Dépouillez-vous de toute votre matérialité, de votre point de vue occidental, de tous vos principes et suivez Bérengère Cournut vers Nuna, le territoire du peuple inuit. Acceptez de vous retrouver en un temps et un lieu où les hommes et les animaux partageaient le même langage, le même mode de vie. Partagez l’errance au coeur de l’espace arctique d’ Uqsuralik, à partir du jour où elle devint une femme, séparée de sa famille.
Terrassée par un terrible mal de ventre qui marque l’annonce de sa féminité, Uqsuralik sort de l’igloo familial. La banquise se fracture, isolant l’adolescente de sa famille. Seule, avec simplement une peau d’ours, un harpon brisé et une amulette, lancés à la dernière minute par son père, elle doit avancer à la rencontre d’autres hommes pour survivre.
Rejointe par son fidèle chien de traîneau, elle croise finalement trois familles avec lesquelles elle va vivre et chasser. Mais celui qu’on surnomme Le Vieux est un mauvais chasseur, jaloux de tous ceux qui le dépassent. Si elle trouve l’amour avec son fils, Tulukaraq, elle découvre aussi la puissance des maléfices.
En lançant un jour un esprit maléfique aux trousses de Tulukaraq, le Vieux n’a pas seulement tué son fils, il a empoisonné mon existence.
Enceinte, Uqsuralik reprend l’errance pour trouver d’autres familles. Elle trouve refuge dans la maison de tourbe de son oncle. La vieille Sauniq la protège et l’aide à accoucher de Hila. À la naissance, les anciens proposent des noms aux bébés jusqu’à tomber sur celui du défunt réincarné. Tout être qui naît est en fait un défunt qui revient parmi les siens.
Le temps se découpe en lunes, le rythme suit les périodes de chasse dans les eaux puis sur les terres. Les familles connaissent souvent des périodes de famine où il ne reste qu’à mâcher de vieilles peaux pour tromper la faim. Dans des conditions extrêmes, sur un territoire qui se meut au gré des courants, la chasse est essentielle. La viande et le sang nourrissent, les peaux deviennent vêtements cousus avec les tendons des bêtes.
L’espace se visualise en monde, monde aérien et sous-marin, sans oublier celui des esprits. La vie suit les rites et les superstitions. Uqsuralik fraie avec les esprits. Cette femme de pierre a le caractère d’un ours et un nom d’hermine. Elle est ce territoire. Se confiant au géant de dessous les pierres ou à l’homme lumière, elle a un désir ardent de vie et de mettre au monde. En couple avec Naja, un chamane venu d’un territoire lointain qui a sauvé sa fille, Uqsuralik donne naissance à des jumeaux. La vie se perpétue dans un cycle éternel.
Bérengère Cournut calque sa langue et le rythme de son récit sur les chants des Inuits qui ponctuent le roman. C’est un mode d’expression d’une grande simplicité qui, en rendant hommage à la sensibilité d’un peuple, permet de connaître leur parcours de vie.
Loin des difficultés actuelles que peuvent connaître les populations de l’Arctique, De pierre et d’os se veut un hymne à la vie et offre une autre vision du monde. Un monde qui ne se résume pas à notre petite personne mais qui plonge notre identité dans un espace bien plus vaste, défiant aujourd’hui notre intelligence et notre sensibilité.
Ce roman est une formidable odyssée, remarquablement documentée qui, d’une langue poétique et douce, invite le lecteur à plonger dans la culture millénaire d’un peuple respectueux d’une nature qui les malmène et les sauve.
Accueillie un an en résidence au sein des bibliothèques du Muséum national d’histoire naturelle à Paris, travaillant notamment sur les archives de Paul-Émile Victor, Bérengère Cournut crée une fiction autour du destin lumineux de cette femme devenue chamane. En nous faisant partager les conditions extrêmes de vie d’un peuple, en lien obligé avec son territoire, l’auteure fait prendre conscience au lecteur du lien essentiel avec la nature.
De pierre et d’os de Bérengère Cournut, Le Tripode, 29 août 2019, 219 pages, Prix : 19 euros, ISBN : 9782370552129
Bérengère Cournut, née en 1979, a grandi en région parisienne. Ses premiers livres (romans, recueils de contes, plaquettes de poésie) sont empreints d’onirisme. La rencontre avec les cultures amérindiennes, lors de plusieurs séjours dans l’Ouest américain a provoqué un déclic dans son écriture. Son roman sur les Hopis d’Arizona, Née contente à Oraibi (Le Tripode, 2017) initie un nouveau regard sur les lieux qu’elle habite. est un nouvel opus sur la découverte de cultures lointaines.
Qu’est-ce qui pousse cette jeune auteure qui a grandi à Paris et vit actuellement à Besançon à explorer des territoires lointains ?
Ses premiers livres, romans, contes et poèmes sont empreints d’onirisme. C’est lors d’un voyage dans l’Ouest américain qu’elle découvre les cultures amérindiennes. Son premier grand roman sur les Hopis d’Arizona marque son immersion dans le réel et initie son envie de découverte.
Pourtant, l’Arctique, l’auteure n’y est jamais allée. Elle a effectué en 2017-2018 une résidence de dix mois au sein des bibliothèques du Muséum national d’Histoire naturelle. Grâce aux ouvrages du fonds polaire et du fonds d’archives de Paul-Emile Victor, Bérengère Cournut se plonge dans la culture et les traditions des Inuits. Ses rencontres avec Bernadette Robbe et Joëlle Robert-Lamblin, deux femmes ethnologues qui ont consacré leur vie professionnelle aux Inuits, donnent du concret et de l’émotion à l’histoire de son personnage, une jeune femme livrée à elle-même dans le froid polaire.
L’onirisme, la féminité et la poésie restent fortement présents grâce au chamanisme, à la puissance des femmes inuits et aux chants poétiques qui jalonnent le récit.
Territoires lointains ou proximité géographique, Bérengère Cournut cherche la relation profonde qui existe entre un individu et le paysage qui l’entoure.
Bérengère Cournut vient à votre rencontre dans quelques librairies bretonnes. Ne ratez pas cette occasion unique de voyager vers des territoires lointains.
Voici quelques dates prévues :
– 12 novembre : Librairie le Marque page, Quintin (22) 20h
– 13 novembre : Librairie Mots et Images, Guingamp (22) 18h
– 14 novembre : Librairie et Curiosités, Quimper (29) 18h
– 15 novembre : Librairie Le Silence de la mer, Vannes (56) 18h
Bonsoir, j’ai tout aimé dans ce roman : l’écriture, les poèmes, les photos à la fin. Une lecture qui m’a très agréablement surprise. Bonne soirée.