Les algues à l’honneur à Rennes : un premier Salon pour une filière d’avenir

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algue recette

Les 23 et 24 novembre 2025, la Halle de la Courrouze à Rennes accueillera la première édition du Salon de l’Algue, un événement inédit porté par l’association bretonne Merci les Algues. Ce rendez-vous veut fédérer les acteurs d’une ressource encore trop sous-estimée : les algues, à la croisée des défis agricoles, environnementaux et industriels du XXIe siècle.

Une ressource oubliée qui revient en force

Longtemps perçues comme des résidus ou des curiosités marines, les algues occupent pourtant depuis des siècles une place centrale dans la culture culinaire et médicinale asiatique. En Bretagne, la récolte d’algues sauvages remonte au moins au XIXe siècle, mais elle a longtemps été cantonnée à des usages agricoles ou artisanaux.

Aujourd’hui, face à la nécessité d’inventer des modèles durables, les algues se réinstallent au cœur des débats. Riches en protéines, fibres, antioxydants, elles représentent un atout précieux pour la nutrition humaine. Biodégradables, renouvelables, elles entrent aussi dans la composition de matériaux biosourcés, d’emballages compostables, de textiles innovants ou de fertilisants naturels.

Une ambition nationale : structurer la filière

En France, la filière algale reste en phase de structuration. La Bretagne concentre à elle seule plus de 80 % de la production nationale. Pourtant, les cultures à grande échelle sont encore rares, faute d’un encadrement juridique clair et de débouchés suffisamment visibles. Le Salon de l’Algue entend combler ce vide. Il se positionne comme un catalyseur de coopérations entre productrices et producteurs, chercheuses et chercheurs, pouvoirs publics, entrepreneurs et consommateurs.

Organisé sur deux jours, le Salon proposera une journée grand public le dimanche 23 novembre, avec ateliers, expositions et animations culinaires, et une journée professionnelle le lundi 24 novembre, orientée vers les échanges B2B, les tables rondes et la présentation de projets innovants. Des partenaires institutionnels de poids, comme l’Ifremer, le CEVA ou Rennes Métropole, soutiennent cette initiative.

La France en retard

Dans le monde, la culture et la transformation des algues sont déjà des filières matures ou en forte croissance. La Chine domine la production mondiale, notamment grâce à l’aquaculture intensive du kombu, de la laitue de mer ou de la wakame. Le Japon et la Corée du Sud valorisent depuis longtemps les algues dans leur alimentation quotidienne et leur pharmacopée.

En Europe, l’Irlande, le Portugal, l’Espagne ou la Norvège ont mis en place des politiques publiques volontaristes pour accompagner l’émergence d’acteurs locaux. En Islande, les algues sont même intégrées à des stratégies de bioéconomie circulaire, dans une logique de souveraineté énergétique et alimentaire.

La France, malgré ses atouts côtiers, n’a pas encore atteint ce niveau de maturité. Les pionniers bretons – cueilleurs, cultivateurs, artisans ou ingénieurs – attendent depuis plusieurs années un soutien fort pour structurer une filière intégrée, créatrice de valeur et d’emplois.

Des usages multiples et prometteurs

Dans l’agroalimentaire, les algues séduisent de plus en plus de chefs, d’industriels bio et de consommateurs végétariens ou flexitariens. Chips de dulse, bouillons de kombu, condiments iodés, snacks protéinés à base de spiruline : l’offre se diversifie.

En agriculture, les extraits d’algues sont utilisés comme engrais naturels, biostimulants ou agents de biocontrôle. Ils permettent de renforcer les défenses des plantes tout en limitant les intrants chimiques.

Dans le domaine de la santé et de la cosmétique, les algues marines et microalgues sont valorisées pour leurs effets anti-inflammatoires, détoxifiants ou antioxydants. Plusieurs marques bretonnes s’en sont fait une spécialité.

