Eliphen Jean écrit depuis longtemps pour voyager à travers le temps, à travers l’espace sans frontière de l’imaginaire. L’auteur haïtien s’invente et apprend la liberté entre les lignes de ses cahiers d’écolier, les premières ruelles de son enfance. À 27 ans, il découvre qu’il peut aussi voyager loin de Cap-Haïtien grâce à son écriture, pour partager avec de nouveaux lecteurs son amour de la langue française. Bienvenue en Bretagne.
C’est en Bretagne, aux portes de l’Europe, que s’ouvrent pour ce talent prometteur de nouveaux chemins à explorer. En septembre prochain, l’un de ses textes sera édité pour la première fois de ce côté-ci de l’océan, dans la revue Bouts du monde.
Accueilli par l’association Rhizomes à Douarnenez pour sa toute première résidence d’écrivain, Eliphen Jean a sillonné pendant deux mois Armor et Argoat pour dire ses textes et raconter son île meurtrie, pétrie d’espérance et de poésie : Haïti. Sur ce petit bout de terre chargée d’histoire qui a vu naître tant de grands noms de la littérature francophone, Eliphen Jean incarne dans la force de ses mots, dans le tumulte de ses rêves, la conscience aiguë que nous sommes tous les dépositaires d’un pouvoir sans limites, d’un désir inaliénable, celui de changer le monde pour que les continents tiennent ensemble.
Avant de répondre à l’invitation de Caroline Troin, créatrice de Rhizomes, Eliphen Jean n’a que l’expérience d’un unique séjour loin de Haïti : une dizaine de jours de formation à Dakar qu’il décroche en décembre 2015 grâce à Mondoblog, une initiative de Radio France International visant à encourager et à promouvoir la publication en ligne de billets en langue française, l’échange entre blogueurs du monde entier et leurs lecteurs.
C’est à Dakar que j’ai eu la chance de rencontrer Eliphen Jean et de repérer son talent, son originalité, sa détermination, parmi 75 auteurs en herbe ou chevronnés qui auraient pu tout autant retenir mon attention. J’ignore alors que nos échanges informels pourront trouver une suite en Bretagne. Je sais déjà qu’Eliphen a tout d’un grand, à commencer par l’humilité de celui qui n’oublie pas d’où il vient. Comme habité par un génie aussi bienveillant qu’exigeant, l’adolescent devenu adulte voyage avec une conviction chevillée au corps : de la portée de sa parole, de ses textes, dépend celle des sans voix.
Il ne manque rien à Eliphen Jean, à cette vie chevauchée à la lumière des livres des bibliothèques-cimetières où l’écolier s’est entiché de la grammaire française, de la musique des mots, autant que de l’esprit vivant d’un Victor Hugo, Chateaubriand, Lamartine et tant d’autres. Écrire, c’est s’inscrire à l’écoute du présent dans l’éternité, se découvrir un don d’ubiquité. “Si je suis lu dans 50 pays, explique Eliphen aux collégiens et lycéens qui l’accueillent, c’est comme si je pouvais être en même temps dans ces 50 pays”.
Deux mois après notre rencontre à Dakar, son premier recueil de poèmes est édité par les Éditions JEBCA aux USA. Transes est son premier visa pour franchir une nouvelle étape, construire à pas de vague sa notoriété d’auteur, se frotter au quotidien de l’écrivain en résidence à l’étranger. Il ne manque plus que le coup de pouce qui tombe à pic pour l’aider à pousser les portes, à passer les frontières, à financer ses nombreux projets, dont l’organisation à Cap-Haïtien d’un événement littéraire dédié à la jeunesse.
D’avril à fin juin 2017, Eliphen Jean ne compte plus les interventions de toute nature en Finistère, Côtes-d’Armor et Morbihan. Il écume avec Rhizomes les librairies, les établissements scolaires, les maisons de retraite, anime un atelier d’écriture avec des prisonniers à la Maison d’arrêt de Brest, avant de découvrir Étonnants Voyageurs à St-Malo, avec gourmandise, étonnement bien sûr, sans compter l’immense plaisir d’y rencontrer parmi les habitués certains de ses amis poètes haïtiens et de ramener dans ses bagages une photo souvenir avec Dany Laferrière, premier écrivain haïtien à intégrer l’Académie Française.
La dernière escale bretonne d’Eliphen Jean s’est faite sur l’île de Groix, à l’invitation du FIFIG (Festival international du film insulaire de Groix) qui vient d’annoncer sa programmation 2017 autour justement des Caraïbes en mettant à l’honneur les petites Antilles. De retour à Haïti, l’auteur en résidence aura bientôt sous les yeux les textes écrits pour lui par des élèves du Collège Jean Moulin de Locminé, chargés d’émotion et de reconnaissance comme celui envoyé par Lénaïck Gilbert, 6e Belle-Ile, après avoir rajouté au bas de sa feuille : encore et encore merciiii :)) :)) :))
« Ile de la Réunion – Cette île me manque, ma famille aussi, ses paysages, ses pentes, ce soleil qui reflète cette mer sublime et ses fleurs à l’odeur magique. Il n’y a pas de mots pour décrire mon île bien-aimée. C’est un petit grain de beauté, un bout de terre perdu au milieu de l’océan, une île qui frissonne quelque part dans ce monde. Bercée par les flots dans sa tenue d’été, une île se bronze même durant l’hiver, mais elle chante aussi l’espoir et la misère sous la tôle ondulée à l’ombre des palmiers. Île de la Réunion, mon pays vu d’avion n’est rien qu’un tableau accroché à mon mur. »
Pour lire Eliphen Jean, Unidivers vous invite à découvrir son blog Regard pluriel, à suivre son actualité avec la parution prochaine de deux nouveaux projets d’écriture auxquels il a travaillé en Bretagne : Le ferroviaire et Ma grand-mère est morte noyée dans sa cafetière, ou à guetter la sortie de la revue de septembre des éditions du Bouts du monde qu’Eliphen Jean a pu rencontrer à Étonnants voyageurs.
Flashback sur la rencontre à Dakar à l’origine du séjour d’Eliphen Jean en Bretagne