Un quart de la population rennaise (de plus de 16 ans) est bénévole dans une association relevant de la loi de 1901. En France, ce sont environ 17 millions de personnes (dont 12 millions de bénévoles) qui se répartissent dans 1,1 million d’associations (et 70 000 nouvelles créations chaque année). Pour autant, ce phénomène cache des vérités diverses. Entre tradition et innovation, bénévolat et salariat, stagiaire rémunéré ou non, financements publics ou mécénat, l’association est une entité hétérogène. Votre webzine culturel associatif vous en propose un panorama à Rennes !
L’association, en France, en Bretagne à Rennes
L’association 1901 est un mode d’être en société, la réunion d’une ou plusieurs personnes, physiques ou morales, autour d’une idée ou d’un projet. Elle participe à la bonne marche de la vie démocratique. Qu’elle cherche à œuvrer pour le bien commun, par exemple au sein d’un quartier ou même d’une rue, ou à défendre certaines valeurs, elle reste avant tout un lieu de sociabilité. L’asso, vous la trouverez partout. En un sens, elle est présente dans la plupart des secteurs d’activité et concerne autant les élèves et étudiants que les retraités.
En 2015, un tiers des personnes de 16 ans et plus, soit environ 17 millions de personnes, sont membres d’au moins une association. En prenant en compte les adhésions multiples, les associations totalisent environ 23 millions d’adhésions. Quatre grandes catégories d’associations prédominent : le sport, les activités de 3e âge, la culture, les loisirs. Les hommes sont majoritaires et adhèrent plus aux associations sportives, de loisirs ou en lien avec la vie professionnelle, tandis que les femmes privilégient les associations à but social (3e âge et défense de droits et d’intérêts communs). L’adhésion progresse avec l’âge et culmine entre 60 et 75 ans. Elle est également plus fréquente parmi les personnes diplômées, les cadres, les professions intermédiaires et les personnes les plus aisées. Être adhérent est plus rare dans les grandes agglomérations. Enfin, plus de la moitié des adhérents participent bénévolement aux activités de l’association.
Néanmoins, le monde associatif ne présente pas que des points positifs. Associations fictives ou aux missions jamais réalisées, mauvaise répartition des financements publics, abus de biens sociaux, détournements d’argent, sans compter, sur un plan idéologique, une tendance à la veille policière. Nous pourrions aussi parler des emplois fictifs, d’organisation surannée ou calquée sur l’entreprise. Au demeurant, l’accroissement des associations est aussi bien le fruit de la précarisation économique de la société civile, la délégation, voire l’abandon, de missions relevant de l’État ou des collectivités territoriales que l’indice de tentatives de penser autrement et le lien social et l’entrepreneuriat.
La France compte 175 000 associations employeurs. 17% des associations emploient 1,7 million de salariés. Le secteur sanitaire et social reste le principal « employeur » avec 400 000 équivalent temps plein (ETP), le secteur éducatif regroupe 180 000 ETP et les secteurs culturel et sportif totalisent 92 000 ETP. En janvier 2015, selon une enquête du gouvernement, on dénombrerait en Ile-de-France entre 190 000 et 220 000 associations en activités. Suivis, avec moins de la moitié, par les régions Rhône-Alpes et Provence Alpes Côte d’Azur. La Bretagne affiche un dynamisme certain avec environ 65 000 associations : les mêmes chiffres, peu ou prou, que le Nord Pas-de-Calais, l’Aquitaine ou les Pays de la Loire. La ville de Rennes possède une forte vitalité en termes de vie associative : avec 340 associations créées par an, la ville se situe largement au-dessus des moyennes régionale et nationale.
Les chiffres donnés par le Centre des Ressources de la Vie Associative (CRVA) et par l’Observatoire de la vie associative rennaise tendent à prouver cette vitalité. On y apprend qu’il existait en 2013 5 600 associations, dont 946 employeuses. Sur environ 50 000 Rennais investis dans le milieu associatif, on compte 11 147 salariés. L’association se pose en acteur économique conséquent de la ville de Rennes. Elle représenterait environ 9 % de l’emploi salarié rennais. Le temps plein est prioritaire, avec 18,5 % en temps partiel. Les salariés au sein du milieu associatif viennent, avec 40,9 %, de l’action sociale. Avec 22, 3 %, le secteur de la culture arrive en deuxième position.
Encadrement institutionnel des associations rennaises
Néanmoins, il paraît difficile de dénombrer avec exactitude le nombre d’associations en activités sur le territoire rennais. Nombre d’entre elles naissent et meurent chaque année. De même, certaines existent sur le papier sans pour autant montrer une quelconque activité. Rajoutons à cela une partie indénombrable et majoritaire qui évolue quasiment en dehors du circuit institutionnel.
