Avec Pamplemoustique, les parisiens de POLes défouraillent dans les terres fangeuses d’un rock poisseux et brumeux. Premier EP au titre aussi étrange que savoureux, Pamplemoustique s’affirme comme un combo ingénieux qui sait faire rimer manque de moyens avec grandiloquence…
Le rock poisseux et déstructuré livre toujours bataille. Non pas pour se faire entendre de tous mais, pour procurer des émotions aussi intenses que les rudes résonances cafardeuses qu’il propose. Entre Pauwels, Goudron et le travail de labels indépendants comme Chanmax Records, le rock marécageux dispose d’une scène d’exception, bien qu’un peu mince et parfois trop discrète dans la programmation des scènes de musiques actuelles. Avec Pamplemoustique, le trio parisien POLes ajoute sa pierre à l’édifice dissonant et boueux du rock underground français tout en faisant honneur aux accents avant-gardistes des norvégiens de Virus.
« L’idée est de faire les choses les plus musicales possibles, mais toujours un peu brouillonnes et “bide à bière” ». Voilà ce que nous confie Bruno Kuchalski, guitariste de POLes. Salissures et confusions sont effectivement de mise sur Pamplemoustique, Ep faisant suite au premier album du groupe Marmyteran sorti en 2012. Les trois musiciens aiment également ajouter une pointe d’humour guignolesque et second degré aux notes sombres de leur musique donnant un aspect très singulier aux propos du groupe. Pourtant, ce dernier affirme que les noms donnés aux morceaux et aux albums n’ont aucune importance. « Puy de goitres » et « Complainte d’Yvonne » participent tout de même à la création d’une atmosphère décalée. POLes brouille les pistes, de quoi intriguer et donner envie de creuser plus loin dans leur musique afin de trouver ce qu’ils nous cachent.
Difficile de mettre la main sur de quelconques sensations heureuses à travers le brouillard des premières écoutes. Pourtant, à force de marcher dans la forêt brumeuse de Pamplemoustique, on finit par s’y repérer et à comprendre à quoi rime toute cette cacophonie. L’expérience en devient alors introspective voire philosophique. Le groupe étonne également dans sa composition : deux guitares, une batterie. POLes nous explique ce choix de line-up : « Notre groupe est centré sur la mélodie, il y a toujours eu des batteurs excellents dans POLes sans pour autant qu’on ressente vraiment le besoin d’avoir une “section” rythmique, qui “envoie” et qui fait bouger les bootys. Tout se passe sur un registre très sec (peut-être comme chez US Maple ou Public Image Limited), avec peu de moyens mais des idées plutôt grandiloquentes. »
C’est donc dans la plus grande des débrouillardises et avec une passion admirable que le groupe crée et partage sa musique. Le trio se produit seul et se distribue seul. Situation que le groupe aimerait bien changer par la suite mais, tout n’est pas si simple : « C’est un peu compliqué car nous faisons très, très peu de concert. Le groupe est un peu instable, avec des membres qui déménagent à l’étranger ou en province, de nouveaux membres qui sont remplacés par d’autres nouveaux membres. Aujourd’hui on essaie de sortir Pamplemoustique en vinyle, mais sans concert, sans tournée pour écouler notre stock de casseroles, on ne donne pas vraiment envie aux labels d’investir »
« Mais le fait qu’on fasse tout tout seuls nous donne une liberté pas négligeable, on peut se permettre de composer les pires atrocités sans avoir de compte à rendre à qui que ce soit. »
POLes voit donc le bon côté des choses et jouit d’une incontestable liberté d’expression. Liberté qui est absolument nécessaire pour tout artiste en quête de sincérité et d’authenticité. Toutes ces valeurs se retrouvent bien évidemment dans la musique du trio, plus précisément dans les sons utilisés. Le projet POLes fait preuve d’une cohérence remarquable. Pas de fioritures nipauwels de superproduction au rendez-vous. Simplement des guitares nasillardes très organiques et dynamiques soutenues par une batterie dense, massive. Le groupe arrive à créer une ampleur de son considérable grâce à des idées ingénieuses et des intentions plus que louables. Ce constat relève presque de la prouesse quand on prend en compte le fait que les deux guitaristes n’utilisent pas de distorsions dantesques en faveur de sonorités « crunch », sèches souvent utilisées pour des musiques plus douces.
Sincère et inhabituel, Pamplemoustique est un Ep de qualité. Rythmé à cent à l’heure, chaque morceau fait preuve d’une puissance mélodique parfois camouflée par l’ampleur du son proposé par le groupe. Tout cela donne un pouvoir de réécoute très intéressant pour ceux qui auront le courage d’effectuer cet exercice. On aurait tendance à vouloir classer le trio dans un style Math-Rock tant certains passages font preuve d’une technique de haute volée. Idée que réfute le guitariste Bruno Kuchalski: « Même si ça sonne prétentieux, je me sens plus proche des Beatles que des math-rockers et de leurs tendances au concours de musicianship. »