Coup de cœur pour La Calanque de L’aviateur, roman qui nous change dans son déroulé de bien des livres que l’on trouve sur les étals en cette rentrée littéraire.
Pourquoi ? Parce que le projet littéraire d’Annabelle Combes épouse la forme totalement poétique pour visiter ou revisiter des thématiques connues et parfois vécues par d’autres, mais d’une manière particulièrement singulière : l’auteure nous prouve comment la force du Verbe peut parfois changer bien des choses, bien des trajectoires de vie. Si les mots quelquefois séparent, souvent ils rassemblent. Et si certains mots sont compliqués à formuler, les mots posés dans des livres, éparpillés sur quelques pages, peuvent revêtir une force insoupçonnable.
Leena, jeune femme sortie de nulle part, débarque un beau jour dans un petit village presque oublié du Cotentin, au bord de l’eau, face à la Manche. Personne ne la connaît, ne sait qui elle est. Mais, Leena, personnage mutique a décidé de poser ses quelques bagages, son passé, son présent, ses douleurs, ses souvenirs, ses secrets ici-bas, en reprenant une ancienne mercerie pour en faire une librairie, ouverte à tous. Mais plus qu’une librairie, un lieu d’accueil ouvert à tous, sans jugement de valeur… Projet en apparence un peu baroque en ces lieux où les uns comme les autres ne montrent pas de réelle appétence pour la littérature. Et pourtant… Leena va changer la vie. La vie des autres, sa propre vie. Peu à peu, elle va séduire, sans nécessairement le vouloir… Sans réellement le prévoir…
De l’autre côté de l’Atlantique, il y a Jeep, jeune homme fragile, qui a fui la France, qui a fui sa sœur, venu dans cette partie Ouest des États-Unis sur les traces de ses parents, trop tôt disparus. Jeep a terriblement souffert des non-dits, des absences de mots et n’a pas pu réellement faire le deuil de sa mère, de son père parce qu’il ne sait pas vraiment ce qui a précipité la disparition des siens. Il part à la rencontre de celles et ceux qui ont bien connu ses parents Sheenan et Blaise et qui pourraient lui raconter qui étaient ces deux êtres qui se sont aimés, jusqu’au bout, au-delà même de leurs deux enfants. Jeep a mis du temps, beaucoup de temps à trouver sa voie et une forme de stabilité. C’est la musique, le jazz, qui l’ont transformé, qui l’ont sorti de son addiction aux drogues, aux dérives… et la rencontre avec des personnes solides qui vont lui apporter des bases et l’acceptation de lui-même.
Leena et Jeep sont frère et sœur. La mort des parents les a séparés. Et pourtant, ils n’auront de cesse d’essayer de se retrouver. Pas évident quand on a laissé le silence s’installer, quand on a mis de la distance physique parce que la douleur vous empêchait de communiquer, d’avouer les souffrances. Mais la force des symboles comme la force des mots peuvent parfois modifier les destins et permettre une certaine forme de renaissance. Et réunir celles et ceux qui, au fond, s’aiment par-dessus tout. La Calanque de l’Aviateur est un ravissement, une ode aux mots qui bouleversent et élèvent, à cette force créatrice qui vous tient debout.
Le petit coup de génie de l’auteure, c’est aussi de convoquer dans ce récit de belles plumes : Flaubert, Maupassant, Baricco, Makine, ou encore Dostoïevski… Un bonheur ! Un pur bonheur !
La Calanque de l’Aviateur – Éditions Héloïse d’Ormesson – 385 pages. Parution : août 2019. Prix : 19,50 €.
Couverture : © Anne-Marie Bourgeois m87design – Photo auteure Annabelle COMBES © babelio.
Diplômée de Neoma, Annabelle Combes a été marketing manager chez Kraft General Food, avant de suivre des cours d’histoire de l’art à l’École du Louvre. Son premier roman, La Grâce de l’éclat de rire (Salvator), a remporté le prix littéraire des Rotary Club 2018. La Calanque de l’Aviateur est son deuxième roman.