Journal ambigu d’un cadre supérieur, Étienne Deslaumes > Un portrait décapant

 « Je ne sais pas si l’homme est bon, au naturel, mais une chose me paraît certaine, il ne l’est pas et, probablement, il ne peut pas l’être, dans une organisation », voilà comment débute Journal ambigu d’un cadre supérieur, un drolatique pamphlet sur le monde du travail. Si Étienne Deslaumes met en garde le lecteur sur la dimension également fictive de son histoire, il ne semble pas loin de la réalité.

Que le bureau soit le royaume de la mesquinerie et de la manipulation, il ne faut jamais en avoir fréquenté un pour en douter. Et notre auteur n’en doute à aucun moment. La démolition se fait entièrement à la pelleteuse. Dès l’arrivée d’E dans son nouveau job de directeur juridique, le lecteur est immédiatement transporté au coeur du sujet. Au centre de ce qui se révèle un système de torture se trouve Iban Lanziega, basque de son état. Il dirige d’une main de fer une quinzaine d’employés. Employés guidés par la soumission, la jalousie, la peur et l’incompétence. Autour de ce Guantánamo taille réduite pavane l’incontournable et redouté DRH Paul Rebou, une sorte de nullité à pouvoir. À ce casting, il y a lieu d’ajouter l’assistante maîtresse du patron, le gay de service, le larbin, le fayot… L’ensemble pourrait faire assemblage de clichés, mais non : car la vérité au travail est bien souvent un assemblage de clichés.

Qui plus est, au lieu de taper sur chaque personnage, Étienne Deslaumes constate simplement les ravages humains qui ont lieu dans certaines entreprises. L’objectif et le moyen : le clonage, l’uniformisation, le stéréotype. Si la mauvaise influence des dirigeants est brocardée, le personnel n’est guère exempt de responsabilité. Il suffirait de placer une caméra devant la machine à café puis de montrer ce film en séance collective pour faire s’évanouir de honte à peu près toute la population salariée.

Touche d’optimisme en creux : l’ouvrage délivre quelques recettes pour survivre dans ce monde démoralisant et stéréotypant. Quant à l’humour, au premier ou second degré, il est bien présent. Un portait décapant, une lecture hilarante.

Étienne Deslaumes, Journal ambigu d’un cadre supérieur, Monsieur Toussaint Louverture, mai 2012, 184 pages, 16€
Étienne Deslaumes a travaillé vingt ans pour la filiale d’un groupe d’assurances. Il a connu la fin du «monde du travail» de ses parents, celui dans lequel, si on ne déméritait pas, on avait de bonnes chances de rester toute sa vie. Plusieurs années après son départ volontaire, il décide d’en tirer une satire distrayante, quelque chose de mordant. Après deux ans d’écriture, ce Journal en est le surprenant résultat.
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