Rennes limite la taille des piscines privées : mesure d’économie d’eau ou symbole idéologique ?

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piscine rennes

Depuis juin 2025, Rennes Métropole est devenue la première grande agglomération française à limiter la taille des piscines privées à 25 m³ dans son Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi). Une décision qui suscite débats et crispations. Entre exigence de sobriété hydrique et crainte d’un encadrement excessif des libertés individuelles, cette mesure cristallise les tensions autour de la gestion de l’eau… et de l’écologie du quotidien.

Une réponse à l’urgence climatique

Le contexte est celui d’un été sec et chaud, avec des restrictions d’eau déjà en vigueur dans plusieurs communes d’Ille-et-Vilaine. Rennes, en situation de vigilance sécheresse, doit composer avec des nappes phréatiques fragiles et des projections météorologiques alarmantes. Dans ce cadre, les autorités locales défendent la mesure comme un levier de sobriété et un signal politique fort. En limitant la taille des piscines neuves à 25 m³ — soit environ un bassin de 6 × 4 m sur 1 m de profondeur — Rennes espère encourager les habitants à repenser leurs usages et réduire leur empreinte hydrique.

Un impact mesuré…

Concrètement, une piscine standard en France avoisine plutôt les 40 à 50 m³. En limitant leur taille, Rennes réduit donc d’environ 15 à 25 m³ l’eau nécessaire au premier remplissage de chaque nouvelle piscine, ainsi que les volumes annuels d’appoint ou de renouvellement. Le calcul est simple : moins de volume = moins d’eau consommée.

Mais sur le plan global, l’impact reste modéré. Les piscines privées, bien qu’en croissance (près de 3 millions en France), ne représentent qu’une petite part de la consommation d’eau domestique, surtout en zone urbaine. Une centaine de piscines supplémentaires par an à Rennes Métropole ne suffirait pas à grever la ressource… ni à la sauver.

Des usages plus gourmands en eau

Ce qui pèse davantage sur la balance, ce sont d’autres usages souvent oubliés dans le débat public :

  • Les fuites domestiques, qui représentent 20 à 25 % de la consommation d’eau potable en France. À Rennes, le rendement du réseau est bon (autour de 90 %), mais les pertes restent réelles.
  • Le jardinage privé et l’arrosage des pelouses, très consommateurs en été.
  • Les lavoirs individuels, de plus en plus répandus, souvent non régulés.
  • Les stations de lavage automobile où plusieurs centaines de litres d’eau sont utilisés à chaque lavage.
  • Et surtout : l’agriculture, qui absorbe plus de 45 % de l’eau consommée en France (irrigation notamment), même si ce chiffre est moindre en Bretagne qu’en régions méditerranéennes.

En réponse à ces usages, la limitation des piscines privées apparaît comme un levier mineur mais symbolique qui s’inscrit dans une volonté de rééquilibrer les comportements individuels.

Une mesure contestée

Côté critiques, les opposants dénoncent une décision jugée idéologique ou intrusive. Sur RMC, l’éditorialiste Olivier Truchot s’indigne :

« On s’en prend aux piscines comme on s’en prend aux belles voitures… Foutons la paix aux gens. »

Des professionnels du secteur alertent également sur un possible ralentissement économique local, dans un contexte déjà tendu pour les artisans et piscinistes. D’autres pointent le risque de stigmatisation sociale, les piscines devenant un marqueur de « gaspillage », alors que certaines sont bien entretenues, couvertes, peu remplies, voire utilisées comme outils de soin ou de sport.

Vers une écologie plus fine ?

La vraie question posée par cette mesure est peut-être celle de la hiérarchisation des efforts écologiques. Faut-il cibler les comportements individuels symboliques ? Ou se concentrer sur les grands postes de gaspillage et de pollution, souvent plus difficiles à réguler car économiques ou industriels ?

Dans les faits, la limitation des piscines à Rennes ne changera pas la donne hydrique à elle seule. Mais elle participe à une évolution culturelle : celle d’une écologie de sobriété, intégrée dans l’urbanisme, et appelée à se généraliser dans d’autres métropoles — Nantes, Lyon et Grenoble y réfléchissent déjà.