Après le scandale créé par le blocage des pubs par Free (voir notre article), voilà que des sites internet avertissent leurs utilisateurs des conséquences de l’utilisation d’AdBlockPlus, le logiciel antipublicité le plus prisé du marché… La publicité a-t-elle un avenir sur le Net ?
Des sites français de la High-Tech
Cette fois l’argument de la neutralité du net ne peut plus tenir ! Il s’agit d’un débat économique relatif au financement des sites internet gratuits. Dans le domaine informatique, PCInpact et Hardware.fr ont écrit de longs articles expliquant les enjeux. Le filtrage antipub atteindrait près de 40 % de leur trafic web. Encore faut-il préciser que ces deux sites sont accolés à un comparateur de prix et qu’Hardware.fr appartient au revendeur informatique LDLC. PCInpact est dans le rouge depuis 4 ans tandis qu’Hardware n’a pas encore de souci financier, étant par ailleurs le doyen des sites français de ce secteur et avec l’un des plus gros forums français.
AdBlock Plus, c’est quoi?
AdblockPlus est une application que l’on ajoute aux navigateurs internet (chrome, opéra, firefox par exemple) mais aussi aux smartphones. Elle bloque des éléments dans le code de la page lue pour éviter l’utilisation de la bande passante. Sise en Allemagne, cette société s’appuie sur un système de listes de sites, balises et de scripts malveillants à bloquer. L’utilisateur peut ajouter des filtrages ou bien autoriser au cas par cas des publicités pour un site en particulier. Mais le plus souvent, l’utilisateur va laisser Adblock Plus gérer son filtrage et bloquera tous les sites sans distinction.
Des dérives condamnables
Pour qui fréquente les sites d’actualités des journaux français comme le Figaro, Le Nouvel Observateur, le Parisien ou encore 20 Minutes, il n’aura pas été difficile de remarquer des ralentissements, des publicités à profusion, des bannières en surnombre. Immédiatement, AdBlockPlus apparaîtra comme une solution à cette débauche d’annonces. De fait, PCInpact a mesuré jusqu’à 40 outils de tracking (pistage de l’internaute) sur ces sites. Ces abus ne sont pas directement liés à une politique publicitaire du journal qui sous-traite à des régies publicitaires. Pourtant, les sites doivent rester responsables des zones qu’ils délèguent à la gestion de ces régies et penser à la qualité d’utilisation de leur site. Ce que nos sites high-tech regrettent, c’est justement que le mauvais comportement de certains rejaillisse sur les autres et condamne leur modèle économique fondé sur la monétisation par la publicité.
Google contre Adblock
Google possède une régie publicitaire baptisée Adsense. De la même manière, Facebook et Yahoo ont la leur. Les trois voient d’un mauvais œil la prolifération d’AdBlock. Récemment, l’application pour les smartphones sous Android (donc Google) a été tout simplement supprimée. Raison invoquée : un accès à des ressources non autorisées du téléphone. Aussi n’est-elle plus disponible qu’en téléchargement sur le site de l’éditeur. Certains y ont vu une volonté de rétention plus que de blocage pur et simple…
Deux visions d’Internet
Derrière ce simple problème de la publicité, c’est toute une vision de l’économie numérique qui est remise en cause. Au début d’internet, tout était gratuit et la publicité n’était pas encore bien présente. Avec le développement de l’aspect commercial du réseau, la possibilité de concevoir des pages plus sophistiquées, la monétisation est apparue. Chaque clic est devenu une valeur marchande. Des outils sont présents sur les sites pour analyser le comportement de l’internaute. Les recherches internet et les sites visités par une personne sont enregistrés, stockées et revendues. Face à cette vision mercantile, d’autres propositions existent comme le mécénat, le travail en communauté et en partage. Wikipedia en fut longtemps un des exemples avant de faire face à des problèmes financiers, le ratio entre rentrées d’argent et coût du service étant déséquilibré. La monétisation comme source unique de revenus est autant un leurre que le seul mécénat. Existe-t-il une troisième voie à construire ?
La publicité a-t-elle un avenir ?
La publicité devient omniprésente aussi dans les applications et jeux pour consoles et smartphones. Selon les éditeurs qui fournissent des jeux gratuitement (free to play) ce serait une des voies d’avenir mais avec, le malheureux corollaire d’une profusion de publicité. Pourtant, des filtres ne tarderont pas à se développer également sur les consoles et ordinateurs pour limiter cette intrusion, quand bien même les éditeurs, qui en font un passage sine qua non n’hésiteront certainement pas à les verrouiller. Les films hollywoodiens sont aussi devenus des médias de diffusion de publicité avec le placement produit (voitures, téléphones, ordinateurs, etc.) au point d’en devenir caricaturaux. L’utilisateur continue-t-il à regarder ces messages lorsqu’ils deviennent systématiques ? Ne deviennent-ils pas contre-productifs? Les analyses de comportement se contredisent sur ce sujet.
La culpabilisation est-elle une solution ?
La menace de priver l’utilisateur de son site préféré à cause de son comportement n’est certainement pas une bonne solution. Quand le groupe Metallica avait pointé du doigt les pirates à l’époque de Napster, son image en avait pâti. La fuite en avant de la publicité ne date pas d’hier, mais elle ne semble pas avoir fait réagir à temps les différents acteurs. Les internautes et les sites se devraient de réfléchir collectivement à une solution d’avenir qui soit enfin satisfaisante pour tous.