C’est un peu réchauffés par le soleil froid d’un limpide ciel breton que plus de 100.000 (entre 100 et 140.000) habitants de Rennes, du département et de plus loin se sont retrouvés. Dimanche 11 janvier 14h, l’esplanade Général-de-Gaulle se remplit lentement mais sûrement.
À 15h, une foule immense déborde de la place dans les artères avoisinantes. 15h30, le cortège s’ébranle. Derrière la banderole affirmant haut et fort « nous sommes tous Charlie », plusieurs journalistes se sont glissés devant les représentants administratifs, politiques, associatifs et religieux. Enfants et adultes arborent des dessins, des images, des photos, des couvertures de Charlie Hebdo et le symbole même de cette liberté créatrice bafouée : des crayons.
Commence alors un long, très long défilé qui s’est étendu sans discontinuer jusqu’au pont de Strasbourg. Avant de rebrousser chemin par le quai opposé jusqu’à la place de la République. Arrivée un peu après 16h, il aura fallu attendre 17h30 pour que la fin du cortège s’y retrouve.
Des applaudissements nourris ponctuent une grande manifestation tout à la fois digne, indignée, fraternelle et enthousiaste. Une prière universelle entre Résistance et Libération. Un intense moment de communion autour du rejet de l’ignoble barbarie et l’attachement de tous aux fondements de notre humanité et de notre République française : la liberté de penser, d’imaginer, de créer, de critiquer, de vivre.
Mais quid de demain ? Comment une France enferrée depuis des années dans des contradictions sociales, politiques et sociologiques qu’elle peine à surmonter va-t-elle réagir une fois l’émotion retombée ? Quel nouvel équilibre émergera entre respect des libertés individuelles et nécessaire combat contre le terrorisme et les processus de fanatisation ? Cette fanatisation qui conduit des êtres humains au délire idéologique : à devenir des monstres froids autorisés à supprimer – de ce monde que nous recevons en commun héritage – tout et tous ceux qui, heureusement, ne leur ressemblent pas.