Le bon gouvernement ?! Un remaniement ministériel aux Champs Libres ? Un putsch à la salle de conférences Hubert Curien ? Que nenni ! L’institution cours des Alliés a ouvert, du 26 au 28 février, un cycle de conférences sur l’art de gouverner. Samedi, Pierre Rosanvallon présentait son dernier ouvrage, paru au Seuil, Le Bon Gouvernement. Un bon moment !
Les Rencontres d’Histoire réunissent les Champs Libres, le Musée de Bretagne et l’Université Rennes 2. Après Les Empires : Gouverner.
Gouverner, nous dit la présentation, c’est exercer l’autorité politique sur une population et un territoire. Les gouvernants agissent et se mettent en scène. Au cours de l’histoire, leurs relations avec les gouvernés ont connu des mutations considérables. Est-ce pour aller vers toujours plus de démocratie ?
La réflexion est d’actualité. Dans le monde, en France, mais aussi à Rennes : la Fabrique Citoyenne, qui a lieu en ce moment, jusqu’au 6 mars, tend vers une démocratie plus locale et représentative. Pas de Negri, de Manin, de Badiou. Les intervenants sont pour la plupart des universitaires du département d’histoire de Rennes 2. Aux Champs Libres, vous n’aurez pas pu écouter les grands penseurs contemporains de la démocratie et de la crise de la représentation politique… ou presque.
Samedi, les Champs Libres ont invité Pierre Rosanvallon. Cet intellectuel français, engagé politiquement auprès du PS ou de la CFDT, est un éminent spécialiste de l’histoire de la démocratie. Célèbre pour ses thèses sur l’autogestion ou encore le capitalisme utopique, il a été nommé en 2001 à la chaire d’histoire moderne et contemporaine du politique au Collège de France. Il a également lancé en 2002 le groupe de réflexion La République des Idées. Dans son dernier ouvrage, paru en 2015 au Seuil, il reprend la réflexion inaugurée par La Contre-Démocratie ou Le Parlement des Invisibles, s’entend : celle de la crise de la représentation politique traversée par les démocraties contemporaines. Le Bon Gouvernement trace en creux la critique de son contraire : le « mal-gouvernement ».
« L’élection reposerait sur un yes, we can. Le mandat se contenterait d’un sorry, we cannot ». Samedi, la foule nombreuse a apprécié le discours savant, mais amusant, de ce directeur d’études à l’EHESS. Entre histoire et actualité, Pierre Rosanvallon a autant mentionné la « première révolution démocratique du suffrage universel » que le « populisme des démocraties latino-américaines ». Selon lui, « l’idée d’un peuple est une idée à reconstruire ». Nos sociétés seraient hémiplégiques dans le sens où « on marche sur une seule jambe ». Le problème ? La majorité qui élit nos représentants demeure limitée. L’idéal démocratique de l’unanimité ou d’une grande majorité s’avère lointain. Partant du constat que « l’élection donne un permis de gouverner, mais sans le mode du gouvernement », Rosanvallon questionne le tirage au sort ou l’examen, mais surtout réactive des notions comme la responsiveness (qui pourrait être traduit par « réactivité ») ou la parrêsia chère à Foucault, le « dire-vrai », le « franc-parler ». Avant de conclure, alerte et optimiste :
Si nous mettons toutes nos billes dans l’élection, nous mettons toutes nos billes dans la déception.
Le Bon Gouvernement Pierre Rosanvallon, Le Seuil, août 2015, 416 pages, 22, 50 €
Lire des extraits du Bon gouvernement de Rosanvallon
voir le site des Champs Libres et l’enregistrement des conférences