La Saint-Sylvestre, au cinéma, n’a pas tout à fait la même texture que Noël. Moins de coton, plus d’électricité. Moins de nostalgie, plus de vertige. C’est une nuit d’entracte : on clôt un chapitre, on se donne le droit d’être excessif, et l’on s’autorise — sans trop se justifier — un peu de comédie, un peu de chaos, un peu de mélancolie… ou tout cela à la fois.
Voici 30 films et « rituels » à regarder le 31 décembre : une sélection drôle, originale, singulière, parfois insolente, pour passer minuit autrement.
À choisir selon l’humeur du soir
À regarder avec…
Des amis, des inconnus devenus proches, ou soi-même (sans culpabilité). Quand on veut que le cinéma serve de bande-son au réveillon, ou qu’il devienne le réveillon.
À éviter si…
Vous cherchez un récit linéaire, rassurant, sans ironie ni ambiguïté. Le 31 décembre est une nuit qui aime les bifurcations.
Rituels de minuit (sketchs, traditions, objets culte)
Dinner for One (The 90th Birthday, sketch) (1963)
La liturgie comique de fin d’année dans une partie de l’Europe : répétitif, absurde, inusable. À force de revoir les mêmes gestes, on comprend soudain quelque chose sur nos propres rituels.
Auld Lang Syne (chanson/rituel)
Pas un film : un déclencheur universel. Parfait en ouverture, juste avant de lancer la séance, quand le « pour les vieux souvenirs » a besoin de sa musique.
New Year’s Concert (Concert du Nouvel An de Vienne)
L’anti-chaos : un bain de forme, de virtuosité et d’ironie mondaine. Idéal pour calmer la table avant minuit (ou la relancer avec panache).
Soirées comédie noire et insolence
Le Père Noël est une ordure — Jean-Marie Poiré (1982)
Ce n’est pas la Saint-Sylvestre, mais l’esprit de fête qui déraille est exactement celui de la nuit du 31 : culte, cruel, inusable.
Le Loup de Wall Street — Martin Scorsese (2013)
Réveillon « désinhibé » : orgie, satire, vitesse, et gueule de bois morale au plan social.
Dr. Strangelove — Stanley Kubrick (1964)
Humour noir « fin du monde », parfait quand minuit ressemble à un bouton rouge.
Bons baisers de Bruges (In Bruges) — Martin McDonagh (2008)
Réveillon « comédie noire » : culpabilité, tendresse, violence sèche, dialogues au cordeau.
After Hours — Martin Scorsese (1985)
Le film-nuit par excellence : parano, burlesque, et spirale urbaine. Un 31 « insomnie chic ».
La Cité de la peur — Alain Berbérian (1994)
Idéal pour un 31 « nonsense » : culte, précis, et plus noir qu’il n’y paraît.
Soirées vertige, masques et bascule intérieure
Eyes Wide Shut — Stanley Kubrick (1999)
Guirlandes partout, vertige intérieur : un Noël nocturne, sensuel et glaçant, où le décor festif devient le masque d’une crise du désir et du couple.
Phantom Thread — Paul Thomas Anderson (2017)
Réveillon « poison raffiné » : amour, contrôle, rituels domestiques, beauté vénéneuse.
Lost in Translation — Sofia Coppola (2003)
Réveillon « mélancolie lumineuse » : décalage, errance douce, et intimité suspendue.
Melancholia — Lars von Trier (2011)
Réveillon « cosmique » : fin du monde au ralenti, beauté sidérante, vertige intérieur.
La Dolce Vita — Federico Fellini (1960)
La fête comme symptôme ; le matin comme verdict. Un réveillon qui finit en diagnostic, somptueux et cruel.
Soirées fête pure, danse, musique, euphorie
La Fièvre du samedi soir (Saturday Night Fever) — John Badham (1977)
Réveillon « dancefloor » : sueur, désir d’ascension, et la nuit comme exutoire.
Moulin Rouge! — Baz Luhrmann (2001)
Réveillon « grand spectacle » : romantisme baroque, kitsch maîtrisé, ivresse musicale.
Cabaret — Bob Fosse (1972)
Réveillon « morbide et scintillant » : strass, politique, chute, et numéros inoubliables.
Sing Street — John Carney (2016)
Réveillon « énergie pop » : adolescence, musique, invention de soi, euphorie douce.
Buena Vista Social Club — Wim Wenders (1999)
Réveillon « musique et chaleur » : La Havane, la grâce des voix, et la joie comme mémoire.
Soirées « minuit romantique » (sans sucre inutile)
Quand Harry rencontre Sally (When Harry Met Sally) — Rob Reiner (1989)
Réveillon « comédie romantique intelligente » : tempo parfait, esprit, et tendresse. La Saint-Sylvestre y est une scène-charnière.
Carol — Todd Haynes (2015)
Hiver, désir, élégance : une romance au bord de la société, où la fête devient un écrin fragile pour la liberté.
Before Sunrise — Richard Linklater (1995)
Réveillon « conversation » : marcher, parler, s’inventer une nuit, et la laisser filer. Pas le 31, mais l’esprit du basculement est exactement celui de cette nuit.
In the Mood for Love — Wong Kar-wai (2000)
Pour un 31 « silences et clair-obscur » : désir, retenue, beauté au plan formel. Minuit comme brèche, pas comme fanfare.
Soirées « le monde entier fait la fête »
La Garçonnière (The Apartment) — Billy Wilder (1960)
Noël urbain, solitude, morale sociale : une comédie amère au cœur tendre, d’une élégance de mise en scène et d’écriture stupéfiante.
La vie est belle (It’s a Wonderful Life) — Frank Capra (1946)
Une manière d’entrer dans l’année en réconciliant l’ordinaire et l’essentiel : Noël comme point de bascule existentielle.
Fanny et Alexandre — Ingmar Bergman (1982)
Un roman total : ouverture de Noël somptueuse, puis traversée des ombres. Pour une nuit où l’on veut plus qu’un simple divertissement.
Le Temps des gitans (Time of the Gypsies) — Emir Kusturica (1988)
Fête, magie, tragédie : une vitalité qui déborde, et une nuit qui devient destinée. Parfait si vous aimez les réveillons qui mordent.
Bonus : 3 films « soirée qui dérape »
Four Rooms — Allison Anders / Alexandre Rockwell / Robert Rodriguez / Quentin Tarantino (1995)
Un hôtel, une nuit du Nouvel An, quatre chambres, quatre styles : sketchs noirs, absurdités, et crescendo de chaos.
The Party — Blake Edwards (1968)
La fête comme catastrophe élégante : un engrenage burlesque, d’une précision diabolique, pour ceux qui aiment rire jusqu’au malaise.
Brazil — Terry Gilliam (1985)
La fête vue depuis un cauchemar administratif : dystopie baroque, humour noir, et rêve d’évasion. Pour finir l’année en sabotant joyeusement la normalité.
Conclusion
Le 31 décembre, le cinéma peut être une horloge, une fête, un refuge, ou une provocation. Il peut accompagner le champagne, ou remplacer la foule. Il peut aussi, parfois, dire mieux que nous ce qu’on n’arrive pas à formuler : la fatigue, l’envie de recommencer, le besoin de rire, ou le désir de faire table rase sans devenir cynique.
Choisissez votre humeur, gardez une place pour l’imprévu, et laissez Dinner for One faire ce qu’il fait le mieux : répéter, encore, jusqu’à ce que ce soit drôle — et, sans prévenir, un peu vrai.
Bonne bascule.
