MA DAME PARIS, LE WAACKING À LA FRANÇAISE A RENNES

Le collectif Ma Dame Paris et la compagnie Madoki investissent la scène du Triangle vendredi 1er mars. Leur spectacle, Oui, et vous ? invite à découvrir une version revisitée du waacking, cette danse née dans l’effervescence des clubs disco ! Josepha Madoki, alias Princesse Madoki, nous en dit plus.

Josepha Madoki Ma Dame Paris waacking
Crédit : Luc Valigny

UNIDIVERS : On vous entend dire sur un plateau de télévision que le waacking donne la liberté d’être qui on veut. Alors qui se cache derrière le nom de scène que vous vous êtes donné, Princesse Madoki ?

JOSEPHA MADOKI : Princesse Madoki, c’est le rêve d’une petite fille. Depuis mon plus jeune âge, j’ai toujours rêvé d’être une princesse. Quand j’ai commencé le waacking et que j’ai dû trouver un nom de scène, j’ai choisi ce pseudo assez naturellement. Il désigne la femme enfant, la petite peste que j’étais, une jeune fille sûre d’elle, qui a tout, qui n’a pas de limite, qui n’a peur de rien.

UNIDIVERS : Comment vous êtes-vous mise à danser le waacking ?

JOSEPHA MADOKI : Depuis très jeune, je pratique la danse hip-hop. J’ai découvert le waacking en 2005, grâce à Yoshie Koda, une danseuse japonaise venue à Paris pour une démonstration de locking. C’est une danse de la culture hip-hop qu’on qualifie de funky style. Elle y incorporait des mouvements de waacking qui m’ont beaucoup marquée. Mais j’ai mis du temps à entrer vraiment dans cet univers. C’est une danse où la féminité est forte. Or étant jeune, j’avais encore du mal à affirmer cette partie de moi. J’étais plongée dans le hip-hop, un univers très masculin, et je manquais de confiance pour mettre cette féminité en avant.

C’est plusieurs années après, en 2012, que je me suis lancée dans cette danse. J’ai voyagé aux États-Unis pour suivre des stages, rencontrer les créateurs de cette danse qui sont pour la plupart encore vivants. Ils m’ont permis de préciser l’historique de cette danse, où elle était née, comment, pourquoi. J’ai été trouver des informations partout où il y en avait, à New York, à Los Angeles. Je suis ensuite revenue en France où j’ai commencé à m’entraîner, d’abord toute seule, puis dans des battles.

UNIDIVERS : Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est cette danse, d’où elle vient ?

JOSEPHA MADOKI : Le waacking est né à Los Angeles au début des années 1970, avec la musique disco. Elle a été créée par la communauté gay afro et latino qui s’inspirait dans ses mouvements de danse du glamour du cinéma hollywoodien. Le cinéma muet, les stars hollywoodiennes des années 1950, des icônes comme Fred Astaire, Marylin Monroe, Greta Garbo. D’ailleurs cette danse s’appelait Garbo, à ses débuts.

Mais c’est une danse politique dans la mesure où cette communauté l’a créée en réponse à l’inaccessibilité du monde hollywoodien glamour, beau, nanti, et dans laquelle la communauté gay afro et latino n’avait pas vraiment droit de cité. Ils ont donc recréé leur monde de glamour et de beauté dans les clubs, à travers cette danse qui devenait un moyen d’expression, d’être ce qu’on ne pouvait être, de toucher du doigt quelque chose d’inaccessible. D’où l’idée que le waacking permet d’être qui on veut : cette danse est née d’une frustration, d’un besoin d’exister, d’être là, d’être vu, d’être beau. Peu importe le corps qu’on a, la couleur de peau, d’où l’on vient, on a le droit d’être sous les projecteurs, d’être pris en photo, d’être bien habillé. C’est pour ça qu’il y a vraiment une notion de liberté dans cette danse.

« La disco donne à chacun la chance de devenir une star… ne serait-ce que le temps d’une nuit », David Blot & Mathias Cousin, Le Chant de la machine (2000)

UNIDIVERS : Le waacking est-il encore à la marge aujourd’hui ?

