La première saison d’Arthur Nauzyciel a la tête du TNB de Rennes a introduit des artistes associés et une ligne artistique où l’approche didactique de l’histoire occupait une place centrale (voir notre article). Une deuxième, en 2018/2019, s’est axée sur la défense et la promotion des minorités à travers des créations dédiées (voir notre article). Voilà une tentative de déchiffrer le programme de la saison 2019/2020 du TNB qui s’emploie à rencontrer le monde.
Selon les chiffres communiqués par Arthur Nauzyciel à l’occasion de la présentation à la presse ce matin, la saison 2018/2019 a été une réussite. « 331 levers de rideaux, 100 000 billets émis, 11 000 abonnements et, surtout, un festival qui a accueilli 33000 spectateurs. » Des chiffres de fréquentation indéniablement appréciables indépendamment du fait que la diversification et le rajeunissement du public laissent encore à désirer.
Loin d’une programmation ou bien trop ciblée (susceptible de verser dans le réductionnisme) ou trop pointue (qui n’aurait pas manqué d’être taxée d’élitiste par les thuriféraires radicalisés de la mixité sociale), Arthur Nauzyciel offre pour 2019/2020 un éventail aussi varié que transversal. Décloisonnement des disciplines et circulations entre elles : cirque, danse, marionnette, concert et, même, patinage sur glace se croisent dans des spectacles diversifiés, classiques, ludiques, engagés, voire à thèse. Une saison éclectique et indéniablement prometteuse, car susceptible de plaire à des publics variés (bien que d’aucuns regretteront a priori l’absence de propositions décalées d’une originalité à risque).
Directeur-acteur-metteur en scène, Arthur Nauzyciel s’emploie à poursuivre son geste théâtral qu’il décrit ainsi : « transcender le réel pour révéler ce qu’il cache, le non-visible, les mondes parallèles, les reflets du monde. Bref, plus le monde est mystérieux, plus il est habitable ».
Si l’on retrouve cette année la tonalité politique de l’année précédente – la réflexion autour de ce qui fait communauté, ce qui fait exclusion, ce qui fait identité –, elle est tempérée au profit des dimensions de l’énigme, l’inconscient, l’illusion, des parallèles, les matières brutes (eaux et forêts notamment) et des points de vue formels. En somme, matières, formes, in-visibilités et chiffres sont au rendez-vous. Et se conjuguent au service d’une pratique théâtrale qui déchiffre le monde dans sa dimension d’immanence énigmatique. Bien sûr, le politique et le mystère sont susceptibles de se conjuguer. Voire efficacement. Notamment quand « le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres », comme l’écrivait Gramsci.
En parallèle de ce programme événementiel qui occupe déjà de nombreux jours dans l’année, différents ateliers, amateurs ou non, rendez-vous, en famille ou non, rencontres, festivalières ou non, pauses théâtre, impromptus, master class, club des curieux, nuit des idées, séances de cinémas et brunchs au café sont proposés aux Rennais par le TNB. Arthur Nauzyciel veut faire vivre ce lieu qu’est le TNB en exploitant toutes ses ressources (et ce, malgré une architecture intérieure complexe) ; on ne peut que l’en féliciter. Pour autant, c’est peut-être trop… on s’y perd un peu. A l’image de la croissance des propositions de sorties à Rennes qui tourne à la congestion.
A ce propos, on soulignera combien la Ville s’emploie à faire de Rennes une destination festive où l’animation règne en maître. C’est certes mieux que les dimanches immobiles et sans fin passés à s’ennuyer. Pour autant, l’inconvénient d’un agenda hebdomadaire bourré ras la gueule, c’est que trop de propositions tuent la proposition. Un équilibre est à trouver.
Ainsi, loin de réduire cette saison 2019/2020 du TNB à quelques événements, je conseille aux Rennais de porter une attention soutenue, sans pour autant être exclusive, à certains spectacles, notamment Der Teich de Gisèle Vienne, Omphalos de Damien Jalet, Liberté à Brême par Cédric Gourmelon, Monstro collectif sous le manteau, Les mille et un nuits par Guillaume Vincent, Pelleas et Mélisande par Julie Duclos, l’Oiseau-lignes par Chloé Moglia, Je m’appelle Ismaël par Lazare, Rothko Untitled, Cosmos 1969 par Thierry Balasse, Le bruit des loups par Etienne Saglio, Mes frères de Pascal Rambert et le ciné-concert Haxan.
PROGRAMME TNB 2019/2020 :
Théâtre national de Bretagne 1, Rue Saint-Hélier, 35040 Rennes