Après nous avoir enchanté lors de ses différentes interventions en dirigeant les chœurs de l’opéra de Rennes, Gildas Pungier, nous a invités à un voyage plus intimiste. C’est cette fois le trio composé par Robert Schumann, Clara Schumann et Johannes Brahms qui sera mis en scène, au travers de la lecture de lettres profondément touchantes de délicatesse, de respect et emplies de déclarations amoureuses enflammées. C’est sans équivoque à travers une manifestation des plus élaborées de l’art épistolaire que nous venons d’aborder aux rives du romantisme absolu.
Tel un chef de cuisine étoilé rassemblant les meilleurs ingrédients pour élaborer un plat irréprochable, Gildas Pungier a su s’entourer d’intervenants remarquables et qui méritent tous d’être cités. Courtoisie oblige, c’est l’excellente pianiste Domitille Bés qui sera l’objet de nos premières louanges. Elle a su, tout au long de la soirée distiller des notes feutrées ou enflammées avec une véritable compréhension de la musique de Schumann ou de Brahms. Loin des effets immédiatement séduisants comme sait en produire le passionné Frédéric Chopin elle détache ses notes avec précision, nous invitant à entrer dans une réflexion pas exempte de rêverie. Elle sait avec une très féminine intuition inciter le public à s’abandonner à des mélodies complexes, mais évocatrices.
Lorsqu’elle nous abandonne pour quelques instants de silence si nécessaire, c’est le récitant Jean-Michel Fournereau qui reprend le témoin, et se livre à une lecture pleine de passion de lettres échangées par le jeune Brahms et Clara Schumann, pendant la période d’internement de Robert à partir de 1854. Ce n’est pas vraiment un étranger que ce chanteur-comédien et metteur en scène de talent puisque les amateurs d’opéra se souviennent de son intervention lors de L’Enlèvement au sérail dans cette même salle. Il captivera le public, à ne pas dire le subjuguera, avec une diction pleine de force et de conviction digne d’un grand tragédien.
La barre ayant été placée si haut, le groupe de 12 chanteurs formant l’ensemble Mélisme(s), n’avait guère d’autre choix que celui de l’excellence. Défi qui fut relevé comme si cette gageure était de peu d’importance et que le plus haut niveau tombait sous le sens. Composé de quatre pupitres il nous a paru juste de les citer tous. Les sopranos : Sylvie Becdelièvre, Louise Moissonnié, Marie Roullon. Les altos : Clémence Jeanson, Gwénola Maheux, Christine Monimart. Les ténors : Jérome Desprez, Emmanuel Lanièce et bien sûr Marlon Soufflet aperçu plusieurs fois dans des rôles d’opéra. Et enfin les basses : Jérome Ballereau, Stéphan Boury, Julien Reynaud. Souvent noyés dans la masse des choristes ce sera pour nous l’occasion de les remercier de leur très bon travail et de leur offrir quelques minutes d’une modeste célébrité, comme le prophétisait Andy dans les années 60.
L’ensemble de chambre Mélisme(s), créé en 2003 se consacre tant à la musique romantique Allemande, qu’à la survivance de musiques bretonnes comme en produisaient Ropartz, Ladmirault ou Le Flem. Sa qualité reconnue lui vaut d’évoluer fréquemment avec l’ensemble Matheus de Jean Christophe Spinosi dont les performances sont d’un haut niveau. Si vous ne connaissez pas ces ensembles, ne manquez pas dans un proche avenir, le très beau Requiem de Gabriel Fauré qui sera donné à Rennes. Il n’y a pas de meilleur moyen d’approcher ces belles formations bretonnes. Afin de n’être pas injuste, un des techniciens rennais se doit de recevoir nos félicitations. L’éclairagiste présent à la régie, par ses fondus enchaînés subtils et de simples changements de couleur du fond de scène a contribué à l’atmosphère particulière et sensible de ce concert.
Utilisant avec adresse les ressources locales, Alain Surrans, directeur de notre opéra, a mis en valeur ces remarquables musiciens et nous a offert ce qui sera sans doute le plus subtil des spectacles de cette saison 2015-2016. Une fois de plus, magnifique travail de Gildas Pungier… mais ne le chantons pas trop fort de peur d’attirer des convoitises !
Un Trio romantique par l’Ensemble vocal Mélisme(s) Opéra de Rennes le 2 mars 2016
Programme :
Johannes Brahms Liebeslieder op 52, Zigeunerlieder op 103, quatuor op 64, quatuor O schöne Nacht op 92, Gesang aus Fingal op 17, variations op 9, 4e ballade op 10
Clara Schumann variations op 20, Romance en la mineur
Robert Schumann Geistervariationen Wo O 24, Der rose Pilgerfahrt, L’oiseau prophète
Effectif :
Jean-Michel Fournereau (récitant)
chœur à chanteurs
Domitille Bès (piano)
Gildas Pungier (direction)