Après le passage remarqué de la violoniste afro-américaine Tai Murray, l’opéra de Rennes accueillait, le 10 octobre, une violoniste franco-américaine en la personne de Elissa Cassini. Puisque ces dames d’outre-Atlantique étaient à l’honneur, l’Orchestre Symphonique de Bretagne avait été placé pour un soir sous la baguette de Laura Jackson, habituellement directrice musicale du philharmonique de Reno. (État du Nevada).
C’est Joseph Haydn qui inaugurera la soirée avec l’ouverture de « il mondo della luna », opéra-bouffe en trois actes sur un livret de Carlo Goldoni. Même si le rapport avec la Nuit américaine ne nous a pas sauté aux yeux, cela aura été, à tout le moins, l’occasion pour l’OSB de proposer une entame de soirée agréable, rafraîchissante, et pour Laura Jackson, de démontrer son aptitude à diriger ce bel ensemble. À travers une gestique, très académique, elle dirige ses pupitres avec sérieux et semble, en scrutant avec rigueur sa partition, ne vouloir à aucun moment perdre le contrôle.
L’œuvre suivante, Sinfonia for orbiting spheres, de Missy Mazzoli, dont la composition est récente, fut créée le 14 avril 2016 par le philharmonique de Los Angeles. C’est une œuvre très agréable, pleine de poésie et d’images cosmiques. Les sonorités longues, subissant parfois de paisibles distorsions nous entraînent dans des rêveries oniriques peuplées d’images spatiales. La présence d’un synthétiseur instille des sons inhabituels et cette œuvre surprenante étonne et charme le public. Lorsque l’on sait que la création européenne de Sinfonia for orbiting spheres date seulement de septembre 2017, il convient d’apprécier à sa juste valeur la chance qui est la nôtre. Pourtant le piège habilement tendu ne va pas tarder à se refermer.
C’est avec John Adams que nous allons être invités à secouer la poussière classique qui depuis trop longtemps, s’est déposée sur nos épaules. Cet Américain, très inspiré par Steve Reich va imposer une remise en cause plutôt drastique de nos opinions musicales. Issu d’un mouvement né dans les années 60, le minimalisme, John Adams, comme, La Monte Young, Steve Reich, Philip Glass et Terry Riley propose une musique dont un motif se répète de nombreuses fois avant de donner vie à une autre pulsation qui, elle-même, se répète à l’envi. Souvent qualifiée de répétitive, il faut surtout considérer la musique minimaliste comme l’émergence d’une musique à caractère spécifiquement américain, détachée de sa filiation européenne et, plus particulièrement, du sérialisme.
Reconnaissons-le…nous avons été secoués. La débauche d’énergie, la complexité d’écriture, les tempi entremêlés suivant les pupitres, tout a contribué à nous déstabiliser et nous n’avons pas été les seuls. La chef d’orchestre, perdant le calme des premiers instants, semble débordée par une formation hors de contrôle et son visage souriant quelques instants plus tôt apparaît crispé, comme ses gestes, peu évidents à comprendre. Dès le début du premier mouvement : « Mongrel airs » le ton est donné.
Le tempo est marqué sans nuance par les percussions pendant que la clarinette semble se débattre pour être entendue au milieu des cuivres et des bois, omniprésents, à l’instar de violons qui bataillent pour affirmer leur présence. Plus calme sera le second mouvement « Aria whith walking bass ». Il se déroule sur le rythme d’une marche hébétée, ponctuée par les pizzicati des violons et la mélodie sinueuse du piccolo. Le dernier mouvement « road runner » revient à l’agitation initiale, mais progressivement. Le rythme est soutenu, la clarinette et les cordes semblent batailler et c’est le violon Naaman Sluchin, invité à la tête du pupitre des premiers violons pour cette soirée, qui tirera son épingle du jeu.
L’entracte fut donc plus que mérité, mais une agréable surprise nous attendait au retour dans les baignoires. Le concerto pour violon et orchestre n°2 « American four seasons » de Philip Glass fut interprété avec beaucoup de talent par Elissa Cassini. Puisque l’œuvre ne le permet pas : à aucun moment elle n’a pu ménager sa peine. L’écriture de Glass l’oblige à utiliser toutes les techniques violonistiques, à une vitesse et avec une fréquence qui forcent l’admiration. Si ce n’est cette performance de soliste, la musique de Glass peine souvent à convaincre le public français : le sentiment de n’être pas habitée par ce petit supplément d’âme qui vous emporte dans un autre univers, celui de l’imaginaire. Acceptons-en l’idée, mais peut-être que nos oreilles se montrent parfois rétives lorsqu’elles ne retrouvent pas les sons qui la flattent. Preuve que notre apprentissage n’est jamais terminé et qu’il faut être de bonne volonté.
PROGRAMME
Joseph Haydn
Il mondo della luna, ouverture
Missy Mazzoli
Sinfonia (for Orbiting Spheres) – création française
John Adams
Chamber Symphony n°1
Philip Glass
American Four Seasons, concerto pour violon n°2