Raphaël Beau, alias LAAKE, sortait O, son premier album studio, le 27 mars dernier, la veille du Piano Day. Une date importante pour ce musicien originaire de Poitiers et migré à Paris qui a fait du piano le chef de chœur d’une œuvre musicale à mi-chemin entre l’électronique et l’acoustique des instruments classiques. O, pour ORCHESTRAA. Il revient avec nous sur l’aboutissement de ce projet qui habite depuis bien dix ans ce pianiste autodidacte : jouer et enregistrer avec un orchestre.
LAAKE, alias du producteur électronique Raphaël Beau, adepte du mélange entre piano et techno, sortait son premier album studio le 27 mars dernier chez Mercury Records. O, pour ORCHESTRAA, un album où le musicien pousse plus loin encore l’hybridation de son projet en s’accompagnant de deux quatuors classiques, cordes et cuivres. Pour lui, c’est un aboutissement : “J’ai toujours eu envie d’enregistrer ou de jouer avec un orchestre, c’est un objectif que je me suis fixé depuis longtemps. Pour mon premier album, je voulais m’attaquer à des choses que je ne maîtrise pas, que je ne sais pas faire”.
Autodidacte, il apprend le piano dès le plus jeune âge, sans pour autant recevoir la moindre formation classique. Aujourd’hui encore, il admet avec la plus grande modestie ne pas avoir une énorme culture du piano ou des compositeurs classiques, et s’intéresser davantage à l’utilisation du piano dans la musique actuelle. Parmi ses références, Yann Tiersen, le pianiste allemand Wim Mertens ou encore le piano rock qui a pu marquer certains morceaux de Muse ou de Radiohead.
LAAKE a fait son apparition sur la scène française depuis 2015. Deux EP à son actif et quelques morceaux remarqués, “Swell” (2016), “Melancholia” (2018) dont il réalisait lui-même un superbe clip, lui ont valu quelques belles dates comme le Printemps de Bourges ou le festival Maintenant à Rennes en 2017, ou encore Astropolis en 2019.
O, son premier album constitue une étape importante dans l’évolution artistique de celui qui jusque-là avait surtout été un bedroom producer. Non seulement il s’entoure de huit musiciens classiques pour enregistrer l’album (deux violons, un violoncelle, un alto, un trombone basse, deux ténors et une trompette), mais il passe aussi pour la première fois en studio, pour neuf jours intenses d’enregistrement. De producteur, il devient chef d’orchestre en herbe, découvrant un monde de partitions écrites qu’il ignorait complètement jusqu’alors. Il apprend sur le tas les rudiments de l’écriture musicale l’été dernier.
“J’ai tout composé au piano, mais je n’avais pas le langage nécessaire, ni la formation pour écrire pour un quatuor. La composition s’est faite très vite, c’est tout le travail de réadaptation qui a été extrêmement long. J’étais le seul à ne pas pouvoir lire mes propres partitions. Des fois, mes musiciens me regardaient en tirant des têtes bizarres parce que j’écrivais pas de façon conventionnelle”. Dans cette rencontre de deux mondes, de deux langues, il a pu compter sur le soutien de Juliette Serrad, violoncelliste qui joue avec lui en concerts depuis plusieurs années, toujours en improvisation. “Elle a été un pont entre les musiciens et moi, pour traduire mes intentions avec le vocabulaire technique de musique écrite”.
Le résultat de ce travail laborieux offre à la musique de LAAKE une nouvelle dimension pleine de relief, quand les cuivres redoublent la basse, que les cordes épousent le piano. Elle joue tantôt de l’émotion du piano nu, de la simplicité des mélodies, tantôt de l’épique, du haletant ou du dramatique, évoquant inévitablement le cinéma sur des morceaux tels “RUN” ou “FAATHER”.
La voix fait aussi partie intégrante de ce projet que le musicien qualifie d’électro orchestrale. Elle ajoute un aspect humain à un ensemble machinique et se veut “un cheminement à travers l’album”, précise-t-il. Déclamées plus que chantées, les paroles peuvent appuyer la mélancolie du piano ou créer un espace intimiste, comme dans “MIND”, seule chanson en français de l’album, réalisée en duo avec la chanteuse Tallisker.
Pour autant, l’élément électronique reste au cœur du projet, contrairement à certains morceaux de néo-classique. Dès les premières notes de l’album, les sonorités électroniques se mêlent aux notes claires du piano et accompagnent le kick dans une élévation harmonique entêtante, vivifiante. LAAKE combine son piano à un Juno 6, synthé analogique des années 1980, et des plugins digitaux pour créer un juste mélange, à la fois touchant et prenant, mélancolique et énergique.
“J’aime les choses qui tapent. Dans tous les genres de musique, le rock, le métal, la musique électronique, même des musiques de Piazolla dans le tango qui sont vachement fortes. Des choses qui font vraiment ressentir des émotions particulières. Je recherche surtout le relief. Ce que je veux insuffler à ma musique, c’est un mélange entre le calme et l’énervé, entre l’ombre et la lumière. Sans relief, il n’y a pas de puissance ni de force”.
C’est sans doute ce relief, cette force qui se dégage du chassé-croisé des émotions, ce mariage si réussi des instruments électroniques et acoustiques, qui donne à ce premier album, après seulement deux EP, des allures de petit chef d’œuvre.
Juste avant le confinement, LAAKE, accompagné de ses deux quatuors, réalisait un concert filmé par Arte et diffusé pour le Piano Day le 28 mars dernier, lendemain de la sortie de l’album.