Reste que la mairie de Rennes a fait du monde associatif et de son économie une priorité. Dans une entrevue donnée par Canal B, radio située dans les locaux de la Maison des Associations, Nathalie Appéré a confirmé que l’année 2015 ne verrait pas une amputation du budget alloué à la vie associative ; ce, malgré une baisse de 20 millions d’euros échelonnée sur 3 ans des aides de l’État envers la ville. Tristan Lahais, adjoint au maire et délégué à la vie associative, renchérit : « Avec 36 millions d’euros alloués aux associations en 2015, on reste dans les mêmes épures ».
Cependant, il convient de bien distinguer deux instances : la vie associative, dont la politique vise principalement le vivre-ensemble et la cohésion sociale au sein des quartiers de Rennes, et les autres associations, reliées quant à elles au secteur spécifique dont elles dépendent. Ainsi, sur les 36 millions d’euros, la Vie associative s’est vu octroyer en 2015 environ 11 millions d’euros. Tristan Lahais s’explique sur ce budget. Il existe à Rennes 40 équipements concernant la vie de quartier, gérés par 28 associations gestionnaires telles que les MJC Antipode ou Bréquigny, ou encore la Maison de Suède, etc. La Vie associative sert donc à subventionner ces 28 associations ainsi que 400 associations et 40 projets qui sont chapeautés par le CRVA.
Le CRVA, a rouvert ses portes il y a un an dans un grand espace, situé cours des Alliés, la Maison des associations. Sa gestion a été confiée à la société Citédia – une SEM contrôlée par certains élus qui brasse des millions d’euros chaque année ; cette gestion pour le CRVA représente un budget de 7 millions d’euros. En sus de l’accueil et des équipements, la MDA rassemble plusieurs organisations, associatives pour la plupart : BUG, APRAS, France Bénévolat, Citédia, Mouvement Associatif Rennais, Canal B, Ville de Rennes (DVAJ). Par ailleurs, le CRVA accueille toute personne désirant créer une association ou devenir bénévole et propose des outils et un annuaire. Surtout, comme nous l’avons vu, le CRVA s’occupe de l’instruction des demandes et de l’évaluation pour les 400 associations qui recevront une aide – plus ou moins significative – de la part de la Vie associative. La mairie avance le chiffre de 500 associations hébergées dans les équipements de quartier et les Pôles Associatifs de quartier. Car, en plus des subventions, il faut prendre en compte une autre aide : la mise à disposition, gratuitement ou à loyer faible, de 50 000 m² de locaux que se partagent certaines associations et pas d’autres (ainsi notre association culturelle loi 1901 Unidivers a vu ses demandes de locaux comme de subventions refusées par la mairie de Renens).
Il reste donc 25 millions d’euros pour le budget associatif. On sait simplement qu’ils sont répartis entre différents secteurs, parmi lesquels la direction des sports, de quartier ou de la culture. On sait aussi qu’il existe, en plus de la MDA, des maisons thématiques comme la MIR, l’OPAR, la MCE ou encore l’Office des Sports. La Maison Internationale de Rennes (MIR), par exemple, financée principalement par la Ville de Rennes, rassemble une centaine d’associations dans les domaines de la solidarité internationale, des migrations, des droits humains, etc. Outre ses missions d’accueil, de conseil ou de sensibilisation, elle gère l’attribution de certaines subventions comme le Fonds d’Aide au Développement (FAD). La Maison de la Consommation et de l’Environnement (MCE), regroupe 22 associations autour de ces thématiques. Le CRIJ propose lui aussi une bourse, le Fonds Rennais d’Initiative Jeunes (FRIJ). Si certaines subventions peuvent être accordées sur demandes spontanées, la plupart reste encadrée, notamment par des appels à projets lancés par les services de la ville : pensons à Nuits Découvertes ou Actions innovantes en direction des personnes âgées.
Tristan Lahais nous l’apprend : l’organisation des aides aux associations est fortement sectorisée. Ainsi, une association culturelle bénéficiant d’une aide financière ou matérielle dépendra du service culturel. « Ce n’est pas une république bananière », tempère-t-il. La distribution de ces aides est encadrée et donne lieu à des échanges politiques, des groupes de travail. Le tout chapeauté par un adjoint aux finances, voire en dernier lieu par la maire de Rennes. Si la mairie est la première instance de décision, un organisme comme la Maison des Associations intervient dans le processus de négociations.
La question du financement
Une question qui agite le milieu et suscite parfois la polémique touche au mode de financement. Si au moins 8 associations sur 10 déclarent bénéficier d’au moins une subvention publique, l’autofinancement reste aussi très important : il représenterait 30,7 % du financement contre 31,3 % pour le financement public et 25 % pour les cotisations. À noter aussi une hausse considérable, en France, du financement participatif (ou crowdfunding) : entre 2013 et 2014, les fonds collectés sont passés de 78 à 152 millions, soit près du double. Du reste, le financement public ne concerne pas seulement la mairie de Rennes, mais aussi le département, la région ou l’État. Certaines associations cumulent d’ailleurs plusieurs aides. Le Conseil Régional de Bretagne, par exemple, propose une aide au fonctionnement pour les radios associatives.
