Dimanche 22 juin, 21h45, stade Roger-Salengro. Sur la pelouse synthétique du quartier Bréquigny à Rennes, l’affrontement sportif entre les équipes du Gabon et des Comores aurait dû être un moment de partage et d’exaltation. Mais dans les tribunes et aux abords du terrain, une tout autre tension couvait. Ce soir-là, la Coupe d’Afrique des Nations de Rennes, tournoi festif et symbolique des diasporas africaines, a basculé dans le chaos.
Un tournoi symbolique sous tension
Créée dans un esprit de convivialité et de représentation culturelle, la CAN de Rennes est devenue, au fil des éditions, un rendez-vous identitaire fort. Chaque été, elle réunit des équipes représentant les différents pays d’Afrique subsaharienne et de l’océan Indien, composées de joueurs amateurs, souvent issus des quartiers rennais ou des environs.
Mais derrière l’enthousiasme populaire, la ferveur communautaire n’est pas sans ambivalence. L’identification intense aux drapeaux, aux hymnes, aux rivalités transposées dans le microcosme rennais, peut parfois virer à l’exacerbation. Ce dimanche, cette frontière a été franchie.

Des cris à la rixe
Peu après la fin du match Gabon–Comores, les esprits s’échauffent. Difficile encore de déterminer ce qui, exactement, a mis le feu aux poudres : un geste sur le terrain ? Une provocation verbale ? Une tension héritée d’un précédent match ou de réseaux sociaux ? Toujours est-il qu’une altercation éclate, d’abord verbale, puis physique. Des groupes de partisans s’en prennent violemment les uns aux autres. L’ambiance devient explosive.
Les agents de sécurité, en nombre insuffisant, peinent à contenir la foule. Certains témoins parlent de jets de projectiles, de bouteilles en verre brandies, de joueurs contraints de fuir. Selon nos informations, les footballeurs gabonais, visiblement visés, se réfugient dans les vestiaires pour éviter l’affrontement direct.

La police appelée en renfort
Devant l’escalade, les forces de l’ordre sont dépêchées sur place. Leur présence permet de disperser les plus virulents et de calmer temporairement les esprits. Aucune blessure grave n’a été officiellement signalée, mais la violence de la scène a laissé un goût amer aux organisateurs comme aux spectateurs venus en famille.
Une enquête a été ouverte par la police de Rennes. Les agents cherchent à déterminer les responsabilités, à identifier les auteurs des violences et à comprendre si des tensions antérieures avaient été signalées ou minimisées.
Quand le sport communautaire révèle des lignes de fracture
Au-delà des faits eux-mêmes, l’incident interroge. Comment un tournoi censé célébrer les cultures, la jeunesse, le sport et la diaspora peut-il dégénérer en règlement de comptes ? Que dit cette flambée de colère sur les tensions latentes entre certaines communautés ? Et sur l’encadrement de ces manifestations sportives locales, souvent portées bénévolement, avec peu de moyens mais beaucoup de passion ?
La municipalité de Rennes, qui soutient le tournoi, pourrait être amenée à revoir les conditions d’organisation et de sécurisation de la compétition. Certaines voix, en coulisse, évoquent déjà un « tournant » dans la manière d’encadrer ces événements. D’autres appellent au contraire à ne pas stigmatiser des communautés entières pour les actes d’une minorité.
Un besoin de dialogue et de responsabilité
La CAN de Rennes n’est pas un fait divers. C’est un miroir. Celui d’une ville qui se rêve ouverte et métissée, mais qui doit encore apprendre à accompagner, dans le calme et l’écoute, les expressions identitaires de ses habitants. Le sport peut être un terrain de rencontre, mais aussi un théâtre de passions où se rejouent parfois des tensions venues d’ailleurs.
Reste à espérer que la prochaine édition ne verra pas les filets de but céder sous la colère, mais vibrer au rythme d’un football joyeux, festif et apaisé.