En 2024, 855 personnes sont mortes à la rue en France. Ce chiffre, froid, brut, nous confronte à une réalité inacceptable : celle d’un pays où l’on peut encore mourir dehors, seul, dans l’indifférence. Derrière ce décompte, il y a des prénoms, des visages, des histoires. Des êtres humains qui ont aimé, souffert, ri, espéré. Et que notre société n’a pas su, pas pu, ou pas voulu protéger.
Une augmentation préoccupante
Le Collectif Les Morts de la Rue, qui depuis plus de 20 ans œuvre à rendre leur dignité à celles et ceux que la société a invisibilisés, a recensé 855 décès en 2024, contre 735 en 2023. Une hausse alarmante. Les causes sont multiples : précarisation galopante, saturation des dispositifs d’urgence, violence de la rue, isolement extrême. Mais derrière chaque cause, il y a une faillite collective.
L’âge moyen au décès est de 48 ans. C’est 30 ans de vie en moins que la moyenne nationale.
Parmi ces morts : 703 hommes, 112 femmes, 40 personnes non identifiées par leur genre, et une personne transgenre.
19 enfants de moins de 4 ans sont morts, ainsi que 7 adolescents entre 15 et 18 ans.
Où meurt-on, quand on n’a plus rien ?
Les décès surviennent dans des parkings, cabanes de fortune, abribus, halls d’immeuble ou couloirs de métro. Parfois, dans des centres d’hébergement ou des hôpitaux, mais trop tard. La rue tue, lentement et silencieusement. Pas seulement de froid ou de faim, mais d’épuisement, de maladies non soignées, de violences ou de solitude. Chaque année, ces morts sont honorées lors d’un hommage national. En mai 2025, au parc de Belleville à Paris, leurs noms ont été lus à voix haute, un à un, comme pour dire : on vous voit, on vous reconnaît, on ne vous oublie pas. Des roses ont été déposées, un silence collectif s’est installé. Un moment bouleversant où le temps suspendu tente de réparer ce que le monde a cassé.
« Parce que personne ne devrait mourir ainsi »
Le Collectif Les Morts de la Rue rappelle inlassablement que ces vies perdues ne sont pas le fruit du hasard, mais celui d’une société qui tolère que des êtres humains deviennent invisibles, puis disparaissent sans bruit. Ils mènent un travail essentiel : recenser, accompagner les familles, organiser des funérailles dignes, alerter l’opinion, interpeller les politiques. Leur objectif est clair : que plus personne ne meure dans l’indifférence parce qu’il vivait dans la rue.
« Mourir à la rue, ce n’est pas une fatalité. C’est une défaite humaine et politique. »
Que faire, chacun de nous ?
Il ne s’agit pas seulement d’indignation. Il s’agit de responsabilité. De regard. De geste. Accueillir, écouter, signaler une détresse, soutenir les associations, agir politiquement, interpeller. Chaque action, même infime, compte. Parce qu’en face, ce sont des êtres qui comptent. Ils s’appelaient Youssef, Claire, Dominique, Samira, Bernard. Le plus jeune avait quelques jours. Le plus âgé, 92 ans. Tous sont morts à la rue. Tous méritent qu’on dise leur nom. Tous méritent mieux que l’oubli.
Pour en savoir plus, agir ou soutenir le Collectif : www.mortsdelarue.org
Hommage 2025 : lire la liste des défunts