JOSEPHA MADOKI : Dans une certaine mesure, oui. La culture chorégraphique est importante en France. Aujourd’hui, tout le monde connaît la danse contemporaine ou le hip-hop, des scènes sont dédiées à ces danses. Le waacking est encore un point d’interrogation pour beaucoup, et les waackeurs sont souvent confrontés à ce manque de visibilité. Il y a toujours un moment où il faut expliquer ce que c’est, être pédagogique : non ce n’est pas nouveau, ce n’est pas juste une danse de belles filles en talons. Il y a des codes, une véritable technique à suivre, à travailler, au même titre que la danse classique, le hip-hop, le popping ou le break. Il y a bien sûr un côté gratifiant à faire découvrir cette danse à un large public, mais souvent on constate qu’il y a encore du boulot pour y arriver.

(avant le spectacle du 1er mars, un SAS de Nathalie Salmon est proposé pour offrir des clés de compréhension au public)

UNIDIVERS : C’est l’objectif que vous vous êtes fixé en créant le collectif Ma Dame Paris ?

JOSEPHA MADOKI : Ma Dame Paris est un collectif qui date de 2016 et que j’ai cofondé avec deux autres danseuses parisiennes, Sonia Bel Hadj Brahim (SonYa) et Mounia Nassangar (Mounia Lisa). Nous nous sommes réunies autour d’une même vision de cette danse. Nous souhaitions développer le waacking en France. Pour cela, nous organisons des conférences, des workshops, des spectacles.

Josepha Madoki Ma Dame Paris waacking

Cette même envie m’a conduit aussi à lancer un festival, All Europe Waacking, dont la première édition s’est déroulée sur trois jours, du 1er au 3 février 2019. Il réunissait tous les meilleurs waackeurs d’Europe pour un battle à Paris. Le festival s’ouvrait avec l’un des premiers waackeurs de Los Angeles, Tyrone Proctor, qui donnait une conférence sur la naissance de cette danse. Mais je voulais aussi souligner comment cette danse s’est développée à travers le monde, en Asie, en Europe de l’Est : le mouvement waacking s’est énormément élargi et a évolué. J’ai voulu que le festival se concentre sur la culture waacking en Europe, qu’il rassemble dans un même endroit les waackeurs des différents pays d’Europe. Je souhaite en faire un rendez-vous annuel de la scène waacking en Europe, ce qui manque jusque-là, malgré les petits événements organisés un peu partout.

all europe waacking festival ter

L’événement a suscité un engouement chez les spectateurs, mais aussi chez les danseurs qui se réjouissaient de trouver un espace où tous se retrouver pour partager cette même passion malgré les différences de corps, de langues et de cultures. C’était intéressant de voir comment les danseurs d’Europe de l’Est pratiquent le waacking par exemple. Il y a toujours des variantes selon les lieux, les pays. C’est quelque chose qu’on défend avec Ma Dame Paris. Dans nos spectacles, on cherche à apporter une identité française au waacking.

Josepha Madoki Ma Dame Paris waacking
Crédit : William K

UNIDIVERS : Le spectacle, que vous présentez au Triangle le 1er mars, Oui, et vous ?, produit par la compagnie Madoki, est la suite d’un premier spectacle, Waackez-vous Français ?. Quelle continuité, ou quelle évolution, existe-t-il entre les deux spectacles ?

JOSEPHA MADOKI : Waackez-vous Français ? est un format court. C’est le résultat de notre première envie de créer un spectacle de waacking pour mettre en lumière cette gestuelle particulière et méconnue, surtout sur les scènes des salles de spectacles. Nous voulions valoriser cette danse, mais aussi la musique francophone. Le waacking se danse habituellement sur de la musique américaine. Mais quand on waacke, on interprète la musique autant que les paroles. C’est une danse très axée sur l’interprétation physique des paroles, ce qui est une spécificité rare dans la danse. Il faut comprendre chaque mot et les exprimer. On trouvait donc intéressant de danser sur de la musique française, sur notre langue maternelle. Le spectacle a connu un bon succès et on a donc eu envie d’en faire un format plus long, dont le titre, Oui, et vous ?, répond à celui du premier spectacle.

