Il y a un peu plus d’un an, le grand public découvrait Suzane et sa musique avec le clip de sa première chanson, « L’insatisfait ». Depuis, l’artiste de 28 ans trace sa route avec un succès croissant et la sortie en avril dernier de son premier EP sur le label 3e Bureau de Wagram. Le vendredi 7 juin, elle a donné un spectacle vivifiant sur la scène B du festival Art Rock à St Brieuc.
D’années en années, les programmations des festivals tels qu’Art Rock accordent une place de plus en plus importante aux artistes électro. Ce phénomène permet ainsi de découvrir, au sein de la scène française, une diversité de styles associés et parfois caractérisés par leur hybridité. S’y démarque notamment la chanteuse Suzane, une artiste qui séduit à chacun de ses passages sur scène. Suite à la sortie en mars 2018 de sa première chanson « L’insatisfait », sa vie et sa carrière ont pris un grand tournant : en novembre de la même année, l’artiste avignonnaise a débuté sa première tournée marquée entre autres par ses deux passages à Rennes : après avoir partagé la scène du Cabaret Botanique avec Hoshi le 3 avril dernier pendant le festival Mythos, elle avait également ravi les spectateurs de L’Ubu le 16 mai lors du concert Société Ricard Live Music. Vendredi dernier, c’est le festival Art Rock de St Brieuc qui l’a accueillie pour son retour en terre bretonne.
La soirée venait à peine de commencer quand l’artiste est enfin arrivée sur la scène B, vêtue de sa fameuse combinaison tricolore qu’elle a imaginée avec le styliste Romain Antonini. Si c’est en solo qu’elle a défendu ses chansons et son spectacle, chaque aspect de sa performance porte également la marque des artistes dont les collaborations ont enrichi son projet artistique : ses chorégraphies, en outre, sont le fruit de son travail avec Nicolas Huchard, chorégraphe connu également comme danseur pour Christine And The Queens. De plus, les arrangements de ses instrumentaux ont été réalisés par le musicien Valentin Marceau, ancien leader du groupe BoXoN qui a également travaillé sur les récents albums de Foé et de Naya.
À l’écoute de la vocalité et des textes de Suzane, on ressent une forte proximité avec la sensibilité à l’oeuvre dans la chanson française réaliste. De fait, elle reçut notamment l’influence de Jacques Brel, Barbara et Edith Piaf dès l’adolescence, alors qu’elle poursuivait un parcours en danse classique. En parallèle, la composante électro de sa musique lui vint de sa découverte de groupes comme Daft Punk et Justice qui ont bouleversé son éducation musicale. C’est également les parcours d’artistes multi-facettes comme Stromae qui l’ont encouragée à créer une synthèse personnelle entre une expression lyrique héritée de la chanson, mêlée à une identité électro qui apparaît comme affirmée dans des titres tels que « Suzane » (sa chanson signature) ou encore « Monsieur pomme ». À noter également son intégration harmonieuse de timbres plus acoustiques comme le court motif de guitare dans « L’insatisfait » ou celui de sitar dans « Pas beaux (les kilos) ». De même, elle exploite dans la chanson « SLT » une rythmique marquée proche de celle du hip-hop. Elle recourt également à une vocalité à la fois scandée et traînante qui n’est pas sans rappeler la signature vocale d’Orelsan, dont elle admire d’ailleurs l’écriture réaliste depuis les débuts du rappeur normand en 2008.
De façon plus générale, Suzane se présente comme une « conteuse d’histoires vraies sur fond d’électro ». Les personnages qu’elle met en scène dans ses chansons lui sont principalement inspirés des personnes qui ont croisé sa route depuis des années. Elle imagina, en outre, le protagoniste de « L’insatisfait » lorsqu’elle travaillait comme serveuse dans un restaurant, suite à sa rencontre avec un client particulièrement indécis. Quant à « Monsieur pomme », il reflète la superficialité dont font preuve de nombreux utilisateurs des réseaux sociaux. De même, elle n’a pas hésité à évoquer des situations de vies et des histoires qui la touchent de près. On est ainsi frappé par la chanson « SLT », dans laquelle elle décrit de façon frontale mais tristement réelle le sexisme et le harcèlement que subissent de nombreuses femmes dans leur vie quotidienne. Parmi toutes ces chansons, pour la plupart au tempo énergique, elle a également interprété la ballade « Anouchka », portant le nom d’une de ses connaissances de lycée et dans laquelle le timbre de son mélodica insufflait une certaine âme slave doucement mélancolique. Pour couronner le tout, l’artiste a proposé des chorégraphies parfois sobres, mais toujours élaborées, dont on retiendra, par exemple, son « sidewalk » (un « moonwalk » sur le côté) pendant la chanson « Monsieur pomme ».
La tempête Miguel, invitée de dernière minute du festival, a bien tenté de jouer les trouble-fête pendant la première journée de vendredi. Il en fallait plus pour déstabiliser Suzane et les spectateurs de la scène B qui ont été particulièrement réceptifs à son univers musical à l’expression à la fois dynamique et profonde. De quoi patienter avant la sortie de son premier album qui est vivement attendue…
Suzane sera en concert le 19 juillet prochain au festival des Vieilles Charrues de Carhaix (29).
Son EP « Suzane » est toujours disponible.