Legal Shot Sound System. 20 ans de dub en Bretagne

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Legal Shot Sound System fera trembler la scène du Green River Valley Festival à Vains (Normandie), vendredi 8 juillet 2022. Fortement ancré dans le territoire rennais, le collectif rennais fait vivre la culture dub à l’échelle internationale depuis deux décennies maintenant. En octobre 2021, Unidivers avait rencontré le collectif, connu surtout pour son remarquable système-son, alors que les portes du Liberté de Rennes s’apprêter à s’ouvrir sur la soirée House of dub #2. La rédaction avait voulu savoir qui se cache derrière les caissons qui résonnent…

Samedi 9 octobre 2021, 19 h approche. La salle du Liberté de Rennes est vide de tout public, mais les équipes techniques et les artistes s’affairent. Au centre, la scène est encadrée par le légendaire sound system des Rennais Legal Shot. Pour l’occasion, les trois colonnes de leur système de sonorisation, tout de bois vêtu, sont réparties de part et d’autre de la salle. L’ensemble se prépare à cracher plus de 20 KW de son… Il se dégage des lieux une effervescence joyeusement stressante, caractéristique des dernières minutes avant le début du spectacle. Et pour cause, l’ouverture des portes de la soirée House Of Dub #2, coorganisée par l’association Legal Promotion, le promoteur d’événements West&Co et l’agence de booking Cartel [Bzh], approche.

Au moment de la rencontre, il n’est pas difficile de sentir l’excitation dans l’intonation des voix du collectif Legal Shot, composé de Ben, Electro Phil, Matty, Paco et Polak. Et cette envie irrésistible de voir la soirée commencer. « On sent comme un parfum de fête de la musique », sourit Matty, en référence à leur événement fétiche qui s’est tenu plusieurs années sur l’esplanade des Champs Libres. Et Electro Phil de préciser, « ça fait deux ans qu’on n’a pas joué, et la dernière fois c’était justement au Liberté, pour la première édition de House of Dub ».

legal shot sound system
De gauche à droite : Polak, Electro Phil, Lasaï, Matty, Ben, Paco © Legal Shot Sound System

« Passionné est le terme qui définit le mieux Legal Shot. »

« La révélation s’est produite lors d’une visite au carnaval de Nothing Hill à la fin des années 90 », raconte Ben. Fondé en 2000 par des Malouins, le collectif Legal Shot est avant tout une histoire d’amis passionnés par une même musique : le dub. Même s’ils se sont fait une spécialité des styles rub-a-dub et digital dub, ses membres embrassent la variété de cette culture musicale : le 80’s, le stepper, etc. Depuis un peu plus de 20 ans maintenant, la singularité de chaque membre crée le collectif, le valorise. « C’est le collectif qui compte. C’est l’association de tous qui fait qu’on arrive à faire ce qu’on fait », souligne Ben.

Assez vite, une fois avoir fait le tour des bars de Saint-Malo, tous prennent la route vers Rennes, ville étudiante avec une forte culture musicale, qui bouge plus que la vieille cité des corsaires, devenue station balnéaire. « El Cubanacan, boulevard de Verdun, fermé aujourd’hui, reste une de nos meilleures résidences. On jouait au moins une fois par mois, entre 2006 et 2008 », déclare Polak, particulièrement fan des clashs, durant lesquels les sounds systems s’affrontent avec chansons propres à chaque collectif (dubplates).

Avec l’installation de Polak à Paris en 2006, le champ des possibles s’élargit. Après avoir organisé des soirées à Rennes, des soirées s’organisent à la capitale, notamment au club Le Glazart. Le collectif tourne rapidement dans les plus grands festivals français et européens, tels le Reggae Sun Ska festival en Gironde ou le Rototom Sunsplash festival en Espagne.

Parallèlement à l’organisation d’événements, Legal Shot fonde un label en 2013, soit près de 15 ans après la création du sound system. Une activité qu’ils ont conscience d’avoir développé assez tardivement. « La production est un milieu qui prend du temps, un travail à part entière. Au début, on avait uniquement l’idée de produire nos riddims (instrumental formant la base d’une chanson, ndlr.) », souligne Matty. « On était peut-être plus focalisés sur l’enregistrement de dubplates (production musicale sur lequel un artiste modifie les paroles d’une de ses compositions pour en faire un hommage au sound-system qui le lui a commandé, ndlr.), mais on aurait aimé accélérer cette partie production. » Et il rajoute : « On a toujours eu une vision à long terme de ce qu’on réalisait dans le sound system et il n’est jamais trop tard pour accélérer. C’est ce qu’on compte justement faire. »

La diversité des activités de l’association Legal Promotion – production musicale, émission de radio, booking d’artistes délégué à une agence extérieure, etc.  – est d’autant plus impressionnante que chacun possède une activité à côté, notamment à cause de la difficuté de vivre à cinq d’un sound system. « On s’est toujours dit que les dépenses d’un sound system étaient supérieures à ce qu’on pouvait espérer en revenus. Il valait mieux qu’on travaille à côté. Et les salaires permettaient de réinvestir dans le son si besoin », explique Polak.

