Le débat des candidats aux prochaines élections présidentielles n’aura pas empêché un public tout acquis à la cause de Nolwenn Korbell de se presser dans les travées de la salle Jean Vilar du TNB. Rendez-vous incontournable des bretonnants de tout poil, ce concert d’une heure trente nous a permis de revenir sur le dernier disque de la chanteuse « Skeud ho roudou », autrement dit « L’ombre de tes traces ».
Nolwenn Korbell n’est pas venue seule. C’est dans la pénombre des premiers instants que pénètre sur scène son batteur, Antonin Volson immédiatement suivi du guitariste Didier Dréo, puis d’un intéressant trio de cordes avec Alexis Bocher au violoncelle, Youenn Rohaut et Floriane le Pottier au violon. Julien Stévenin ferme la marche avec sa contrebasse. Le ton est donné immédiatement et le côté militant apparaît sans équivoque dans le premier titre. Elle martèle avec conviction « je me bats sur tous les fronts ». Telle une chanteuse de « protest song » des années 70, elle revient avec véhémence sur tous les thèmes qui touchent les Bretons au cœur, avec celui de l’identité et de la langue en leitmotiv. Elle le fait d’ailleurs plutôt bien, il y a dans l’intensité de Nolwenn Korbell une véritable authenticité, une indiscutable foi en ce qu’elle avance. De surcroît, elle use d’un langage poétique à la foi aérien et tellurique qui oblige à s’attacher à ses pas. Elle sait créer avec le public un lien sans fard et sans faux semblant qui donne envie d’en connaître un peu plus. Souvent musique et paroles deviennent incantatoires et orageuses pour ne pas dire tempétueuses. Le son particulier qu’elle a su créer avec cet ensemble lui confère à la fois qualité et originalité.
Le travail de la voix est tout aussi convaincant. Nolwenn Korbell capable de vociférer ou de produire des sons étranges nous apaise souvent avec une voix douce, comme celle d’une gouvernante racontant à des enfants une histoire pleine d’images scintillantes. À l’instar de conteurs Bretons, elle nous entraîne dans des voyages musicaux, empruntant les mélodies et les rythmes d’autres cultures et l’on passe des accents tziganes de l’Europe de l’Est à la pulsation saccadée du jazz manouche, avant d’aborder pour de courts instants à des rivages orientaux. Avec le titre « Termagi », elle nous propose un paysage varié et énergique. « Termagi » , impression de déjà vu, mais ce mot supposé désigner les gens du voyage, ou, au sens plus large, ceux qui n’ont pas de réelles attaches fixes, nous semble familier, ce qui pourrait apparaître comme curieux pour de non bretonnants. Quelques instants de concentration viendront à bout de ce petit mystère! C’est dans Le Cheval d’orgueil que Per-Jakez Hélias raconte comment, au siècle dernier, dans une Bretagne plutôt « reculée » des forains étaient venus faire, aux Finistériens, la démonstration de la toute nouvelle lanterne magique : tern magic… termagi… nous y sommes ! L’érosion de l’expression lanterne magique dans la bouche rugueuse des habitants du penn ar bed créait un nouveau mot exprimant le déracinement.
Nolwenn Korbell fidèle à ses engagements réussit à nous émouvoir avec le titre Bugale Breizh. Elle exprime la souffrance de ceux qui, des années après, sont restés sur le quai, attendant des réponses que les pouvoirs publics semblent leur refuser. Mais pas seulement la souffrance, elle raconte la colère aussi. Ces Bugale Breizh, ces enfants de Bretagne, n’attendent qu’une chose pour reposer en paix, que ceux qui ont commis une erreur la reconnaissent pour la page soit tournée.
La question à se poser à la fin de ce concert est l’opportunité de tout cela. Nolwenn Korbell est-elle totalement d’actualité ou fait-elle figure de courageuse Armoricaine irréductible. Pour les brezhous pur jus, la question ne se pose même pas. Si, et c’est heureux, les souvenirs douloureux d’un séparatisme violent s’estompent dans le temps, ont-ils été remplacés par un combat où la défense de la culture bretonne passe par les intellectuels et les artistes ? C’est ce que semble vouloir nous dire Nolwenn Korbell, qui , de toute évidence, n’entend pas de sitôt baisser pavillon. Pas toujours convaincante, elle impose un certain respect par la force de ses convictions, et lorsqu’on l’entend, le doute n’est plus possible, au moment d’aimer la Bretagne, il n’y a qu’une seule Nolwenn.
Le CD de NOLWENN KORBELL, SKEUD HO ROUDOU, est en vente sur le site de COOP BREIZH au prix de 17,00 €
Nolwenn Korbell : chant, guitare
Youenn Rohaut : violon
Floriane Le Pottier : violon
Alexis Bocher : violoncelle
Didier Dréau : guitares
Antonin Volson : percussions
Julien Stevenin : contrebasse
Yanna Barbay : création son
Dominique Maréchal : création lumières