BD. Georges Best « tire, shoote et perd »

Georges Best fut une star du football anglais, adulé comme les Beatles, dans un apparentement d’époque et de style. La BD réussie de Kris et Florent Calvez nous restitue la vie unique d’un génie perdu sur terre. Petit pont et dribble ne font jamais oublier la difficulté de vivre.

La couverture de la BD est un beau clin d’œil. Pour les plus anciens, elle évoque un achat d’un disque vinyle à la fin des années soixante. Pour les plus jeunes, une image d’histoire de la musique. Un passage piétons, le plus célèbre du monde, dans un quartier nord est de Londres. Sur ces lignes blanches, habituellement, quatre hommes aux cheveux longs traversent à la queue leu leu d’un pas décidé. Les Beatles avec « Abbey Road » viennent de signer l’un des disques les plus importants de la pop music. Cinquante ans plus sur le même passage pour piétons c’est un footballeur, jongleur, qui traverse, vêtu d’un maillot rouge la même avenue. Il est dessiné cette fois-ci et lui aussi a laissé une trace indélébile dans l’histoire, celle du foot. Il s’appelle George Best. Les Beatles pour la musique, George Best pour la chorégraphie.

george best
Georges Best

Musique, foot, deux socles des passions de Vincent Duluc, l’un des plus grands journalistes de l’Équipe, que Florent Calvez associe en paraphrasant par le dessin, le titre du livre de l’auteur consacré au footballeur de Manchester United, intitulé Le 5ème Beatles et adapté ici en BD.

Le parallèle est en effet éclatant entre les chanteurs de Liverpool et le futur Ballon d’Or. Même époque, même origine sociale modeste, même proximité géographique pour eux qui vont suivre « des chemins parallèles dans la difficile gestion du génie, de la gloire et de la vie avec leurs partenaires, jusqu’à ce destin partagé d’une oeuvre bien courte pour marquer tant d’époques. En moins de dix ans, tout serait accompli ou presque ».

Le scénario de Kris, qui avait déjà raconté une histoire de football, celle d’une équipe d’algériens de France pendant la guerre d’indépendance avec Un maillot pour l’Algérie, suit méthodiquement le récit de Vincent Duluc. Le style du journaliste est celui d’un véritable écrivain, aussi le texte est très présent dans cette adaptation réussie : le dessin réaliste, sans fioritures et efficace de Florent Calvez n’est là que pour illustrer des mots et une histoire suffisamment forte, celle d’un homme dont on se demande si le patronyme à lui tout seul, « Best » n’est pas trop lourd à porter. Il a le talent, même le génie quand il entre avec les footballeurs aspirants dans l’antre du stade de Liverpool, mais, issu d’une famille modeste de Belfast, il n’a pas les armes personnelles et culturelles pour se construire au même niveau que son talent de footballeur. Plus que l’évocation de ses qualités footballistiques extraordinaires c’est le récit d’une véritable descente aux enfers qui est privilégiée dans cette BD documentée et parfaitement construite.

georges best

Best, qui fut aussi le nom du premier batteur des Beatles, rapidement remplacé par Ringo Starr, comme un clin d’œil à ce patronyme maudit, avait tout pour lui. Trop probablement quand l’époque commence à aligner des livres sterlings sans compter les zéros, quand le foot devient peu à peu un spectacle générant des sommes colossales. Lorsque l’ère des médias, de la publicité s’empare de l’image d’un beau gosse avide de tout brûler, le gazon comme les voitures ou les femmes, le bord du gouffre n’est pas loin. C’est une époque qui est aussi racontée, une période de misogynie outrancière où on compte autant, voire plus, les conquêtes féminines que les buts marqués à Manchester. En utilisant sans discernement à outrance les odieux tabloïds anglais George Best, qui offre sa vie privée au plus offrant, préfigure les réseaux sociaux d’aujourd’hui. Les « punchlines » rassemblés en fin d’ouvrage laissent parfois pantois et démontrent comment le footballeur aurait utilisé Tweeter ou Facebook.

Cependant comme Vincent Duluc qui écrit qu’il a « toujours eu de l’admiration et vraiment de la tendresse pour George Best », on comprend parfaitement le processus d’un adolescent qui se brûle les ailes aux flammes de son immense talent, solitaire dans sa chambre lorsqu’il regarde des centaines de fois en super 8, une finale Réal Francfort et solitaire quand vient le moment des grandes décisions de la vie. On a envie de lui tendre la main pour l’aider à se relever d’une faute assassine, pas à le tacler. On cherche à préserver les êtres d’exception.

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George Best était fait pour jongler dans une rue de Belfast avec une balle de chiffon. Il était fait pour marquer des buts, pas pour les célébrer. Il était fait pour jouer, pas pour devenir un footballeur professionnel. Mais quand on porte le nom de Best, on est condamné à devenir et rester le meilleur, à n’importe quel prix. « Maradona Good, Pelé Better, George BEST », put-on lire à ses funérailles. No comment.

George Best d’après le récit de Vincent Duluc le 5ème Beatles (Stock). Scénario : Kris. Dessin : Florent Calvez. Editions Delcourt. 88 pages. 17,95€.

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Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.

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