Placé pour cette soirée sous la direction du très jeune chef Noam Zur, L’OSB nous a invité à un voyage sous les sombres étoiles des pays du Nord. Si avec Wagner et son Siegfried Idyll nous nous éloignons assez peu, les choses seront bien différentes avec le concerto pour violon et orchestre du Finlandais Magnus Lindberg. C’est le même pays qui est à l’honneur avec Jean Sibélius et sa vision personnelle de l’œuvre de Maeterlinck, Pélléas et Mélisande.
C’est une pièce un peu particulière du maître de Bayreuth qui inaugure cette soirée septentrionale. La version pour orchestre de chambre de cette œuvre, jouée par un ensemble un peu plus important, est pleine de douceur et de poésie. C’est à l’occasion du trente-troisième anniversaire de Cosima Litz, fille de Franck, que treize musiciens jouèrent cette aubade dans l’escalier de la villa du jeune couple à Tribschen. Les habitués de la musique de Wagner ne manquent pas d’identifier au fur et à mesure de l’exécution, des thèmes qu’ils ont déjà entendus dans l’opéra, Siegfried, second volet de la chronologie du cycle « Der Ring der Nibelungen ». Si l’on retrouve des lignes mélodiques d’une extrême douceur, et des emportements sporadiques qui évoquent sans erreur le paysage opératique wagnérien, il manque pourtant un peu de la profondeur que l’on trouve dans ces mêmes œuvres. C’est très agréable à entendre mais on reste un peu sur sa faim. Il y a quelque chose dans la musique de Wagner qui atteint une dimension fantastique et fabuleuse, au sens premier du terme. Ce que beaucoup taxent d’écriture emphatique ne répond qu’au besoin de trouver une adéquation entre la musique et le sentiment qu’elle illustre. Dans Siegfried Idyll, les immenses respirations présentes dans Tannhäuser ou Parsifal n’ont pas encore droit de cité, c’est un Wagner plus mesuré. Noam Zur qualifiera lui-même cette œuvre de la plus « mozartienne » des œuvres de Wagner. Bon… à méditer.
La seconde œuvre du concert, le concerto pour violon et orchestre de Magnus Lindberg, nous ramène dans le domaine de la musique contemporaine. L’auteur, né en 1958, au cours de sa genèse, s’intéresse beaucoup aux travaux de l’IRCAM, dirigé par notre gloire nationale, Pierre Boulez. Il en ressort une œuvre aux sonorités avant-gardistes, mais qui reste totalement audible et ne donne à aucun moment l’impression d’un magma musical proche de la cacophonie. Les thèmes, interprétés par les différents pupitres, s’interpénètrent et constituent un écheveau musical tout à fait complexe. Pascal Cocheril, dans le rôle de soliste, ne manquera pas de souligner avec humour et un peu de malice : musique contemporaine, oui, mais qui reste musicale ! D’ailleurs, de Pascal Cocheril, parlons-en ! Il s’est livré à une démonstration violonistique absolument époustouflante. L’impressionnante technique qu’il a démontrée sur scène a contribué à mettre en évidence sa compréhension de la musique de Lindberg. Il a entraîné le public dans sa vision personnelle et l’a, il faut bien dire les choses, subjugué par l’étourdissante démonstration à laquelle il s’est livré. Riche idée qu’a eu Marc Feldman, notre administrateur général, de puiser dans son effectif, et de permettre à un de ses instrumentistes de s’exprimer hors du cadre de la formation. L’orchestre symphonique de Bretagne est plein de pépites, il nous plairait assez de continuer à les découvrir.
Lorsque l’on parle de Jean Sibélius, pas si éloigné de nous, puisqu’il a disparu en 1957, c’est immédiatement le nom de sa « valse triste » qui vient à l’esprit. Pas de quoi s’étonner donc de savoir qu’elle fut offerte au public en bis et pour son plus grand plaisir. C’est l’œuvre, Pélléas et Mélisande, dont l’écriture fut achevée en 1905 qui nous est proposée en conclusion de cette soirée nordique. Divisée en différents tableaux aux ambiances musicales très différentes, l’OSB nous entraîne tout au long de cette pièce, dans un voyage un peu magique et nous perd dans des brumes d’une douceur trompeuse. Nous commençons donc « aux portes du château », continuons notre déambulation « au bord de la mer » et « près de la fontaine dans le parc » et après avoir rencontré « Mélisande au rouet », partie qui annonce déjà la mort de l’héroïne, nous assistons à son trépas.
L’OSB délivrera de cette œuvre une interprétation très ciselée où les différents pupitres s’illustrent par la précision des interventions. Les pianissimi poussés à l’extrême, rappellent les sonorités de Siegfried Idyll, joué en début de concert et donnent à penser qu’ils seraient une exigence du chef d’orchestre.
Un concert tout à fait intéressant et pourtant le public n’a pas totalement répondu présent et quelques places de l’opéra de Rennes demeuraient vides. C’est bien dommage, car le travail effectué méritait plus d’attention. En Bretagne comme ailleurs, il semble que nul ne soit prophète en son pays.
Prochaines concerts des essentiels de l’OSB – Paris-Séoul
VENDREDI 6 NOVEMBRE
Essentiels #5- Paris-Séoul de 20h00 à 22h00
Rennes / Opéra
SAMEDI 7 NOVEMBRE
Essentiels #5- Paris-Séoul de 20h30 à 22h30
Sarzeau / L’Hermine
Direction : Jin Daniel Suh / Piano : Kyu Yeon Kim / Violon : Ju Young Baek
Gabriel Fauré
Pelléas et Mélisande, musique de scène op. 80Maurice Ravel
Concerto pour piano et orchestre en sol majeurJeajoon Ryu
Concerto pour violonClaude Debussy
Petite Suite