Au cœur du 3e arrondissement de Paris, le lycée Turgot ne se contente pas de dispenser un enseignement classique. Il abrite la seule section hip-hop reconnue par l’Éducation nationale. Ici, entre murs haussmanniens et parquets cirés, on répète des sets de break, des chorés de locking ou des combos de popping avec autant de sérieux qu’on révise une dissertation.
Chaque matin, Lorelie, Lottie et Numia enfilent leurs baskets autant que leurs cahiers. Elles viennent de France, de Belgique, d’Allemagne, parfois de plus loin encore. Sélectionnées sur audition, elles ont rejoint cette formation unique en France : un cursus mêlant rigueur scolaire et entraînements intensifs, avec à la clé un baccalauréat général… et une solide carrière potentielle dans la danse.
Une section pionnière
Créée il y a plus de dix ans par David Bérillon, figure de la scène hip-hop française, la section Turgot ne cesse de gagner en notoriété. Sous sa direction exigeante mais bienveillante, les élèves apprennent à danser, bien sûr, mais aussi à comprendre les racines de leur art, son histoire, ses codes, son langage. « L’idée n’est pas de former des stars de téléréalité, mais des artistes complets, capables de résister à la pression du milieu tout en poursuivant leurs études », explique-t-il.
Les jeunes y travaillent tous les styles : new style, top rock, break, mais aussi freestyle expérimental, et sont régulièrement encadrés par des chorégraphes invités. Le tout avec un emploi du temps millimétré où les heures de maths voisinent avec les battles improvisés.
Objectif JO scolaires… et plus si affinités
Certaines et certains brillent déjà sur les scènes européennes. Lorelie a remporté la médaille d’or au dernier championnat scolaire francophone, Lottie a été repérée par une compagnie norvégienne, Numia s’est hissée en finale des JO scolaires en freestyle solo. Tous et toutes rêvent d’intégrer plus tard une compagnie, de créer leurs propres shows, ou de représenter la France dans les compétitions internationales.
Le lycée a su tisser des liens avec les milieux professionnels, permettant aux élèves de se produire dans des festivals, de participer à des workshops avec des pointures comme Salah ou Anne Nguyen, et d’avoir un pied dans la réalité artistique sans sacrifier leur parcours académique.
Une école de vie
Mais au-delà de la performance, Turgot enseigne aussi une éthique. Celle du collectif, du respect, de l’effort. Pas de place ici pour les egos surdimensionnés. Le hip-hop enseigné est un outil d’émancipation, un langage pour se raconter, pour créer, pour avancer.
« J’ai appris à me tenir, à parler devant les autres, à mener un projet », raconte Numia. « Avant, je dansais pour moi. Aujourd’hui, je comprends que je peux danser pour les autres aussi. »
Et dans une société où les parcours artistiques sont souvent dévalorisés ou mal compris, l’existence même d’une telle section est une promesse : celle que la passion, la discipline et la créativité peuvent avoir droit de cité… même entre les murs d’un lycée républicain.
