Elle voulait un enfant après la mort de son mari, la justice confirme le refus du CHU de Rennes

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insimenation intra-uterine

À Rennes, une affaire sensible interroge la limite entre le respect du deuil et les aspirations parentales. Une veuve, mariée depuis dix ans et engagée depuis 2017 avec son époux dans un parcours de fécondation in vitro (FIV), a demandé à utiliser les gamètes de son mari aujourd’hui décédé, conservés au CHU de Rennes, pour recourir à la procréation médicalement assistée (PMA) post-mortem.

L’établissement a refusé, au motif que la PMA après décès n’est pas autorisée en France. Yannick est décédé en mai 2021, avant que la procédure de FIV n’aboutisse. La veuve a alors sollicité soit la poursuite du projet parental en France, soit l’exportation des paillettes vers un pays européen où la PMA post-mortem est permise. Le CHU s’y est opposé.

Une procédure judiciaire s’est ouverte : le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande le 4 avril 2024. La cour administrative d’appel de Nantes a rendu un arrêt le 27 octobre 2025 — désormais public — qui confirme le refus du CHU, faute de consentement explicite du défunt à une utilisation de ses gamètes après sa mort. La requérante dispose encore d’un éventuel recours devant le Conseil d’État.

La requérante, veuve d’un homme dont les gamètes sont conservés au service CECOS du CHU de Rennes, sollicitait la mise à disposition ou l’exportation de ces gamètes à des fins de PMA post-mortem. Le CHU refuse, invoquant la législation française qui interdit la PMA après le décès de l’un des partenaires. Le tribunal administratif de Rennes rejette la demande le 4 avril 2024. L’arrêt du 27 octobre 2025 confirme ce rejet en appel.

  • Faits initiaux : le couple, marié depuis dix ans, avait entamé un parcours de FIV au CHU de Rennes en 2017. Le mari, Yannick, décède en 2021 alors que le projet parental est encore en cours.
  • La PMA post-mortem (insémination ou implantation après décès d’un membre du couple) n’est pas autorisée par la législation française. Les établissements de santé sont donc fondés à refuser l’utilisation des gamètes du défunt à cette fin.
  • L’exportation de gamètes vers un pays où la PMA post-mortem est légale a déjà fait l’objet d’une jurisprudence : en 2016, le tribunal administratif de Rennes a autorisé, dans des circonstances exceptionnelles, l’exportation des gamètes du défunt (TA Rennes 11 octobre 2016). Cependant, d’autres tribunaux ont rejeté des demandes similaires (ex. TA Toulouse 13 octobre 2016).
  • Le consentement du défunt : les tribunaux exigent de plus en plus que le défunt ait consenti explicitement à la conservation et à l’usage ultérieur des gamètes après son décès, ce qui est rarement établi.
  • L’article 8 de la CEDH (droit au respect de la vie privée et familiale) vs l’ordre public bioéthique français : certains contentieux avancent l’argument que l’interdiction pourrait violer l’article 8, mais les juridictions nationales et européennes laissent une large marge d’appréciation aux États.

Chronologie des décisions clés

DateDécision
11 octobre 2016TA Rennes autorise, dans un cas particulier, l’exportation des gamètes d’un défunt vers un pays autorisant la PMA post-mortem.
13 octobre 2016TA Toulouse rejette une demande similaire.
4 avril 2024TA Rennes rejette la demande d’une veuve concernant la PMA post-mortem (utilisation/export des gamètes de son mari).
27 octobre 2025CAA Nantes confirme le refus du CHU de Rennes, faute de consentement explicite du défunt à l’usage post-mortem de ses gamètes.

« Repères juridiques »

 

Volontariat et consentement
La conservation et l’usage des gamètes exigent que le donneur ait exprimé un consentement libre et éclairé à la conservation et, le cas échéant, à leur usage après décès.
Interdiction de la PMA post-mortem
Le droit français ne permet pas l’insémination ou l’implantation après le décès d’un membre du couple.
Exportation des gamètes
Exceptionnellement possible via décision judiciaire dans des cas très limités ; la jurisprudence récente penche vers un refus en l’absence de circonstances particulières.
Droit européen : art. 8 CEDH
Le droit au respect de la vie familiale peut être invoqué, mais les États disposent d’une large marge d’appréciation (« wide margin of appreciation »).

 

Cette affaire soulève plusieurs questions :

  • Le droit à la procréation se heurte-t-il à la mort ? Peut-on envisager un enfant « posthume » sans fracture éthique ou juridique ?
  • Les établissements hospitaliers sont-ils préparés à gérer des demandes liées à la conservation des gamètes et à leur usage après décès ?
  • Cette jurisprudence risque-t-elle d’évoluer ? La pression sociale ou les technologies en devenir peuvent-elles pousser vers une révision du cadre ?

La demande de la veuve au CHU de Rennes a été rejetée en première instance : elle ne pourra pas utiliser ou exporter, à ce jour, les gamètes de son mari pour une PMA post-mortem. La justice, en appel, a confirmé le refus. Un pourvoi en cassation reste possible. Cette affaire marque la tension entre désir de parentalité, respect de la mémoire et limites fixées par la bioéthique française.