Pour Mahaut Drama, rire n’est pas fuir mais festir

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Elle arrive comme un éclat. Une présence qui ne s’impose pas par la force mais par l’évidence. Mahaut Drama entre, et quelque chose s’allume.

Au fil des scènes, des studios, des plateaux qu’elle traverse, la jeune femme a imposé une manière d’être au monde qui mêle humour, lucidité, intensité politique et joie furieuse. À 31 ans, l’humoriste, chroniqueuse, journaliste et désormais romancière incarne l’une des voix les plus singulières – et les plus libres – de la scène française actuelle.

Née en 1994, Mahaut Drama grandit entre deux influences qui, de prime abord, semblent se répondre comme chiens et chats. D’une part une mère architecte, incarnation d’une rigueur visuelle ; d’autre part, un père anarchiste, amoureux des radios libres. Entre structure et indiscipliné, entre perspective et désordre joyeux, elle trouve très tôt son terrain d’expression qui est la parole.

À l’Institut catholique de Paris puis à la Sorbonne, elle étudie l’histoire et les sciences politiques avant de rejoindre l’Institut français de presse. Un parcours classique, presque trop sage pour une personnalité qui, déjà, cherche la brèche. C’est dans les comedy clubs que cette brèche se transforme en voie royale ; en 2017, elle monte sur scène. La scène, ce laboratoire d’expérience où l’on casse les codes, où l’on tente, où l’on rate – et où elle trouve sa vérité.

En 2018, Mahaut Drama cofonde le Comédie Love qui est la première scène queer et féministe parisienne. Un lieu « bienveillant et solidaire » qui révèle un autre aspect essentiel de sa trajectoire. Elle n’a pas seulement envie d’exister dans un espace, mais de l’ouvrir aux autres. Rire ensemble, mais aussi se soutenir, se reconnaître, créer une communauté.

Pour elle, le stand-up n’est pas une simple performance. C’est une manière de survivre dans un monde parfois hostile. D’où son humour frontal, provocateur, tendre aussi, et intensément politique. Parler de santé mentale, de grossophobie, de violences, de queerphobie, mais avec le feu du rire. Mahaut Drama transforme les blessures en flèches de lumière. Le rire est une arme, mais c’est aussi un refuge.

Repérée par Radio Nova, elle signe d’abord « Le Toast de Mahaut » qui s’avère un concentré de verve, de critique sociale et d’impertinence qui révèle une plume acérée, sans jamais sacrifier la joie.

Sur France Inter, elle passe par C’est encore nous !, Zoom Zoom Zen, la matinale… Le ton est vif, parfois décapant, mais toujours profondément incarné. La singularité de Mahaut Drama réside là — jamais un masque, jamais un exercice de style gratuit. Son humour porte la trace de ce qu’elle vit – et de ce qu’elle refuse de taire.

À la télévision, elle rejoint Téva, puis Quotidien. À l’écran, la caméra attrape immédiatement son énergie, on y perçoit la clarté de pensée, l’insolence douce, la part ludique et la part urgente.

C’est en 2019 qu’elle lance la première version de son spectacle, Drama Queen. Depuis, le show n’a cessé de grandir, de tournées complètes en salles combles. De Paris à Avignon, de Lille à Marseille, elle captive.

Dans ce seul en scène, elle se raconte sans fard. Ses angoisses, ses échecs, ses fulgurances, ses amours, ses colères. Tout y passe, mais tout est transmuté. Mahaut Drama ne raconte pas sa vie, elle la met à nu pour en tirer quelque chose de plus vaste, la possibilité de rire de soi, de se comprendre, d’avancer.

2025 marque une étape supplémentaire. Mahaut Drama publie son premier roman, Que jeunesse se passe (Robert Laffont). Une autofiction où elle aborde la violence, l’intime, la construction de soi, les fissures et les renaissances. Le livre surprend par sa pudeur, sa franchise, et par cette capacité – rare – à faire cohabiter le tragique et la légèreté.

Ici encore, elle va là où ça fait mal, mais n’oublie jamais d’y mettre du soleil.

On associe souvent Mahaut Drama à son énergie, à ses paillettes, à ses formules qui claquent. Mais la vérité de son personnage tient à une phrase qu’elle répète souvent : « La fête est vitale. »

Pour elle, la fête est un moment où l’on cesse de se cacher, où l’on reprend son souffle, où l’on réaffirme qu’on existe. Son univers est queer, flamboyant, traversé de couleurs, mais il est aussi profondément politique, parce que dire « je veux de la joie » est, en soi, une déclaration.

Mahaut Drama est une funambule qui choisit la lumière, même quand l’équilibre est précaire. Son travail, qu’il soit radiophonique, scénique ou littéraire, repose sur une conviction intime qui est que rire n’est pas fuir. Rire, c’est dire.