Au terme de trois mois de procès hors norme et de quatre jours de plaidoiries et de réquisitions, Joël Le Scouarnec a été condamné à vingt ans de réclusion criminelle par la cour criminelle de Vannes (Morbihan), mercredi 28 mai 2025. Il a été reconnu coupable de viols et d’agressions sexuelles sur 297 victimes, pour la plupart mineures au moment des faits, en majorité des garçons.
Les magistrats de Vannes ont prononcé la peine maximale prévue par la loi pour les crimes sexuels, assortie d’une période de sûreté des deux tiers. Cela signifie que l’ancien chirurgien ne pourra pas demander d’aménagement de peine avant quatorze ans, soit potentiellement en 2031, compte tenu de la détention provisoire déjà effectuée. Il devra également se soumettre à un suivi sociojudiciaire de quinze ans. Joël Le Scouarnec se voit par ailleurs interdit d’exercer toute profession médicale ou paramédicale, ainsi que d’entrer en contact avec des mineurs. En revanche, les juges n’ont pas ordonné de mesure de rétention de sûreté à l’issue de sa peine, citant « la volonté de réparer » exprimée par l’accusé, et son âge avancé : il aura bientôt 75 ans.
Les indemnités versées aux victimes seront fixées lors d’une audience civile prévue en novembre prochain. Stéphane Kellenberger, l’avocat général, a d’ores et déjà annoncé qu’une nouvelle procédure pourrait voir le jour, le nombre de victimes potentielles étant supérieur à celles identifiées à ce stade. Joël Le Scouarnec a lui-même reconnu, lors du procès, avoir agressé sa propre petite-fille.
Joël Le Scouarnec est parvenu à échapper à la justice pendant près de trente ans. Aucun de ses collègues, dans les hôpitaux où il a exercé, n’a détecté ses agissements. Ses crimes étaient principalement commis lors d’actes médicaux, notamment en salle d’opération ou de réveil, sur des patient·es anesthésié·es. Seule une trentaine de victimes gardent des souvenirs plus ou moins précis des violences subies.
Né le 3 décembre 1950 dans le 14e arrondissement de Paris, dans un foyer modeste, Joël Le Scouarnec suit des études de médecine à l’Hôtel-Dieu, puis à la faculté de médecine de Nantes. Il devient chirurgien digestif. Il travaille à Loches (Indre-et-Loire) de 1983 à 1994, puis à Vannes jusqu’en 2003. Il est condamné une première fois en 2005, à quatre mois de prison avec sursis, pour détention d’images pédopornographiques. Il exerce ensuite à Lorient (2004-2005) puis à Quimperlé (2005-2008).
En 2008, il s’installe à Jonzac (Charente-Maritime), où il poursuit sa carrière jusqu’à sa retraite en 2017. Divorcé, vivant seul, il adopte un mode de vie marginal et inquiétant.
L’affaire Le Scouarnec éclate en avril 2017, lorsqu’une fillette de six ans vivant à Jonzac révèle à ses parents que leur voisin, un médecin à la retraite, s’est exhibé devant elle et l’a agressée sexuellement. Son petit frère, âgé de deux ans, pourrait également avoir été victime.
Une perquisition révèle alors une quantité effrayante de matériel pédopornographique, des objets à caractère sexuel, ainsi que des vidéos de torture humaine et animale. Les gendarmes découvrent également ses journaux intimes — surnommés les « carnets noirs » — remontant aux années 1980, dans lesquels il détaille ses actes pédocriminels, qu’il décrit sans aucun remords. Des expertises psychiatriques révèlent une absence totale d’empathie et un fonctionnement narcissique. En novembre 2020, il est jugé à huis clos à Saintes pour viols et agressions sexuelles sur quatre mineures.
L’enquête s’élargit ensuite au Morbihan, notamment à Vannes, où d’anciennes victimes sont identifiées.
À la clôture de l’instruction en avril 2024, 312 victimes sont recensées. Toutefois, 19 d’entre elles ne peuvent être poursuivies en justice en raison de la prescription. À l’audience, les survivant·es racontent leur calvaire, dans l’espoir de tourner la page.
L’accusé a reconnu l’ensemble des faits, y compris la responsabilité dans la mort de deux de ses victimes : l’une décédée d’une overdose, l’autre s’étant suicidée.
Le procès de Joël Le Scouarnec constitue, par son ampleur, le plus grand procès pour pédocriminalité jamais organisé en France.