ECOSIA ET LES MOTEURS DE RECHERCHES VERTS, UN PARADOXE ?

Ecosia fait partie, depuis sa création en 2009 à Berlin par Christian Kroll, de la famille des moteurs de recherche – voire des « méta-moteurs » – qui se veulent écolos. Le concept est assez simple : l’utilisateur tape sa requête sur le moteur de recherche Ecosia et continue de surfer normalement sur le web. Pendant ce temps-là, le moteur « plante des arbres ». Mais à l’heure où l’activité numérique est de plus en plus énergivore, et donc polluante, de telles initiatives peuvent-elles pallier ce problème écologique majeur ?

ECOSIAL’ère de la dématérialisation des données ne rime définitivement pas avec consommation plus propre. Cependant, lorsque l’on se penche sur la pollution générée par l’activité numérique, il ne vient pas forcément à l’idée que toutes les recherches effectuées sur le web y participent grandement. Et pourtant, le premier moteur de recherche dans le monde, Google, a engendré près de 7 tonnes de CO2 par jour en 2016 du fait de ses 5,5 milliards de requêtes reçues quotidiennement. La cause est simple : chaque recherche effectuée sur le web consiste en une transmission mutuelle d’informations. Ces dernières, loin de tomber du ciel, sont en fait stockées dans des data-centers, des installations géantes entièrement dédiées à la conservation de données numériques. Ces infrastructures, très sollicitées au quotidien, consomment beaucoup d’électricité pour fonctionner correctement, notamment pour éviter la surchauffe ; elles donc rejettent énormément de CO2 polluant. Aussi, depuis une dizaine d’années déjà, des projets tels qu’Ecosia fleurissent et se proposent d’agir pour rendre la recherche sur Internet totalement… verte.

Ecosia, un moteur de recherche pas comme les autres ?

moteur ECOSIAEn principe, Ecosia fonctionne comme n’importe quel autre moteur de recherche classique. Juste une barre dans laquelle l’internaute tape une requête pour obtenir des résultats classés selon un certain ordre. D’ailleurs, en tant que méta-moteur, Ecosia s’appuie sur les bases de données d’autres moteurs classiques tels que Bing et Yahoo!. Difficile donc de comprendre comment il entend changer la donne des problèmes de pollution alors qu’il fonctionne quasiment de la même manière qu’un géant de la recherche internet… Mais là où ce méta-moteur fait la différence, c’est qu’il est développé par une « entreprise à vocation sociale ». Une partie des revenus engendrés par Ecosia est donc dédiée au soutien de projets de développement durable. Ces revenus sont générés grâce à la publicité et à certains partenariats. À chaque clic ou achat effectué via ce méta-moteur, Bing et Yahoo ! reçoivent une certaine somme qu’ils reversent à Ecosia. L’entreprise la réinvestit à la fois dans son propre fonctionnement, dans différentes associations de reforestation à travers le monde, et dans la compensation carbone.

Réduire à zéro sa consommation carbone, une utopie ?

ECOSIA Le choix d’œuvrer à la reforestation de certaines zones de la planète pour lutter contre la pollution causée par l’activité numérique est, en théorie, une très bonne idée. En effet, selon ecosia.org :

Planter un arbre permet à la fois de lutter contre le changement climatique, de relancer le cycle de l’eau, de transformer les déserts en forêts fertiles et de favoriser la nutrition, l’emploi, l’éducation, l’aide médicale et la stabilité politique et économique ». Un remède miracle en somme. Cependant, tout n’est pas aussi simple que cela. Ecosia mise en grande partie sur les arbres pour son projet d’un Internet propre, car ces derniers absorbent le CO2 contenu dans l’air qui les entoure. L’idée de base est donc de planter le plus d’arbres possible, de reboiser la planète, pour venir compenser, à terme, la pollution liée au numérique. La démarche d’Ecosia peut donc littéralement se traduire par « consommer aujourd’hui et ne rembourser que demain.

ECOSIA
Village burkinabé de Lilengo avant après financement Ecosia

Car la pousse d’un arbre ne se fait pas en une nuit, mais prend du temps. Avant que ce dernier arrive à maturation, il ne capte pas assez de CO2. Ecosia n’a donc jamais, dans l’immédiat, réduit la consommation de carbone de ses utilisateurs à zéro. Cela est tout simplement impossible. Ce projet vise plutôt le long terme puisqu’il mise tout sur les futurs bienfaits d’actions entreprises aujourd’hui. Et avec “5,5 millions d’utilisateurs actifs”, “3,6 millions d’euros investis”, et “6, 8 millions d’arbres plantés”, l’entreprise prospère et entreprend des actions qui auront un jour leur impact, peu importe à quelle échelle.

ECOSIA
Ratio population mondiale-internautes 2017

Finalement, le moteur Ecosia se porte garant d’un projet assez ambitieux, qui sur le papier semble bon. Il s’agit d’utiliser 80 % de ses revenus – non pas de son chiffre d’affaires – dans des projets de reforestation de la planète. L’entreprise choisit minutieusement les zones du globe sur lesquelles intervenir. Le but est de soulager tant la nature que les habitants qui en sont dépendants. Autre point positif pour l’entreprise : elle fonctionne en totale transparence avec les utilisateurs du moteur de recherche puisqu’elle publie mensuellement des rapports sur ses revenus et ses investissements.

Cependant, là où Ecosia botte en touche, c’est au niveau de la sensibilisation de son public au problème de la pollution liée à l’activité numérique. En proposant une compensation de la consommation carbone de ses utilisateurs, le moteur de recherche Ecosia ne se contente que de contourner le problème. En aucun cas, elle ne propose des solutions effectives pour réduire dans l’immédiat cette consommation (par exemple, mémoriser directement l’adresse d’un site ou l’ajouter à ses favoris afin de limiter les requêtes et ainsi diviser ses émissions de carbone). Au final, ne serait-il pas plus efficace de changer nos habitudes sur le web, plutôt que de se déculpabiliser en se disant que l’on peut compenser sa consommation par le biais d’une bonne action ?

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Naomie Retailleau
Etudiante en Master Métiers de l'information et médias numériques, Naomie Retailleau réalise son stage en journalisme à Unidivers.

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