La vidéaste rennaise Suzanne Lemaréchal a créé en 2020 une association de vulgarisation scientifique, Thès’en Images, qui vient de recevoir un financement du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Un coup de pouce largement mérité pour cette association pleine de sens. Entretien avec l’initiatrice du projet.
Avez-vous déjà essayé de lire la thèse d’un ami ou celle de votre grande cousine ? Si vous êtes de ceux qui ont tenté l’expérience, vous vous accorderez probablement sur le fait qu’il faut « s’accrocher ». « Les thèses sont difficiles à lire et le langage est technique » déplore Suzanne Lemaréchal, fondatrice de Thès’en Images. Face à ce constat et après un parcours mêlant géographie, journalisme et musique, elle décide de créer Thès’en Images, dans le but de réunir toutes ses passions, mais aussi pour transmettre au plus grand nombre les connaissances scientifiques encore trop souvent enfermées dans les laboratoires de recherche.
« Mon idée initiale était de faire une licence de géographie pour passer les concours de journalisme mais après plusieurs stages, je me suis rendue compte que ce monde ne me correspondait pas » explique Suzanne. Ses études en géographie, ses expériences de stage en journalisme (France 2, C-Lab) et ses voyages l’ont amenée vers une direction proche : la réalisation de documentaires scientifiques à partir de thèses. Cette voie se dessine lors de son voyage en Amérique latine avant de se renforcer pendant la réalisation de master 2 à Bordeaux intitulé « Master Innovation Territoriale et Expérimentation option images » qui allie images géographiques, photographie, vidéo, cartes mentales…
En intégrant ce master, la jeune femme avait une idée en tête : travailler sur les artistes itinérants qu’elle avait découverts pendant son voyage en Colombie et rendre son mémoire sous le format d’un film. Un pari novateur a finalement porté ses fruits puisqu’elle a obtenu une « super note ».
Cette idée avait émergé au cours de son voyage en Amérique du Sud durant lequel elle avait monté un projet avec « Jeunes à travers le Monde », financé par la ville de Rennes. Partie avec son dictaphone en poche, Suzanne est allée à la rencontre de jeunes Sud-Américains pour les interviewer, le tout étant disponible sur un blog audio. « Tu pouvais lire mes articles, voir mes photos de voyage avec toute l’ambiance sonore qui allait avec », se remémore Suzanne avec enthousiasme. Et cet enthousiasme l’a portée et inspirée dans tous ses projets futurs.
Elle repart en Amérique latine pendant sa deuxième année de master et concrétise son idée de documentaire sur les artistes itinérants en Colombie, une communauté encore peu étudiée en géographie. Un mouvement assez récent, car « cela ne fait pas si longtemps que les jeunes de ces pays ont le pouvoir économique pour voyager ». Son mémoire devait au départ être écrit et accompagné d’un film de « 8 à 18 minutes » : il en fait 40 et est une réelle réussite et un tremplin pour la suite. « J’ai présenté mon documentaire dans des festivals et l’engouement des gens m’a fait me dire qu’il y avait un public pour ce type de productions ! » s’exclame Suzanne.
Après son master, Suzanne, autodidacte passée maître dans le dénichage de bons tutos youtube, part à Lyon en service civique pour progresser en vidéo. Avec ses compétences et ses aspirations, Thès’en en Images apparaît comme une évidence. Elle crée cette association de vulgarisation scientifique en 2020 et se rapproche de nombreux thésards pour créer des documentaires de différents formats et sur des sujets très vastes allant des sciences dites « dures » aux sciences sociales. Une approche très bien reçue par les chercheurs : « Certains me disent que ces vidéos ont permis d’expliquer à leur famille ce qu’ils font depuis quatre ans ».
Depuis septembre 2022, l’association sort tous les jeudis des capsules vidéos de 5 minutes où des thésards expliquent leurs travaux de recherche en peu de temps. Une service civique spécialisée dans la communication va bientôt venir en soutien à l’association pour gagner en visibilité sur les réseaux sociaux. L’association a également reçu un financement de 30 000 euros du CNC, ce qui est « incroyable quand on n’a pas de réseau dans ce milieu. Cela va permettre à l’association de continuer à se développer », explique Suzanne.
Le prochain documentaire portera sur la thèse d’une chercheuse de Rennes 2 au Sénégal. Il étudiera l’influence de la spiritualité dans une ville, notamment au niveau artistique et sur la façon dont cela influence l’art de rue. On ne peut que souhaiter bon vent à Thès’en Images pour ses voyages aussi bien géographiques que scientifiques et artistiques !