Tuxedomoon, 36 ans de carrière en concert à Brest

Tuxedomoon de retour en France avec un concert le 3 décembre à Brest (La Carène), le plus européen et cinématographique des collectifs musicaux américains, mérite bien, pour ses 36 années d’existence, un éclairage rétrospectif. À la manière du groupe, sobre et décalée.

 

Fondé en 1977 en Californie autour de Steven Brown, Peter Principle et Blaine L. Reininger, tous musiciens friands d’expérimentation et transcendant avec élégance les styles et les écoles. Tuxedomoon discrètement navigue depuis lors, avec un talent rare, entre pop expérimentale franchement abordable et avant-gardisme souple et serein (preuve en est le succès du titre A manner of speaking, et de l’album Divine utilisé pour un ballet de Béjart).

pink tuxedomoonPink Narcissus, l’album paru cette année confirme l’intelligence musicale de ce groupe hors-norme. Les mélopées aussi crissantes que cristallines, les ambiances moites et diaprées évoquent une fois encore, avec brio, les bandes originales de films imaginaires (le titre Toreador del Amor n’est pas sans évoquer l’atmosphère de certains films de David Lynch). Pour Tuxedomoon, il ne s’agit pas de composer en désossant les genres et les styles. Il n’est pas question de mixer à l’importe pièce ou de métisser avec vulgarité. Mais, pour paraphraser le poète Pascal Bacqué « d ‘écouter tout autrement la charge de vérité qu’il y a dans le mot moderne ».

Pour poursuivre brièvement dans cette veine analytique disons que le même poète expose également l’idée suivant laquelle pour les poètes et les peintres qui se veulent tels et contemporains « tout savoir-faire est prohibé ». Ce qui, en musique, ne se vérifierait pas. Toujours selon Bacqué, poètes et musiciens se rejoignent ailleurs. À savoir dans le fait que « tous deux inventent leur langage ». Mais, dans cette langue neuve « ils disent, et semblent ne pas parler ». Tous ceux là, qui se reconnaissent et s’acceptent, se cooptent entre eux et avec l’époque formeraient « l’espèce ».

Refuser toute appartenance à « l’espèce » serait possible par la médiation, mystérieuse, de la personne : « Souffrance, joie, intelligence, folie, inspiration : c’est la personne(1). »

Conjonction unitive de personnes singulières, Tuxedomoon a toujours su parler à travers les nouveaux langages par eux inventés. Juxtaposant, plutôt, que mélangeant sans ménagement, les talents réciproques de ses différentes personnalités, le collectif a su à travers les années, à travers la complexité des mouvances, des modes, des tendances diverses et variées (et parfois avariées) maintenir une ferme exigence, ludique autant que poétique.

Préférant le silence, laissant place aux travaux solitaires de ses membres plutôt que de perdre une once de leur or sonore, alchimique et vaporeusement lunaire.

Que les Muses accorde à cette « lune en smoking » d’enchanter nos oreilles de leurs mélopées inédites, de nous faire entendre autrement encore, pendant les 36 années à venir, « la charge de vérité qu’il y a dans le mot moderne ».

Tuxedomoon, en concert (1ère partie Mellanoisescape)

mercredi 3 décembre 2014

La Carène, le Club, 21h, 16/18€ en loc (+ frais), 18/20€ sur place

(1) Pascal Bacqué, Ode à la fin du monde, L’Âge d’Homme, 2014, pp. 28-29


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Thierry Jolif
La culture est une guerre contre le nivellement universel que représente la mort (P. Florensky) Journaliste, essayiste, musicien, a entre autres collaboré avec Alan Stivell à l'ouvrage "Sur la route des plus belles légendes celtes" (Arthaud, 2013) thierry.jolif [@] unidivers .fr

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