Comme dans bien des écosystèmes musicaux, alternatifs qui plus est, seule une minorité réussit à vivre de son sound system, à l’instar de Black Board Jungle ou OBF. « Dans le milieu dub, comme dans tous les milieux qui ne sont pas réglementés, c’est lobby contre hobby », précise ce dernier. Ce n’est pas pour autant qu’ils ne se donnent pas à fond dans la musique, bien au contraire. L’acharnement dont ils font preuve depuis leurs débuts et la multiplicité de leurs activités révèlent sans conteste un amour féroce pour la musique. « On est contents de notre fonctionnement actuel, on est sur de l’associatif. Contrairement à nos débuts, on ne dépense plus d’argent personnel », ajoute Matty.

Legal shop sound system
House Of Dub #2, samedi 9 octobre 2021, Le Liberté, Rennes

« Un système de sonorisation de plus de 20 KW, avec 12 scoops. »

Où qu’ils aillent, les Legal Shot ne tournent qu’avec leur propre système de sonorisation, qui a fait leur renommée, depuis 2010-2011. Un sound system sur lequel ils ne cessent de travailler afin de continuellement améliorer la qualité du son. « Avec Phil, on a commencé à bidouiller notre propre system son, aidés par son père, alors qu’on avait à peine 14 ans. On a commencé avec deux petites enceintes », se souvient Ben. « À l’époque, on ne trouvait pas de plans sur Internet. On a fait énormément de recherches et testé des systèmes d’exploitation avant de commencer à tourner dans les free parties et festivals. On louait une partie du système en plus du matos qu’on avait créé. »

Ils sont alors le seul sound system reggae parmi ceux de musiques électroniques. Leur dispositif évolue dans la tradition authentique des sound systems jamaïcains, avec la particularité de tout construire eux-mêmes, notamment grâce aux talents de Phil pour qui l’électronique est une vraie passion : enceinte, câbles, pré-ampli qui permet le réglage son, etc.

Legal shop sound system

Face à la course aux kilowatt qu’on observe généralement dans les sound systems, l’équipe de Legal Shot cherche à se démarquer en privilégiant la qualité du son à la puissance. « On recherche la qualité hifi sur des enceintes de concert », précise Ben. C’est d’ailleurs le seul système son en France, et pratiquement en Europe, à être quasi exclusivement en analogique pour le traitement du son. « La phase de test a duré une dizaine d’années. On est sur trois colonnes depuis 2010-2011 », continue-t-il.« On travaille actuellement sur de nouveaux modèles d’enceintes qui devraient être opérationnels d’ici deux à trois ans. »

house of dub rennes

« Jouer à Rennes reste le plus important. »

Bien que leur sound system voyage à l’échelle européenne, rien ne vaut le retour au pays pour eux… « Rennes est la ville qui nous a fait naître. On voulait rendre à la ville tout ce qu’elle a pu nous donner », souligne Polak. Pour cette raison, le collectif a à cœur de promouvoir le dub dans la capitale bretonne. Avant la « House of Dub », en 2019 et 2021, le collectif organisait l’événement « Dub Me Crazy » pendant trois années consécutives (2014 à 2016). Trois soundsystems étaient invités à se produire au Liberté, avec leur système de sonorisation. Rouverte depuis septembre 2020, la Salle de la Cité a également été le lieu d’accueil de nombre de leurs soirées, pendant des années, quasi tous les mois. Mais au regard des contraintes techniques à la suite de sa rénovation, et des problèmes de voisinage croissant dans le centre-ville, il est fort peu probable que le lieu redevienne le pilier de la scène musicale rennaise que la ville a connu à une époque. « L’appartenance à la ville est très importante pour nous et on aimerait vraiment trouver une nouvelle résidence à Rennes. »

Leur rendez-vous favori reste néanmoins la fête de la musique à Rennes : « en plein air, gratuit, tout le monde peut venir. C’est l’aboutissement d’une année », confie Matty. Installés aux pieds des escaliers entre les Champs Libres et le CRIJ, qu’il pleuve ou qu’il vente, les membres de Legal Shot ont le smile et partagent sans compter leur amour du dub.

Legal Shot Juniors, la relève est assurée

Avec des parents aussi passionnés, comment ne pas transmettre cet amour de la musique à sa progéniture ? Noah, 14 ans, Keziah, 13 ans et Melvin, 11 ans ont assuré le warm up (le premier set de l’événement) de la House of Dub, avec Legal Shot. Tous trois baignent dans la musique depuis leur plus tendre enfance et malgré leur jeunesse, les sound systems n’ont déjà plus de secrets pour eux puisqu’ils les côtoient depuis qu’ils sont nourrissons. Chacun à son niveau met un pied de plus dans ce monde. « Chaque année, ils ont leur temps à la fête de la musique et Noah commence à faire ses propres instruments », précise Phil avec le sourire.

Il est sûr que la relève est assurée et que Rennes aura encore le plaisir de découvrir de nouveaux projets signés Legal Shot. Dans la continuité du festival No Logo à Saint-Malo, pourquoi ne pas envisager, sur du long terme, un festival dub sur le territoire rennais, signé Legal Shot ?

Site Green River Valley

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