Mein Fürher > Lecture-spectacle au Théâtre du tiroir > 2/02

Un comédien en fin de carrière, accepte comme dernier rôle d’interpréter le personnage d’Hitler.
C’est un rendez-vous que, pour des raisons personnelles et philosophiques, il souhaitait avoir depuis longtemps avec le dictateur. Il s’emploie alors à construire ce personnage, non pas avec le souci de juger, mais avec celui d’interpréter au plus juste la personnalité du Führer. Mais peut-on vraiment humaniser le mal ?

L’horreur commise par les nazis a été, depuis la chute du troisième Reich, appréhendée de deux façons :

— l’une entendait expliquer les faits monstrueux du dictateur et ce essentiellement à la lumière de la folie démoniaque d’Hitler.
— l’autre, négligeant la personnalité du Führer, abordait cette période en ne s’intéressant exclusivement qu’au contexte politique. Celui de L’Allemagne et aux intérêts de classe qui s’y affrontaient dans les années 30.

La synthèse historique de ces deux approches n’est pas sans produire aujourd’hui des effets paradoxaux.
Le premier de ces effets — et c’est celui qui intéresse le présent spectacle — tend à donner une image affable d’Hitler, un aspect patelin, très éloigné de la vision diabolique qui prévaut généralement aujourd’hui. La diffusion, ces derniers temps (2007), de films (La Chute) et de biographies donnant une vision plus humaine du dictateur illustre le concept développé par Hanna Arendt, à savoir « la banalité du mal ».
Au passage, relevons avec intérêt la censure récente organisée par TF1 vidéo sur le film « Hitler, la naissance du mal », document qui retrace la vie du dictateur. Les raisons évoquées pour justifier la coupe des vingt premières minutes de ce document tiennent aux « dangers » que présenterait une posture compassionnelle à la vue des douloureuses scènes de l’enfance d’Hitler battu par son père.

C’est dans ce dilemme que nous nous trouvons aujourd’hui face à un tel personnage. Son identification comme malade mentale sanguinaire s’accorde évidemment parfaitement bien avec les actes terrifiants qu’il a fait commettre. Elle nous garde de réfléchir au contenu idéologique de cette barbarie.
Découvrir dans cet homme une coloration humaine, bouleverserait l’appréhension immédiate de ses crimes.

Comment un être, au demeurant aussi anodin, a-t-il pu commettre pareilles horreurs ?
Il y a là une inadéquation troublante. À notre sens, ce hiatus indique surtout qu’il ne suffit pas de diaboliser un personnage pour s’en libérer l’esprit, mais qu’il est nécessaire de poser en termes éthique et analytique la vraie dimension de ses actes.

Il ne faut donc plus, selon nous, chercher à faire coïncider la personnalité d’Hitler avec ses actes !

Les documents, aujourd’hui accessibles, rendent cette méthode de compréhension inopérante et créent une distorsion dangereuse quant au sens des choses. Il est nécessaire pour nous de bien présenter ce qu’il fut et ce jusque dans sa dimension et ses faiblesses d’homme. Notre but étant, bien entendu, de bien faire apparaître la monstruosité de son action. Celle-ci reposant non pas sur la psychologie individuelle de l’homme, mais sur sa conception raciale et antisémite du monde — non encore évacuée de nos jours – et partagée en son temps par quelques millions d’Européens.

Idéologie dont on s’est cru longtemps guéri, vu qu’elle ne semblait appartenir qu’à la folie reconnue d’un homme.

C’est peut-être la vision des films d’Éva Braun sur l’intimité d’Hitler qui a motivé les « premiers » jets » de cette écriture.

Essayer, en reliant la personnalité pateline d’un homme et l’idéologie barbare qu’il défend — position apparemment contradictoire — de comprendre comment une nation hautement civilisée, l’Allemagne bien sûr, a pu corps et âme à un tel individu. Comprendre et expliquer cela… Telle est l’ambition de ce texte.

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