Entendu mais inattendu, Rachida Dati, ministre de la Culture du gouvernement Attal

Rachida Dati ministre Culture
Rachida Dati, ministre de la Culture du gouvernement Attal

Actuellement maire LR du 7e arrondissement de Paris, Rachida Dati a été nommée ministre de la Culture par Gabriel Attal, nouveau Premier ministre. Malraux, qu’est devenu ton héritage ?

Le ministère de la Culture a habitué les Français depuis plus de 10 ans à une valse-hésitation de personnalités de qualité modérée et souvent incompétentes. Un ministère de la Culture et sa mauvaise administration qui ont perdu le Nord depuis des années en dégradant lentement mais sûrement les idéaux régulateurs républicains. La maire LR du 7e arrondissement de Paris est-elle la femme politique la plus qualifiée pour mettre fin à l’hémorragie qualitative de ce ministère en déshérence ? Oui, selon Gabriel Attal qui l’a nommée ce jeudi 11 janvier ministre de la Culture dans son gouvernement.

Rachida Dati remplace Rima Abdul Malak, fragilisée ces dernières semaines par l’affaire Depardieu et ses réticences relatives à la loi immigration. Rima Abdul Malak qui avait remplacé … qui avait remplacé … qui avait remplacé… Une situation de plus en plus dégradée, voire qui atteint le rôle que la macronie, à la suite de la hollandie, entend conférer à ce ministère : être le miroir inversé de la dérive ou de l’absence de conception d’une vision culturelle globale, prospective et créatrice de et pour la France.

La France a vu ces dernières années : son rayonnement sur la scène internationale décliner ; un recul patent de l’apprentissage des savoirs, de l’amour de la langue et de la culture générale chez nos concitoyens ; un galvaudage de la curiosité imaginative, une perte de profondeur historique, un engourdissement de la réflexion critique ; une diversité sociologique devenir un lieu de discorde et non d’uni-diversité ; nombre d’acteurs officiels de la culture et des arts abandonner toute R&D avant-gardiste au profit d’un révérencieux suivisme institutionnel qui confine à la caricature.

65 ans après la création du ministère de la Culture par de Gaulle et Malraux, c’est à se demander si le seul moyen de retrouver son esprit fondateur – contribuer à façonner des citoyens cultivés doués d’une conscience critique et éthique – ne serait pas de tirer un trait sur leur conception de la culture comme une affaire collective conçue et administrée par l’État.

Au demeurant, qu’est devenu le ministère de la Culture après 7 ministres qui s’y sont succédé en 10 ans ? Le ministère du Remerciement. Comme si le Conseil économique social et environnemental ne suffisait plus…

CV récent de Rachida Dati

De 2007 à 2009, Rachida Dati a été ministre de la Justice durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Puis députée européenne jusqu’à 2019. Depuis 2021, elle est élue à Paris où elle a été mise en examen au mois de juillet pour « corruption passive », « trafic d’influence » et « recel d’abus de pouvoir » par un juge d’instruction financier. Elle est soupçonnée d’avoir touché 900 000 euros durant trois ans de la part de la filiale néerlandaise de Renault-Nissan afin d’exercer une forme de lobbying au Parlement européen. Si elle reconnaît avoir empoché cet argent, Rachida Dati explique n’avoir exercé aucune mission de lobbying pour le compte de Renault, mais avoir simplement réalisé une prestation de conseil auprès de Carlos Ghosn (à 30 000 euros par mois, on peut parler de conseils en or). Le Parquet national financier doit prendre des réquisitions dans les prochaines semaines.

Mais Gabriel Attal d’estimer aujourd’hui 11 janvier 2024 que les différentes lignes de ce CV conviennent parfaitement au poste de ministre de la Culture. Que dire ?!…

Déjà, oser affirmer que de Gaulle – pas plus que Malraux et aucune personne se réclamant de cette prometteuse mais avortée voie politique que fut le gaullisme dit social ou de gauche – n’aurait jamais approuvé le choix d’un tel profil de candidat.

