Vendredi 13 novembre, à Rennes, pas de métal ni de sang. Le duo Menthol s’est produit en première partie du groupe Odezenne. Les deux formations musicales ne se ressemblaient guère que par le choix de la langue française et la forte teneur érotique des paroles. Une soirée sulfureuse, une salle comblée, des spectateurs ravis. Avant un retour douloureux à la réalité…
La foule clairsemée converge dans la bonne humeur à l’intérieur de l’Antipode MJC du quartier Cleunay. Dans la salle embrumée, bleuie par les néons, un public plutôt jeune arrive peu à peu. Sur la scène encore déserte, des platines, une batterie, des synthés. En fond, en lettres nacrées, un grand ODEZENNE. En grande majorité, les spectateurs sont venus pour le groupe parisien et bordelais de « Je veux te baiser ». Diane, étudiante en histoire de l’art à Rennes 2, nous raconte qu’elle a eu la chance de les voir à l’Olympia en mars dernier. « J’ai suivi la sortie progressive du dernier album », précise-t-elle, pétillante. Des bénévoles des Bars en Trans font la promotion du festival off. Menthol s’y produira pour un concert surprise. Bretons, Julien Henry et Marc Aumont réunissent tout de même des aficionados.
La programmation de l’Antipode a de quoi satisfaire tous les goûts ! Spécialisée dans les musiques actuelles, la MJC est axée sur l’éclectisme. Du show Gore’n’roll de Banane Metalik à la soirée électronique de Midi Deux, en passant par le ska déjanté de Los Tres Puntos (le 21 novembre), le public en prend plein la gueule et les oreilles. Plus calme ce vendredi ? En tout cas, pas mignonnet. Entre les mouvements lascifs de Menthol et les paroles lubriques, crues, sensuelles d’Odezenne, l’électricité courait autour de la scène. Avec ces deux groupes, l’utilisation particulière de la langue française prime. Si Menthol – anciennement Rafale — a opéré une volte en passant de Shakespeare à Molière, Odezenne se caractérise par un flow hip-hop mâtiné de chansons françaises, de jazz ou encore de rock prog.
O2 Zen, c’est quoi ? Un trio, Mattia, Alix et Jaco, une bande de potes qui écrivent ensemble. Des clips sulfureux (Bouche à Lèvres) ou kitchouille (Je veux te baiser). Un groupe indépendant qui a fondé sa propre maison de disques, Universeul. Un nouvel album très attendu, Dolziger Str. 2 : les dix chansons sont parues au compte-goutte, toutes les trois heures, entre mercredi et jeudi. Odezenne, c’est du rap et un peu plus. Globalement, du hip-hop. Si le groupe a conservé une instru électronique, un flow qui peut rappeler Stupeflip, on assiste à une fusion dans leur musique. Pas d’ego trip ni de rap conscient, ici. Plus féroce que Fauve mais plus posé qu’Orelsan, Odezenne peut parfois rappeler le Doc Gynéco de la Première Consultation. Alors, on les classe dans la variet ? Dans leur dernier album, une piste comme Vilaine assume pleinement un son électronique et des lyrics mélancoliques balancés d’une voix glaciale : « Vi-vilaine comme une chienne dans une bouche dégueu / Vo-vodka dans la tête, y’a d’la house de goût ». Le groupe joue sur une mystique de la fête, de nuits sans fin, de binge drinking, de désir absolu. Sur le sexe, Odezenne oscille : entre la misère affective et sexuelle exprimée dans Bouche à lèvres, et la jubilation solaire de « Je veux te baiser ». Vendredi, à l’Antipode, entre anciens et nouveaux titres, le public s’est abandonné à cette douce transe et ces paroles hypnotiques, rêveuses.
Menthol, en première partie, n’était pas en reste. Écrire en français a été pour eux un revirement total. À l’écriture de leur deuxième album, le groupe Rafale a changé de direction et a décidé de changer de nom. Voilà donc Menthol. Pour Marc Aumont, chanteur et musicien du duo, « le retour en arrière n’est plus possible, après avoir retrouvé sa langue maternelle ». Pour ces trentenaires, chanter en anglais était peut-être « un peu formaté ». Menthol veut se mettre en danger, « avancer dans le noir ». Ce soir, le concert était un test, un one-shot, sans pause. Il en va de même pour les paroles : Marc Aumont, auteur chez Hachette, pratique parfois « l’écriture automatique ». Avec Rafale, les inspirations venaient plus du métal, une fusion entre Daft Punk et Motorhead. Avec Menthol, les choses diffèrent. Comparé parfois à Etienne Daho, époque Pop Satori, le groupe, à coup sûr, entretient une relation privilégiée avec la scène française des années 80. Quelque chose du Bashung de S.O.S amor ou de Chagrin d’amour, revenu dans une ambiance synthétique maîtrisée.
Le groupe se produira donc au Bar en Trans pour un concert à l’image de leur prise de risque musicale. Le duo jouera, en effet, dans le noir total, « privant le public de la vue », dans un lieu tenu secret, dévoilé au dernier instant sur les réseaux sociaux et par les artistes eux-mêmes. Un bon moment en perspective parmi la programmation profuse de cet événement historique à Rennes.
Antipode – Odezenne – Menthol
Site Odezenne http://www.odezenne.com/
Facebook Menthol https://www.facebook.com/mentholfr
Site Antipode http://www.antipode-mjc.com/