DELACROIX REVISITÉE PAR CATHERINE MEURISSE, DU GRAND ART

Eugène Delacroix fut l’un de plus grands peintres novateurs du 19 ème siècle. Catherine Meurisse nous invite à le redécouvrir en écoutant un conférencier de talent : Alexandre Dumas. Suivons le guide pour une visite distrayante et instructive.

MEURISSE BD 2019

Depuis l’attentat de Charlie, Catherine Meurisse, comme Luz, Riss ou Philippe Lançon a eu besoin de se reconstruire, de dépasser le traumatisme. Après le magnifique La légèreté (classé sixième des BD des années 2010 par les Inrocks), et l’autobiographique Les Grands Espaces, la dessinatrice revient avec ce Delacroix à ses premières amours : la peinture et la littérature. Signe de cette vie qui va mieux, elle reprend ici une première version de ce même ouvrage qu’elle réalisa en 2005 après sa sortie des Beaux-Arts. Elle peut désormais se taire et laisser sa place aux écrivains qu’elle chérit. Qui mieux en effet qu’Alexandre Dumas pour raconter ? L’auteur prolifique déclame ici, en 1864, un an après la mort d’Eugène Delacroix, les souvenirs partagés avec celui qui défraya la chronique par ses tableaux où la couleur prit, pour l’une des premières fois, le pas sur le dessin : la flamboyance du rouge et du vert de Delacroix contre le dessin de Ingres.

DELACROIX MEURISSE

Dumas signe du Dumas et on ne s’ennuie pas une seconde à la lecture de ce texte qui pourrait avoir été écrit cette année tant la modernité du style et les questionnements demeurent d’actualité. On l’imagine, l’auteur des Trois Mousquetaires, déclamer ses tirades sur son ami « coloriste », pour qui il tente de « donner par l’analyse de son tempérament, une idée des productions de ce grand peintre qui tient à la fois de Michel Ange et de Rubens, moins bon dessinateur que le premier, moins bon compositeur que le second, mais plus fantaisiste que l’un et l’autre ». Limpide, didactique mais amusant, Dumas alterne analyse artistique et anecdotes, propos sérieux et galéjades, une manière subtile et moderne de nous enseigner en nous distrayant.

DELACROIX MEURISSE DUMAS

On comprend aisément que Catherine Meurisse qui aime la compagnie des grands écrivains et des grands peintres se soit appropriée cette allocution qu’elle accompagne de saynètes narratives si proches de ses dessins dans l’hebdomadaire satirique. Ils sont bien là ces petits personnages à l’encre noire, facilement identifiables, ces silhouettes qui s’effraient devant la modernité de Delacroix ou se gaussent et obligent le peintre à conserver plusieurs années durant dans son atelier des chefs d’oeuvre comme La mort de Sardanapale ou L’exécution de Marino Faliero. Aussi, comme pour réparer cette injustice, Catherine Meurisse s’empare notamment de ces tableaux pour les revisiter à sa manière, une manière colorée, agressive de beauté, véritable allégorie ou l’oeuvre originale subsiste, reconnaissable mais avec une ampleur nouvelle. Dans La légèreté elle s’était placée dans l’oeuvre abstraite de Rothko. Cette fois-ci elle reste à l’extérieur du cadre, en spectatrice, actrice d’une nouvelle création dont elle ne craint plus rien mais qui lui apporte visiblement une forme de sérénité, elle qui depuis sa plus tendre enfance, fréquente les musées, heureuse d’observer l’art, ce « quelque chose qui fait vibrer le cœur, l’esprit » et dont elle dit que « c’est mon âme, mon carburant ».

delacroix meurisse

Libérée, l’auteure l’est assurément et n’hésite pas à exacerber des détails des peintures originales. Les peintures explosent et elle n’a plu à se protéger derrière un humour corrosif. Plus radicale que le « maître », les formes se dissolvent souvent derrière des taches de couleurs qui effacent toute trace de dessin. Même si le mot lui fait peur encore, Catherine Meurisse réalise dans cet ouvrage de magnifiques tableaux, ces surfaces planes qui procurent émotion et vibration.

Comme pour la rassurer, si nécessaire, le festival d’Angoulême proposera du 30 janvier au 2 février 2020 une rétrospective, Catherine Meurisse, chemin de traverse, à l’occasion de ses 15 ans de carrière. Peut-être une occasion de découvrir cette peinture qui éclabousse la couverture de cet ouvrage, un livre à classer dans les rayons « BD », « Beaux livres » ou « Histoire de l’art », un voisinage conforme à toute l’oeuvre d’une dessinatrice remarquable. qui popularise le Beau auprès du plus grand nombre.

Delacroix. Texte Alexandre Dumas. Dessin : Catherine Meurisse. Éditions Dargaud. 140 pages. 20€.

Exposition Delacroix de Catherine Meurisse du 13 décembre 2019 au 11 janvier 2020.

Galerie Barbier et Mathon

Du mardi au samedi de 14h à 19h30 ou sur rendez-vous
2 espaces d’expositions
10 rue Choron
75009 Paris
+33 6.80.06.29.95
Métro Notre Dame de Lorette
Entrée libre

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Eric Rubert
Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.

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