Ensuite, reconnaître que ce choix traduit un parfait timing pour une belle prise stratégique.
À point nommé pour l’intéressée.
À peine nommée pour la majorité qui en attend un ralliement (fort hypothétique) d’une certaine fraction de l’électorat.
À tout point de vue pour bon nombre de directeurs d’importantes institutions, d’établissements culturels et artistiques ainsi que le réseau d’intimes et de copains et aussi le petit groupe de communicants et d’éditeurs de presse choyés car toujours proches du pouvoir en place. Ils peuvent se féliciter de cette annonce qui promet une conservation de leurs privilèges et parts du gâteau au détriment du vaste tissu d’acteurs culturels et artistiques – délaissés car à l’influence jugée ni assez soumise ni assez voyante – qui incarnent et promeuvent sans relâche, dans les contradictions du territoire national, un pluralisme vivifiant.

Finalement, conclure que nommer Rachita Dati à la tête d’un ministère anémié où l’esprit de coterie fait figure de posture so contemporaine n’est pas surprenant.

Aujourd’hui en France, des forces exultent : quand j’entends le mot Culture, je sors mon influenceuse.

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Nicolas Roberti
Nicolas Roberti est passionné par toutes les formes d'expression culturelle. Docteur de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, il a créé en 2011 le magazine Unidivers dont il dirige la rédaction.

7 Commentaires

  1. Oui. Un article clair et concis qui montre bien le problème. Vous êtes un journaliste courageux M. Roberti
    Salutations distinguées

  2. ok, tout cela est bien dit, mais que faire ? Même si c’est pas l’idéal qui à part Macron ? qui peut faire avancer la pays sur une voix médiane (celle dont vous faites référence avec le gaulisme de gauche) ? Le richississime révolutionnaire sud américain qui aura mis LFI à terre et favorisé la lepen ? le seul qui arrive à faire avancer lentement mais surement tout en évitant les extremes , c’est Macron. bon en ervanche c’est sur que cetait vraiment pas la meilleure de ses idées de récupérer datti… moi qui suis un macroniste de centredroit de la première heure, ca me fait mal au vote…

  3. mais qu’est-ce qui lui a pris de choisir Rachida Dati !!! Y a plein d’autres profils parfaits pour ce poste et sans boulet au pied. C’est n’importe quoi !
    mais merci pour vos articles
    bon week-end
    Sacha

  4. Bonjour à tous,

    D’un autre côté, c’est bien joué. Plus rien à gauche depuis des mois et désormais plus grand-chose à droite. Que Macron et Le Pen en jeu. Ça assure que le FN n’arrivera pas au pouvoir.

    Je profite de ce commentaire pour vous demander si Unidivers pourrait publier davantage d’articles au sujet de la vie culturelle dans le Finistère nord. Cela manque un peu dans votre magazine dont je suis une fidèle lectrice. Je vous en remercie d’avance.

    Mes meilleurs voeux 2024 à toute l’équipe,

    Pauline

  5. Bonjour Pauline, je réagis à votre commentaire. Peut-être que c’est bien joué en terme de stratégie. Mais le prix à payer de ce bon coup c’est encore une ministre de la culture qui n’est pas issue de la culture, qui n’en connait pas les rouages ni les enjeux à relever… Donc, empêcher le RN, je veux bien, mais continuer à laisser la Culture en roue libre, je suis pas sûr que cela soit le bon calcul à moyen terme.
    Vous aussi bonne année, Miguel

  6. Bonjour à la rédaction et à tous,
    Pour information, je suis membre de la direction d’un équipement culturel d’une taille assez importante en Bretagne. Je vous confirme à regret que nous sommes beaucoup à constater que nous avons perdu ces dernières années beaucoup en liberté, en liberté d’imagination, en liberté d’orientation, en liberté de mettre en place des projets originaux. Mais c’est comme ça, si nous voulons continuer à avoir nos subs il faut relayer la parole du ministère par la DRAC en étant toujours dans les clous des orientations et en utilisant les mêmes éléments de langage. Ce n’est pas autrement. Oui, quelque chose ne va pas bien, ne tourne pas rond, est parvenu à un seuil de compétences. Ministère et DRAC sont devenus une grosse machine qui stérilise de plus en plus les acteurs locaux et l’imagination locale. Les intentions à la base sont bonnes, mais le fonctionnement non. Que faire ?… Sachant qu’on opère pas le malade à chaud. Idem pour l’Educ Nat. Il faut donc attendre le retour d’une embellie économique et d’une stabilité politique pour opérer. Quand viendront-elles ?

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