L’exposition Artistes voyageuses, l’appel des lointains 1880-1944 se tiendra au Musée de Pont-Aven du 24 juin au 5 novembre 2023. Cette exposition réunit une trentaine d’artistes et de photographes, de la « Belle Époque » à la Seconde Guerre mondiale, dont les itinéraires artistiques ont emprunté les routes de l’ailleurs, du continent africain à l’Orient lointain.
Dès la fin du XIXe, un nouveau contexte, celui des premiers mouvements féministes, encourage les femmes à s’affirmer hors de l’espace domestique, et promeut l’image d’une « femme nouvelle » actrice de son destin. Leur formation académique, effectuée à l’École des Beaux-Arts, ou dans les académies privées, permet aux artistes femmes d’acquérir un statut professionnel, d’exposer aux salons, d’obtenir des bourses de voyage, des commandes pour les compagnies maritimes ou pour les expositions universelles et coloniales.
Le tournant du XXe siècle est marqué par un renouvellement d’intérêt pour l’orientalisme, stimulé par le tourisme d’hivernage, notamment à Biskra, et encouragé par les expositions de la Société des peintres orientalistes français auxquelles participent Marie Caire-Tonoir, Marie Lucas-Robiquet et Andrée Karpelès. À partir des années vingt, ce sont les territoires de « La Plus Grande France » qui invitent de nombreuses artistes aux voyages, de l’Afrique équatoriale à Madagascar, jusqu’à la péninsule indochinoise. C’est le cas de Marcelle Ackein, Alix Aymé, Monique Cras, Marthe Flandrin, Anna Quinquaud, Jane Tercafs, Jeanne Thil. D’autres voyagent jusqu’au Tibet et en Chine, telles Alexandra David-Neel, Léa Lafugie et Simone Gouzet. Pour Denise Colomb et Thérèse Le Prat, le voyage devient le moteur d’une carrière de photographe.
L’exposition s’intéresse également aux rares artistes n’appartenant pas à la culture occidentale qui ont voyagé : les chinoises Fan Tchunpi et Pan Yuliang venues étudier aux Beaux-Arts de Paris, puis séjournant en Europe et en Chine.
Contrairement aux récits des grandes voyageuses du XIXe qui parcouraient le monde, du Spitzberg au Cap Horn, les itinéraires empruntés par ces artistes suivent la carte de l’expansion hégémonique européenne et plus particulièrement celle de la colonisation française sous la Troisième République. Le regard des artistes femmes est sans conteste différent de leurs homologues masculins. La présence de nombreux portraits indique leur recherche d’une proximité avec les populations rencontrées, notamment celle des femmes dans leurs vies quotidiennes, auxquelles elles ont plus facilement accès.
Si cette traversée d’un monde colonisé est exempte d’une vision raciste et caricaturale, elle ne s’accompagne pas pour autant d’une remise en question de la « mission civilisatrice » de la France. Lucie Cousturier est la seule, parmi les artistes, à critiquer le système colonial, et à s’être engagée. Sa vie bascule lorsqu’elle rencontre en 1916 des tirailleurs africains, installés dans un camp militaire, près de sa maison à Fréjus. Elle leur apprend bénévolement le français, se lie d’amitié avec plusieurs d’entre eux. En 1921, elle embarque à Marseille pour un voyage de dix mois du Sénégal au Soudan français. Mes inconnus chez moi (1920) et Mes inconnus chez eux (1925) sont les récits de cette aventure humaine.
Les quelque cent cinquante peintures, sculptures, dessins, affiches, gravures et photographies présentées, sont d’une grande diversité stylistique, échappant aux classifications de l’histoire de l’art canonique. Provenant des collections publiques et privées françaises, regroupées pour la première fois dans un musée, elles invitent à un voyage inédit dans le temps et dans l’espace.