Du 7 mars au 21 septembre 2025, les Champs libres de Rennes accueillent Grégoire Eloy et son exposition de photographies intitulée Troisième nature. Un rendez-vous à ne pas manquer, d’autant que la forme et le fond — les photos exposées et la scénographie du lieu d’exposition — entretiennent un tel degré de conjugaison harmonieuse que vous n’aurez qu’une envie : déambuler et observer, vous asseoir et contempler, arpenter et regarder à nouveau. Seul ou en famille.
Où étais-tu quand je fondais la terre ? Dis-le, si tu en as l’intelligence. Qui en a fixé les dimensions, le sais-tu? (Jacob, 38:4)
Dans la salle Anita Conti des Champs libres, l’exposition Troisième nature retrace dix ans d’explorations photographiques de Grégoire Eloy, lauréat du prix Niépce 2021, à travers des paysages géologiques, forestiers et marins, des glaciers pyrénéens à l’estran breton.
Grégoire Eloy est né en 1971, et vit à Paris. Il est photographe documentaire depuis 2003. Pendant 10 ans il photographie les pays d’Europe de l’Est et d’Asie centrale. A partir de 2010, son travail, entre documentaire et expérimentation, s’appuie sur une collaboration avec des scientifiques pour interroger la formation et l’évolution de la matière et de l’environnement ainsi que les mutations environnementales des côtes bretonnes (L’Estran, 2020-2024), des sillons alpins (La Faille, 2015) ou pyrénéens (De glace, 2020) ou l’évolution de la planète à partir de satellites (en cours). Invité en résidence aux Champs Libres en 2023-2024, il a approfondi sa recherche sur l’estran breton, une série inédite présentée aujourd’hui aux côtés d’autres projets.
L’exposition Troisième nature, immersive, sensorielle et réflexive, traduit une approche coritualisée avec des éléments-états de nature où Grégoire Eloy s’immerge dans chaque objet par son regard photographique comme dans une adhésion première, à la fois originelle, brute, mais raffinée.
Un ouvrage accompagne cette première rétrospective de son travail. II traduit bien sa dé-marche physique – corporelle et sensorielle – et intellectuelle : la photographie comme arpentage performatif à la croisée de l’art et de la science par rencontre immanente du sujet et de l’objet.
Ses photographies, principalement en noir et blanc intense et contrasté, témoignent ainsi de la tentative d’exister de phénomènes plus ou moins lumineux, de substances plus ou moins vagues, d’étants mutants, aussi bien de la grandeur incommensurable d’un tout petit être marin que de la violence de la montagne endormie sous la neige.
Grégoire Eloy est un témoin, un passeur – deux mots certes un peu galvaudés, – mais qui pourtant ici font trait, trait lumineux de conscience. La lumière de la transmission d’un être conscient qui a appris à se projeter et adhérer à la nature afin d’en expérimenter l’insigne majesté invisible et en rapporter un témoignage visuel sous forme de photos.
Dans la représentation du sublime de la nature, l’esprit se sent mis en mouvement, tandis qu’il est en contemplation calme dans le jugement esthétique portant sur le beau dans la nature. (Kant, Critique de la faculté de juger, §27)
Grégoire Eloy traduit, translate son mouvement exploratoire en contemplation calme. Des éléments naturels en objets de contemplation calme, voilà le procédé de ses photos. Mais cette déambulation ne s’arrête par là. Car certains visiteurs se sentiront naturellement invités à remonter à la source en éprouvant derrière le calme apparent l’expérience même du vivant, les forces vitales de l’étant, ce rituel sans cesse en mutation recommencé, mystérieux et violent, de la clairière de l’être.
Site internet de Grégoire Eloy
Troisième nature, le livre de Grégoire Eloy. A l’occasion de l’exposition, parution aux éditions Textuel du livre Troisième nature. 120 pages, 49,90 €. En vente à la boutique des Champs Libres