Enfin, dans les matériaux, les algues offrent des alternatives crédibles au plastique, à la ouate ou à certaines fibres synthétiques. Des start-ups françaises développent déjà des emballages compostables, des textiles innovants ou des matériaux de construction intégrant des composants algaux.

Un horizon à consolider

Le potentiel est immense, mais les obstacles restent nombreux. Il faudra surmonter l’éclatement de la filière, la lenteur des autorisations pour les cultures en mer, le manque de financements en phase d’industrialisation, ou encore les craintes environnementales liées à la surexploitation de certains gisements.

Le Salon de l’Algue de Rennes n’a pas la prétention de résoudre ces défis, mais il pose les bases d’un écosystème fédérateur, enraciné dans les territoires et tourné vers l’avenir. Il invite à penser une nouvelle alliance entre océan, alimentation, science et économie.

Informations pratiques

Dates : dimanche 23 et lundi 24 novembre 2025
Lieu : Halle de la Courrouze, Rennes
Organisateur : Association Merci les Algues
Entrée : Gratuite
Public visé : Grand public, professionnels, collectivités, enseignants, porteurs de projets
Contact : merci-les-algues.org

Histoire de la filière algue en Bretagne – Repères chronologiques

XIXᵉ siècle – L’âge des goémoniers

  • Récolte manuelle du goémon (algues brunes, rouges ou vertes) sur les grèves à marée basse.
  • Utilisation comme amendement agricole par les paysans côtiers (engrais naturel).
  • Économie de subsistance locale, notamment dans le Léon (Finistère nord).
  • Séchage, brûlage et transformation en soude ou iode.

1852 – Naissance de la professionnalisation

  • Première tentative d’encadrement légal : décret impérial sur la récolte d’algues.
  • L’activité reste néanmoins artisanale et peu structurée.

Années 1920-1930 – Développement des usages industriels

  • Utilisation accrue des algues dans la fabrication d’agar-agar, carraghénane et alginate, principalement à destination des industries alimentaires, pharmaceutiques et textiles.
  • Naissance des premières usines d’extraction en Bretagne.

1960-1970 – L’ère industrielle s’organise

  • Fondation de sociétés spécialisées dans l’extraction d’hydrocolloïdes : Société Industrielle de Lannilis (SIL), Algues Armorique, etc.
  • L’Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer) commence à soutenir les recherches sur les cultures d’algues.
  • Premières expérimentations de culture en bassin et en pleine mer.

1982 – Création du CEVA

  • Le Centre d’Étude et de Valorisation des Algues est fondé à Pleubian (Côtes-d’Armor).
  • Il devient un acteur-clé de la R&D sur les algues en France et en Europe.
  • Début de l’approche systémique : biotechnologies, environnement, nutrition.

Années 2000 – Boom de la spiruline et des microalgues

  • Essor de la spiruline en Bretagne intérieure (cultures sous serre).
  • Création de filières bio locales, structuration artisanale mais dynamique.
  • Intégration croissante dans les circuits courts, les compléments alimentaires, la cosmétique.

2010-2020 – Intensification des enjeux industriels et écologiques

  • Projets de culture d’algues en mer (kombu, laminaires) portés par des fermes pilotes.
  • Premiers conflits d’usages avec d’autres acteurs de la mer (pêche, tourisme).
  • Intégration dans des programmes européens (Horizon 2020, Interreg, Blue Economy).
  • Début des biomatériaux à base d’algues (textile, plastique, construction).

2023 – Naissance de l’association Merci les Algues

  • Initiative bretonne regroupant producteur·rices, citoyen·nes, scientifiques, restaurateur·rices, designers.
  • Objectif : fédérer la filière algale française et en faire une vitrine de la transition écologique.

2025 – Organisation du premier Salon de l’Algue à Rennes

  • Événement fondateur destiné à donner une visibilité nationale à la filière.
  • Lancement d’une dynamique territoriale, éducative et économique autour des algues.

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