Paroles du pénitencier, Into the wild ou le retour à l’essentiel

Oxygène est une revue de société fondée par la graphiste lorientaise Marion Bailly-Salin et la Ligue de l’enseignement du Morbihan, en partenariat avec le SPIP 56 et l’administration Pénitentiaire, au coeur du centre de détention de Lorient Plœmeur. Dans le cadre d’un projet collaboratif, notre rédaction ouvre les colonnes d’Unidivers aux détenus, rédacteurs et illustrateurs qui participent à l’atelier Oxygène. L’enjeu : chaque détenu a été invité à se questionner sur l’impact qu’a pu avoir un contenu médiatique ou culturel sur sa vision du monde et ses certitudes. Parmi les volontaires, Maya* a choisi de parler du film Into the wild de Sean Penn dans un article illustré par Zepek*. Un film bouleversant qui questionne le rapport de l’individu à la société et à la nature…

Un film dramatique, bouleversant, beau et triste à la fois ! Au début des années 90, un jeune Américain promis à un brillant avenir, est tout juste diplômé de l’université et va fêter cet événement avec ses parents et sa petite amie. Lors du repas, les parents du jeune homme, voulant l’aider à payer l’université, abordent le sujet de lui offrir une nouvelle voiture car son « tas de ferraille », disent-ils, ne va pas avec l’image de la famille ! Le jeune Christopher qui adore cette voiture, qui roule encore plutôt bien, ne comprend pas leur position. Il s’énerve envers ses parents, il en a marre de cette « image » que sa famille veut absolument avoir. Et surtout que dans leur discussion revient toujours la question de l’argent, l’argent et encore l’argent ! Ce repas est de trop pour Christopher. Il a un déclic, se lève et quitte le restaurant sans même dire au revoir.

Dès le lendemain, il fait don à une association des 30 000$ devant payer son université, coupe ses cartes d’identité, de crédit et prend le volant de son « tas de ferraille », puis disparaît. Il ne veut laisser aucune trace derrière lui qui permettrait à ses parents de le retrouver. Son objectif, vivre hors de cette société, hors de ce système et vivre en Alaska en autonomie la plus totale, sans travail, sans payer d’impôts. Vivre seul avec la nature, et surtout vivre libre !

Alors commence un long voyage de plusieurs milliers de kilomètres à travers les États-Unis ! Sur sa route, Christopher fait de très belles rencontres qui confirment bien que l’on peut vivre sans argent et en toute liberté, avec les ressources de la nature, même si cela demande de l’expérience, de la survie, de la chasse, de la pêche. Deux ans après son départ, il arrive enfin à son but ultime, l’Alaska, la nature… Il trouve sur son passage un bus abandonné qui va lui servir d’abri qu’il aménage à son goût et vit pour la première fois à sa manière, hors de ce système qui le ronge. Pendant une période de l’année il vit de la chasse, mais arrive un temps où les animaux se font rares…

into the wild

Le film m’a énormément fait réfléchir sur ma manière de vivre et de voir les choses. Je vois mon futur d’une toute autre manière ! D’abord, l’argent que je croyais tout faire. Vivre sans n’était pas envisageable une seule seconde. Tout bien réfléchi, l’argent n’est qu’éphémère et ne fait pas tout, du moins, tout dépend de sa manière de vivre, de ses priorités. Quand je regarde les années de travail illégal que j’ai vécu dans ma vie, je me dis « oui », je vivais plus que bien : restaurants étoilés toutes les semaines, hôtels, casino, etc. Bref, je me disais que c’était ça la belle vie ! Mais quand tu fais le calcul des années passées en prison, tout cela n’a plus aucun sens…

Alors c’est vrai que ce film m’a vraiment ouvert les yeux. Particulièrement quand on le voit abandonner son « tas de ferraille » et brûler la dernière liasse de billets qu’il a pour partir à l’aventure, oublier tout son passé – son diplôme, son avenir, sa famille, son identité, alors qu’il avait un bel avenir d’avocat. Juste pour trouver qui il est vraiment, se trouver lui-même et vivre en harmonie avec la nature, ne faire qu’un ! J’ai vraiment pris conscience que tout ne tourne pas autour du cash, que ce proverbe qui dit que « l’argent ne fait pas le bonheur », en fait, je suis d’accord avec même si je ne l’étais pas il y a peu de temps ! Aujourd’hui j’ai totalement changé d’état d’esprit en prenant de l’âge bien sûr, mais Into the wild a vraiment provoqué un déclic. La délinquance est bel et bien derrière moi, tout ce que je croyais jusqu’à maintenant était donc faux !

into the wild

Me voici à la fin de cette dernière peine de prison. En sortant, je quitte toutes mes mauvaises relations en Bretagne, je retourne dans le Pays basque travailler en famille avec mon frère quelque temps pour pouvoir m’acheter mon tas de ferraille à moi et je pense vraiment partir à l’aventure comme Christopher… Mon but ultime n’est évidemment pas l’Alaska, mais qui sait, peut-être un jour ! Je veux juste vivre en profitant de chaque instant, voyager, profiter de mère nature et de ce qu’elle a à m’offrir ! Et bien sûr trouver l’amour de ma vie, fonder ma famille, et le meilleur et tout le bonheur du monde !

Into the wild de Sean Pean, 2008, Drame (États-Unis). Durée : 2h27

Histoire vraie, adaptation au cinéma de l’histoire et du roman de John Krakaver.

Illustration réalisée par Zepek, idée et texte de Maya

*Les prénoms et noms des participants ont été changés.

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