Dans le cadre du festival Nos Futurs qui se déroule aux Champs Libres du 21 au 23 mars, l’histoire de Britney Spears est au coeur d’une rencontre à l’Auditorium des Champs Libres. En partenariat avec le festival Pop et Psy, des autrices, musiciennes, docteur, et journaliste se réuniront autour d’une table ronde afin de parler de la princesse de la pop, celle qui aura marqué toute une génération et puis qui sera devenue martyre de l’industrie musicale. Retour sur l’histoire de la star avec Jeanne Burel, réalisatrice de la série Arte Britney Sans Filtres.
Tout a commencé en 2017, lorsqu’un post Instagram retient l’attention de la réalisatrice :
« Je suis tombée par hasard sur une vidéo où l’on voit Britney Spears peindre des fleurs. Le contenu semblait étrange et en total décalage avec l’usage habituel des réseaux sociaux. Je me suis abonnée et j’ai alors découvert une tout autre Britney Spears ».
Appartenant à la génération Y, celle qui a grandi avec le passage à l’an 2000, le 11 septembre et les débuts d’Internet, Jeanne Burel a toujours eu un lien particulier avec la chanteuse :
« Elle a été ma première icône, mes premiers clips, mon premier CD acheté avec mon argent de poche. Elle a aussi influencé ma vision de la féminité. »
Idole des petites filles, fantasme pour certains, jugée tour à tour trop innocente ou trop provocatrice, Britney Spears a été très jeune happée par le tourbillon de la célébrité.
« J’ai compris que sa vie n’était pas juste une tragédie à l’américaine, mais un cas unique dans l’Histoire. C’est la Marilyn Monroe des années 2000. »
À travers sa série Britney Sans Filtres, Jeanne Burel retrace l’histoire d’une enfant-star devenue cobaye de la célébrité moderne.

L’ascension et la chute d’une icône
Dans un contexte de retour du conservatisme aux États-Unis, notamment après les attentats du 11 septembre, Britney Spears cherche à se libérer de l’image sage et lisse que l’industrie Disney lui avait imposée. En l’espace de quelques années, elle passe du rôle d’innocente enfant-star du Mickey Mouse Club à celui de jeune femme hypersexualisée, perçue comme trop provocante pour l’Amérique puritaine. Ses singles Toxic, Baby One More Time et Oops…I Did It Again marquent ce virage, tandis que sa vie privée devient un véritable business pour les tabloïds.
Sous le regard intrusif des médias, chaque détail de son intimité est exposé au monde entier. Les journalistes n’hésitent pas à la harceler avec des questions déplacées :
« Êtes-vous vierge ? », « Vos seins sont-ils refaits ? », « Êtes-vous célibataire ? »
C’est l’ère de la télé-poubelle et d’Internet, un univers impitoyable où les rumeurs, les images et les commentaires circulent toujours plus vite.
Britney Spears devient alors l’incarnation d’une nouvelle forme de célébrité. Jadis considérées comme des demi-dieux intouchables, les stars sont désormais à la merci de l’opinion publique, prêtes à être idolâtrées puis piétinées. Peu à peu, la chanteuse est réduite à des clichés humiliants : une mauvaise mère, une femme hystérique et incontrôlable.
« Vous vous en souvenez ? Nous avons tous en tête l’image de Britney Spears se rasant la tête sous l’œil réjoui des caméras, ou celle de son départ en hôpital psychiatrique après s’être enfermée avec ses enfants dont elle n’avait pas la garde. Tout cela a été filmé et diffusé en direct à la télévision. »
Aujourd’hui, avec le recul, ces images ont un tout autre impact.
« C’est très culpabilisant de les revoir vingt ans après. On sait maintenant qu’elle souffrait de dépression post-partum et qu’elle était une maman en détresse, mais à l’époque, ces sujets étaient totalement invisibilisés. »
Une mise sous tutelle inhumaine
Quelques mois après son internement en 2008, Britney Spears est placée sous la tutelle de son père pour une durée de 13 ans. Ce régime drastique lui retire tout contrôle sur sa vie :
- elle ne peut pas gérer son argent,
- elle n’a pas le droit de choisir ses vêtements,
- elle ne peut ni voter, ni engager un avocat,
- elle ne peut pas se marier ni avoir d’enfants.
Et pourtant, malgré cette privation de liberté, on la force à continuer les tournées mondiales.
« Étrangement, beaucoup de ses chansons résonnent comme des cris à l’aide. Bien sûr, elles sont écrites par des producteurs, sans doute cyniques, mais cette ambivalence m’interpelle toujours. », confie Jeanne Burel.
En 2019, le mouvement #FreeBritney émerge sur les réseaux sociaux, dénonçant une tutelle abusive. Deux ans plus tard, face à la pression médiatique et populaire, la chanteuse est entendue par la justice et demande la fin de ce régime inhumain.
« Je ne suis pas heureuse, je ne dors pas, je suis en colère. Je travaille sept jours sur sept. En Californie, le seul équivalent, c’est la prostitution. », déclarera-t-elle.
Droguée au lithium, séquestrée, forcée à travailler et empêchée d’arrêter sa contraception pendant 13 ans, Britney Spears révèle au monde les effroyables abus qu’elle a subis.
« Ce qui est troublant, c’est de réaliser que nous avons tous, d’une certaine manière, participé à sa chute. N’importe qui aurait fini par craquer face à un tel harcèlement. C’est presque un miracle qu’elle ne se soit pas suicidée. »
Aujourd’hui, même libérée de sa tutelle, Britney Spears reste profondément marquée.
« Elle souffre de stress post-traumatique et aura des séquelles neurologiques et physiologiques à vie. Mais est-elle pour autant mieux considérée aujourd’hui ? Je ne crois pas. Elle est toujours perçue comme une folle, notamment à cause des vidéos qu’elle publie sur ses réseaux sociaux. »
Mais ces publications sont une tentative de reprendre le contrôle sur son image.
« Les médias et l’industrie musicale ont exploité sa nudité pendant des années. Désormais, elle se réapproprie son corps. »
Une misogynie toujours d’actualité
« On aurait réagi autrement si elle avait été un homme. Il n’y aurait pas eu de mise sous tutelle, c’est certain. Regardez Kanye West, qui souffre de bipolarité et qui multiplie les propos choquants en toute liberté. »
Ce que met en lumière Britney Sans Filtres, c’est qu’il n’existe pas de « bonne manière » d’être une femme. Britney Spears a été jugée pour son absence de contrôle sur sa vie, tandis que Taylor Swift est critiquée pour l’inverse, et que Miley Cyrus a dû batailler pour se détacher de son image de star Disney.
« Finalement, il n’y a pas de bonne façon d’être une femme… mais il y a mille manières d’échouer lorsqu’on en est une. »
La série Britney Sans Filtres est disponible gratuitement sur Arte. Le 23 mars à l’Auditorium des Champs Libres, la réalisatrice Jeanne Burel participera à une table ronde aux côtés de Louise Chennevières, autrice de Pour Britney, des chanteuses Yelle et Silly Boy Blue, ainsi que de la journaliste Florence Trédez et du psychiatre Jean-Victor Blanc, fondateurs du festival Pop et Psy. Champs Libres – 10 Cour des Alliés, 35000 Rennes Le 23 mars à 17h – Durée : 1h30