En toute transparence, la ville de Rennes met en accès libre diverses données concernant notamment le budget. Ainsi, on peut consulter le budget 2015 pour les subventions de fonctionnement ou d’équipement. Néanmoins, force est de constater que le document n’entre guère dans le détail… Prenons l’exemple de l’association Bug, installée dans les locaux de la MDA. Elle est chargée d’animer ce lieu, de mener des projets événementiels (notamment dans le monde associatif) ou encore de gérer le LabFab de Rennes. En 2015, l’association disposait de 193 197 euros, plus 20 000 euros pour la gestion du Wiki Rennes, plus 504 000 euros sous l’intitulé « BUG – CRVA ». Difficile dans ce cas de figure de savoir à qui revient le demi-million, au CRVA ou à l’association Bug, et pour quelles missions précises…
Le budget alloue à l’action sociale des subventions conséquentes : 2 285 757 d’euros à l’Association Rennaise des Centres Sociaux, ou encore plus de 11 millions au CCAS (qui, à proprement parler, est un établissement public administratif). L’animation sportive n’est pas en reste : le REC Volley touche, en 2015, la somme de 465 539 euros. Sur ce document, nous pouvons dénombrer plus de 350 associations subventionnées. Bien entendu, certaines sommes sont redistribuées par la suite, par exemple à travers l’association du CRVA ou de la MIR, laquelle dispose d’un budget de 300 000 euros. Dans le domaine artistique et culturel, nous retrouvons certains acteurs majeurs. Citons Clair-Obscur, organise du festival Travelling, avec 234 400 euros. Le Jardin Moderne avec 205 000 euros. Le festival des Tombées de la Nuit avec 757 490 euros. L’Orchestre régional de Bretagne reçoit quant à lui 1 238 000 euros. Côté festival, c’est l’association des Trans Musicales qui arrive en tête avec 993 200 euros.
Le grand gagnant semble être le Théâtre National de Bretagne avec la somme de 2 942 150 euros, plus 280 000 pour l’École d’Art dramatique. Seulement, il existe sur ce point une légère subtilité : le TNB n’est pas une association, mais une SEML, une société d’économie mixte locale. C’est-à-dire que le capital appartient à des personnes publiques, en l’occurrence l’État et la ville de Rennes, qui finance le TNB et l’école à 62 %. Ainsi, le TNB reçoit donc 2,9 millions d’euros de la ville, 3,1 millions de l’État plus des subventions européennes dont nous n’avons pas trouvé le montant exact. En 2014, la Chambre Régionale des Comptes a rendu un rapport négatif invitant le TNB à faire évoluer son statut administratif. En cause notamment : un manque de démocratisation en direction de tous les publics, une « augmentation sensible » du salaire des cadres et des dépenses somptuaires en carte bleu non-jusitifées. Dans le même cas, nous trouvons aussi TV Rennes et sa société fondatrice Cité Média. Cette dernière étant une SME, elle reçoit des financements de la part de Rennes Métropole, de la ville de Rennes et aussi du Conseil Général. Le montant provenant de la mairie s’élève à 838 510 euros en 2015.
L’association entre tradition et innovation
Chaque année, le budget alloué à la vie associative et la répartition des subventions créent le débat. Cela ne doit pas pour autant occulter l’apport citoyen du tissu associatif rennais. Sachons seulement reconnaître l’importance des associations sportives : par exemple, l’association Tout Rennes Court ; les associations culturelles organisant chaque année ces événements qui rythment nos vies : Electroni[k] pour le festival Maintenant, la MJC la Paillette, etc. Nombre de structures se consacrent à l’éducation, la formation, l’insertion, aux actions caritative et humanitaires, ou encore à la défense de certains droits : citons Zup de Co, le Secours Catholique ou encore le Génépi. L’environnement et l’écologie ne sont pas en reste, avec par exemple les associations Jardins (ou)verts ou la Petite Rennes.
On note, selon les chiffres de 2013, que 6 associations rennaises sur 10 adhèrent à un réseau. Au sein de l’université par exemple, des réseaux comme ANIMAFAC ou l’ESN fédèrent leur force. À Beauregard, la Coopérative allie aussi plusieurs associations comme la Bidouillerie, le Criporteur, Oulaoups… Le site Assorennes s’est quant à lui constitué comme un relais d’informations sur la vie associative « d’ici et d’ailleurs ».
Si certaines associations prônent des organisations alternatives, la plupart restent traditionnelles, notamment concernant la parité entre hommes et femmes. 59 % des dirigeants associatifs rennais sont des hommes. Mais le problème réside surtout dans la hiérarchie : 63 % des présidents sont des hommes, 60 % des secrétaires sont des femmes. Beaucoup de progrès reste à faire, sur le plan économique, écologique, mais aussi humain. Le mode associatif devra continuer dans l’avenir à jouer son rôle : se poser en troisième pouvoir, suppléer au désengagement de l’Etat et des collectivités sur certaines missions, tout en veillant à équilibrer autonomie et mode de financement. Vaste programme !