UNIDIVERS : Vous disiez que la place de la féminité dans le waacking est importante. Cela dit, dans Waackez-vous Français ?, vous portiez des costumes plutôt masculins…

JOSEPHA MADOKI : Dans ce premier spectacle, on a voulu aller à l’opposé des codes du waacking. Pour rompre avec le cliché des strass et des paillettes. Mais pas parce qu’on n’aime pas. Personnellement, j’adore ça, et c’est ce qui m’a fait aller vers le waacking, ce lien très fort avec la féminité, la mode. Pour autant nous ne voulions pas être enfermées dans cette image. Pour le nouveau spectacle, on a aussi souhaité rester dans une féminité subtile.

UNIDIVERS : Vous avez aussi choisi de ne pas danser sur de la disco, mais sur des musiques francophones, quelle était l’intention ?

JOSEPHA MADOKI : Dans la création, on est sorties du registre disco pour présenter une vision contemporaine du waacking, qui a beaucoup évolué depuis les années 1970. C’est avec toutes nos particularités de Françaises, de femmes de 2019, de waackeuses européennes, qu’on a créé ce spectacle. Nous voulions présenter une version française du waacking. S’approprier cette danse avec notre langue française, en utilisant des musiques qui résonnent en nous différemment des musiques américaines. On se demandait comment notre corps, notre danse waacking, réagirait sur des musiques francophones dans lesquelles on comprend chaque mot, si nous parvenions à interpréter toutes les subtilités de la langue de Molière. C’était une espèce de challenge, un exercice excitant. On a choisi des musiques d’artistes qui jouent avec les mots de la langue française comme Colette Renard ou Hocus Pocus.

UNIDIVERS : Ultérieurement au spectacle du 1er mars aura lieu un autre événement, le 10 mars, le bal waack, à l’Étage cette fois. Quel est le principe ?

JOSEPHA MADOKI : Le bal waack s’inscrit dans la démarche de faire connaître le waacking au plus grand nombre et de rendre cette danse accessible à tous. Il s’agit d’un spectacle participatif où j’invite les gens de tout âge à venir découvrir cette culture et à se l’approprier en dansant. Un moment de fête où le public fera le spectacle, contrairement à un spectacle où il est assis.

UNIDIVERS : Le bal sera précédé d’un atelier « Capitaines de bal », où vous formerez des danseurs volontaires pendant deux heures. Quel sera leur rôle le jour du bal ?

JOSEPHA MADOKI : Ils seront des référents dans la foule. Les premières fois que j’ai organisé cette forme de bal, il y avait beaucoup de monde. Je voudrais pouvoir compter sur une dizaine de danseurs qui connaîtraient d’avance la trame du bal, pour entraîner leurs voisins dans la danse.

Josepha Madoki Ma Dame Paris waacking
Crédit : Pablo Rodriguez

Cet entretien a été réalisé en collaboration avec Emmanuelle Volage.

Informations et billets sur le site du Triangle.

Chorégraphie collective et interprètes Sonia Bel Hadj Brahim, Josepha Madoki, Mounia Nassangar / création et composition musicale Shay Mané / création lumière Judith Leray / stylisme Christelle Madoki.

Production : Compagnie Madoki / Soutien à la production : IADU (Initiative d’Artiste en danse Urbaine) et le CCN de Caen.

++ 1ère partie
solo de Bboy Jordan
Quand la puissance et la technique du breakdance se mettent au service de l’élégance !

TARIFS
18€ plein
13€ réduit
6€ -12 ans
4€ / 2€ SORTIR !

PASS Triangle :
13€ plein
10€ réduit
5€ -12 ans

++ Baby sitting
ven 01 mars 20:00
gratuit, +6 mois,
inscription à l’accueil

AUTOUR DE
DIM. 10 MARS
Bal
Bal Waack
VEN. 1ER MARS
Culture Chorégraphique
Le SAS « Oui, et vous ? »
VEN. 8 MARS
Atelier
Atelier « Capitaines de Bal »

 

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Jean Gueguen
J'aime ma littérature télévisée, ma musique électronique, et ma culture festive !

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