COMME UN ENFANT QUI JOUE TOUT SEUL, RAPHAËL OU L’APPEL DE L’OCÉAN

Réussir dans la vie, la belle affaire… Mais réussir SA vie, c’est le défi de l’existence aussi longue que brève soit-elle. Barnabé Raphaël occupe de hautes fonctions dans la capitale, toujours happé par diverses activités. En réalité, il y a longtemps qu’il s’est dispersé dans des futilités, perdant de vue l’essentiel, l’existentiel, le luxe des petits instants, des petits riens et une part de son humanité.

ALAIN CADEO

Ainsi, avec le temps et les années, il serait devenu une machine de guerre froide, un robot, dépouillé d’émotions seulement destiné à être efficient et rentable pour ses employeurs, indifférent à ceux qui l’entourent. Mais la nature peut aussi rappeler d’aucuns à l’ordre et son cœur lui signale qu’il ne sera pas éternel. La machine peut aussi se gripper et alors l’urgence de donner du sens surgit. Et les vaisseaux du cœur de hurler de concert que cela suffit !

À la suite de ce coup de semonce, Barnabé Raphaël décide de mettre les « voiles » parce qu’il a perçu l’appel de l’océan, comme un rappel à l’ordre, comme un besoin imminent et brûlant d’un retour aux sources (on ne peut nier comprendre un retour à la matrice amniotique, celle source de vie). D’où cela vient-il ? Il y a parfois des choses que l’on n’explique pas, que l’on ne s’explique pas. Même quand ses plus proches ne sont plus, on ressent le besoin de retourner sur leurs traces pour les appréhender de nouveau. Et ce n’est pas, selon la plume d’Alain Cadéo, une réaction passéiste, c’est une manière de mieux se découvrir, mieux se comprendre et… peut-être de mieux dessiner le présent, l’avenir, le temps qui reste… Savoir adopter d’autres points de vue peut rendre plus fort, plus tendre aussi, plus humain surtout.

Au volant de sa bonne vieille automobile qui feule, qui sent bon le cuir, ce jeune quadra prend la tangente, va aspirer l’asphalte et va tracer son propre sillon en épousant les petites routes de France pour gagner la côte sud-ouest et retrouver l’océan de son enfance, quand il jouait tout seul… Les rencontres vont se multiplier au cours de ce road-trip et les personnes avec lesquelles il va échanger ne manqueront pas de relief, de charisme, simples mais toujours empreintes d’une grande humanité. Et n’oublieront pas de l’aider à trouver son chemin personnel, philosophique voire spirituel, le tout dans une poésie des mots comme Cadéo sait les employer à bon escient. Et Barnabé Raphaël aussi de redécouvrir le plaisir des sens…

Ailleurs, il y a Éléna, la belle Éléna, maman d’un petit Lorenzo, qui a vécu des choses lourdes, qui est passée par nombre d’épreuves et qui, aujourd’hui, tente de garder la tête haute, tout en silence, entourée par quelques femmes de sa famille. Éléna vit, elle, au bord de l’océan, dans une sorte d’auberge espagnole, de celle qu’on aimerait tant pouvoir dénicher pour s’y réfugier et s’y re-construire. Et ces femmes mises en scène par l’écrivain valent non un détour mais un séjour. Elles présentent toutes un caractère trempé et savent faire tourner leur monde, surtout les hommes, pauvres types restés enfants qui ne seraient rien sans elles. Car les femmes nous ouvrent les yeux comme elles nous les ferment.

Et si ces deux « cabossés » de la vie se rencontraient un jour ? Pourquoi pas, tout est envisageable dans un roman qui a le goût du sel comme des embruns. Qui a la force d’inertie de ces rouleaux que l’on peut côtoyer sur les côtes landaises. Et si en fait ils étaient liés Eléna et Barnabé ? Et si et si ? On peut tout piocher dans ce nouveau roman très fort d’Alain Cadéo. Difficile selon les pages de le ranger dans une catégorie. Ce qui serait risqué et trop facile. Cadéo est plus subtil que cela… Ce livre est UN roman mais aussi un conte philosophique, un essai sur le sens de l’existence qui met les sentiments, le désir, la puissance de la transmission en filigrane à chaque page.
Comme un enfant qui joue tout seul, se lit, mais surtout, se relit, et se relit et se relit et se relit… Avec bonheur !

Comme un enfant qui joue tout seul… d’Alain Cadéo– Éditions La Trace – 200 pages. Parution : 15 mars 2019. Prix : 18,00 €.

Couverture : Ed La Trace – Photo auteur Alain CADEO © DR

Retrouvez la chronique du précédent livre d’Alain Cadéo Des mots de contrebande.

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Christophe Maris
Christophe Maris est journaliste et écrivain, agrégé de Lettres modernes. Il collabore à plusieurs émissions de TV et radio et conçoit des magazines pour l'enseignement où il a oeuvré une quinzaine d'années en qualité de professeur de lettres, d'histoire et de communication.

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