En 2013, Unidivers publiait un article intitulé « Homosexuels nazis et gay arian, l’homofascisme, une vision esthétique ? » (Unidivers, 18 juin 2013). J’y montrais combien certains discours d’extrême droite avaient, au fil du temps, cherché à réinvestir une imagerie homoérotique ou masculine afin de la mettre au service de projets politiques autoritaires. Cet éclairage historique sur l’ambivalence des rapports entre homosexualité et extrême droite conserve sa pertinence particulière. Depuis quelques temps, deux collectifs français, Némésis et Éros, reprennent en effet cette logique d’appropriation des codes LGBTQI+ ou féministes pour promouvoir un agenda identitaire et nationaliste.

Collectif Némésis
- Fondation et idéologie
Créé en 2019, le collectif se revendique féministe et identitaire d’extrême droite, avec un discours franchement xénophobe, islamophobe, antiféministe intersectionnel et anti-transidentité. - Discours et revendications
Le collectif revendique notamment que « l’immigration est un problème pour les femmes » et affirme que les agressions viendraient majoritairement d’« hommes d’origine étrangère » - Actions spectaculaires
Des militantes ont infiltré des mobilisations féministes, comme la marche #NousToutes en 2019, en brandissant des pancartes ciblant les étrangers — une intrusion médiatique exprimée comme une stratégie de communication calculée.
Le Monde note des actions provocatrices à Besançon ou Paris, comme des banderoles hostiles aux immigrés associant immigration et violences sexuelles. - Présence médiatique et soutien politique
Bien que numériquement marginales (quelques centaines), leurs actions sont très relayées à travers des soutiens médiatiques et politique —, dont des personnalités du RN ou de Reconquête !
Alice Cordier, pseudonyme de la présidente, se présente comme féministe identitaire et exprime des positions conservatrices sur l’IVG, la contraception ou la complémentarité des sexes.
Voir l’article wikipédia qui est documenté

Collectif Éros
- Origine et positionnement explicite
Fondé en juin 2024 par Yohan Pawer, Éros se décrit comme une « association de lutte contre les dérives LGBTQIA+ et la cancel culture », revendiquant la « préservation de nos traditions et de nos valeurs occidentales » Le fondateur se présente comme « gay patriote », et cible l’immigration et l’islam comme responsables des dérives. - Tentative d’infiltration de la Pride (2025)
En juin 2025, Yohan Pawer a exprimé publiquement l’intention d’inclure Éros à la Marche des fiertés de Paris ; ce qui a immédiatement suscité une forte opposition. Sur le site du collectif, les responsables désignés sont « l’immigration massive très souvent homophobe et l’islamisation de notre pays » - Réactions publiques
Plusieurs personnalités et associations LGBTQI+, dont Virginie Despentes, Anna Mouglalis ou Ian Brossat, ont dénoncé cette tentative dans une tribune, estimant que laisser entrer un groupe identitaire à la Pride serait un renoncement déplorable.
L’histoire récente montre que les symboles d’émancipation peuvent devenir des leviers pour des discours introvertis et réactionnaires. Les collectifs Némésis et Éros, à travers des opérations symboliques et médiatiques, illustrent comment la cause féministe ou LGBTQI+ peut servir de façades à des projets identitaires en écho aux dynamiques explorées dans notre article de 2013.
