H+, LES HUMAINS PLUS FORTS QUE LA MORT

Une secte se transmet un texte secret de Pythagore depuis l’antiquité grecque. Ses membres comptent des patrons des GAFA, une pointure du Parti Communiste Chinois et la descendante d’une dame sanglante… Ils sont décidés à ne jamais mourir.

Lecteur, lectrice d’Unidivers, il s’agit ici d’un roman écrit par le directeur de rédaction d’Unidivers. Cette recension est le fait d’une plume amie, extérieure et bénévole. À défaut de distance, la présente introduction aura l’honnêteté d’avertir le lectorat des délires dystopiques de Nicolas Roberti. On en conviendra : un lecteur ou une lectrice avertie en vaut deux. Le marché est honnête, en somme ! C’est parti pour vous donner envie de lire H+ou pour vous inquiéter sur les mondes parallèles qui habitent l’esprit du créateur de votre revue numérique. Vous choisirez.

Une secte « transhumaniste »

« H+ », c’est le symbole d’une secte secrète qui se veut « transhumaniste ». Le transhumanisme, c’est quoi ? C’est la décision de défier les limites biologiques de la vie humaine : la maladie, la vieillesse et la mort. Et là commencent à s’entrelacer la culture de Nicolas Roberti et son imagination, qui la relaie aussitôt. C’est ce qui caractérise ce livre, où chaque motif est ancré dans un fait antique, contemporain, philosophique ou techno-scientifique, et tiré vers un possible fictionnel, toujours un peu fou. Le premier des transhumanistes serait… Pythagore, celui du théorème, dont des écrits « secrets » donnent les clés de la vie sans la mort.

Pythagore

Ses disciples, ceux qui ont le don de la « Lyre » – référence aux réels écrits de Pythagore, fondateur de la théorie de l’harmonie – qui vibre en eux, auraient formé une secte secrète. Elle se serait transmis ses textes depuis l’antiquité, et aurait pour but à sa quête de retrouver une certaine « jeune fille en deuil ». Cette « jeune fille en deuil », c’est Ève, l’héroïne, une délicate botaniste de vingt ans, malmenée par l’existence. Elle possède au plus haut degré la Lyre et se nourrit d’énergies végétales. Le lecteur un peu amoureux d’Ève, c’est inévitable, devra contempler le destin de son innocence et de sa finesse face aux visées transhumanistes.

Pythagoriciens
L’hymne des Pythagoriciens au soleil levant. Tableau de Fyodor Bronnikov (1869).

De Pythagore aux GAFA

On apprend au passage que Pythagore prônait le respect de la vie animale et un régime strictement végétarien, et que les végétariens, avant de s’appeler ainsi, au XIXe siècle, étaient appelés « pythagoriciens ». Une curiosité parmi la foule de celles qui émaillent le roman. Sans arrêt, Nicolas Roberti puise dans sa culture historique ou dans son intérêt pour les enjeux contemporains techno-scientifiques, et les détourne avec irrévérence. Le transhumanisme est ainsi une notion qui est véritablement apparue sous la plume des philosophes, notamment de Teilhard de Chardin (1881-1955), d’où émane le concept.

Mais dans H+, Pierre Teilhard de Chardin est toujours vivant, vif et vigoureux, ayant secrètement trouvé la voie vers l’accomplissement de son rêve. Et l’amour d’une belle. Le personnage de celle-ci est l’occasion pour l’auteur de faire revivre (c’est le cas de le dire) une vraie héroïne de la résistance alliée, Noor Inayat Khan, courageuse espionne torturée à mort à Dachau en 1944, après sa capture par les nazis. Réjouissez-vous, elle vit dans H+ une vie augmentée de nombreuses années, au beau soleil d’une île grecque, celle de Pythagore bien sûr : Samos.

H+ est le premier volume d’une série qui promet de narrer la lutte des transhumanistes contre la finitude de l’existence, leurs démêlés avec le reste des humains, et enfin, last but not least, les combats intestins entre différents courants du mouvement, gentils humanistes versés dans les beautés des mystères de la Grèce antique (Pythagore, Sappho), et les cruels dominateurs d’une humanité écrasée, armés de tout l’arsenal techno-scientifique et aux manettes des GAFA. Le tigre chinois montre les dents ; la Silicon Valley est à l’affût. Et attention aux gentils poètes végétariens…

Un roman délicieusement complotiste

H+ est un régal, totalement complotiste. Pour une fois qu’on peut se faire se plaisir en la matière, allons-y franchement ! En revanche, contrairement aux délires de Qanon ou de Hold Up, le complotisme de H+ est salvateur : il est littéraire et ludique. Et c’est peut-être ce qui manque à trop de gens, de jouer un bon coup avec leurs peurs, qui sont évidemment les nôtres, dans un excellent délire où des fous dangereux montent en puissance et se créent un salut dont ils nous excluent.

Comme toute bonne dystopie, H+ décolle légèrement du réel et exagère d’un cran la voie dans laquelle il semble engagé, de façon à ce que l’on y retrouve suffisamment d’indications ressemblant à notre perception du monde contemporain pour que le soupçon se porte délicieusement sur les forces occultes à l’oeuvre.

De temps en temps, disons-le, le délire est poussé de plus d’un cran, ou même de deux ou trois : orgie sataniste avec revécu de vies antérieures, super pouvoirs, et toujours le complot contre la mesquine finitude de la vie, pour rien de moins que la toute-puissance sur son corps, mais aussi sur ceux des autres, et sur le monde… C’est le moment où le complotisme s’amuse de lui-même, et il ferait bien de le faire plus souvent. Vive la littérature, et à mort la mort !

H+, Nicolas Roberti, Lys bleu, septembre 2020, 268 Pages, 19,40 euros, ISBN 979-10-377-1293-6, EAN 9791037712936

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Christine van Geen
Christine van Geen a enseigné la philosophie au lycée et à l'Université avant de fonder il y a cinq ans le "Lavoir - Ateliers Réunis", tiers-lieu à Rennes. Elle passe la main en janvier 2021 pour écrire dans le domaine de l'écologie politique et de la cuisine, tout en montant une activité de conseil en montage de tiers-lieux en milieu rural, les "Ateliers Réunis".

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