Le spectacle Geminus chorégraphié par Sarosi Nay et Alessandra Piccoli a été donné au Triangle fin juin dans le cadre de « Danse Dialogue 2 ». La proposition faite aux tout petits est de plonger au cœur de questionnements directement liés à leur âge. La grammaire est simple mais tout en finesse.
La représentation dure une trentaine de minutes et les pleurs de quelques jeunes réfractaires -le plus petit bout de chou que j’ai vu venait tout juste de souffler ses deux bougies- sortis ou privés pour l’occasion de la sieste, ont été rapidement apaisés. L’attention des enfants est immédiatement captivée.
La première image livrée aux spectateurs est celle de la danseuse assise, comme les bébés jusqu’à ce qu’ils soient en mesure de s’installer par eux-mêmes sur une chaise. Une gamine assise par terre, donc. Toute occupée à son monde, elle ne prête pas attention au public qui prend place sur les gradins. Dans son dos, trois miroirs un peu plus grands qu’elle et c’est furtivement qu’elle ira à la rencontre de ce qu’ils reflètent.
Les mouvements amènent des découvertes qui éveillent la curiosité. Ici nait la danse. La rencontre avec cet objet étrange qu’est le miroir emmène l’enfant vers l’autre danseuse qui pourrait être son propre reflet prenant corps, nous transportant dans un monde imaginaire. Il s’avère finalement que c’est bien d’une autre personne qu’il s’agit. Mystère particulièrement intéressant! Cet autre propose son univers et, ce faisant, modifie l’espace primal de l’enfant et ainsi sa corporalité. Cette nouvelle perception du corps et du monde et les angoisses que celle-ci génère sont malicieusement illustrées par le procédé du kaléidoscope géant : un ballet enchanté de bras et de jambes s’allongeant, se démultipliant, se cherchant, se séparant et se retrouvant évoquera peut-être au spectateur une énigmatique araignée se reflétant dans l’eau ou quelque créature onirique tout aussi inquiétante. Il retrouvera enfin les deux danseuses qui se chamaillent et saisissent une définition d’elles-mêmes inattendue.
Ainsi, Sarosi Nay et Alessandra Piccoli présentent une danse qui nous ouvre une fenêtre sur un monde et des questionnements où le corps nous révèle ce qu’il pressent. Juste avant le langage et ses complications, à la racine des perceptions et du désir impérieux d’explorer, une pré-science élaborée et complexe, pont entre ce qui fait de nous des créatures à part et notre animalité, nous ouvrant une porte vers une mémoire profondément enfouie.
Direction artistique : Sarosi Nay
chorégraphie : Sarosi Nay et Alessandra Piccoli
danseuses : Florence Casanave et Alessandra Piccoli, dramaturgie : Lou Cope,
musique : Edouard Leys, décor : Camille Riquier,
lumière : Cyrille Guillochon, costumes: Myriam Rault:
photos : Pari Naderi
+ d’infos
compagnie Ubi: http://cie-ubi.com/
Le Triangle: http://www.letriangle.org/
Lou Cope (site en anglais): http://loucope.com/
Edouard Leys: http://edouard.leys.free.fr/
Camille Riquier: http://camilleriquier.blogspot.fr/