est plus dans l’esprit indie / dark pop / trip hop. Absolument pas metal ni rock.
U : Plus pragmatiquement, Les Discrets est un groupe français qui en 2013 avait deux albums à son actif… Comment vit-on d’être invité au prestigieux Roadburn festival ? Surtout quand on s’appelle Les Discrets ? Et puis comment ça se passe là-bas, quelles furent les sensations ?
Fursy : Pour être tout à fait franc, la réputation du Roadburn m’était totalement inconnue avant d’y aller. Neige (Alcest) a été invité en tant qu’artiste en résidence sur 3 jours. Soit il pouvait jouer 3 fois avec Alcest soit 3 fois avec 3 groupes différents. Il a donc invité Lantlos et Les Discrets, car il est proche des deux. C’est comme ça qu’on a joué là bas. C’était vraiment bien. Je n’ai pas pu apprécier à fond, car ma mère était à l’hôpital à ce moment-là, j’étais assez angoissé. Donc mon séjour à Tilburg n’a pas été particulièrement gai. Mais en soi, le festival est génial.
U : Pour finir, question rituelle, vos projets ? Film, musique, illustrations ?
Fursy : Red Shadows, un court métrage de 10 minutes que j’attaque dans les semaines à venir. L’histoire d’un serial killer allemand pendant la Seconde Guerre mondiale.
Et puis aussi la finalisation du troisième album de Les Discrets, il manque le chant puis je file en mixage en septembre! Merci pour l’interview ! :-)
Les Discrets, Live at Roadburn, CD/LP, 2015, Prophecy Records
Un album rafraîchissant. Une belle réussite. La puissance et la justesse du son live transcendent les riches compositions de Fursy Teyssier. La tension est là, palpable, cinglante, mais sans jamais détruire le subtil équilibre des chansons des albums précédents, entre brume électrique éthérée et rageur incendie rentré. Au contraire nous sommes en présence de tout ce qu’on peut attendre d’un enregistrement live. Entendre des chansons connues et aimées avec une autre énergie, une autre teinture.