Si le nom de Titus, empereur romain du premier siècle, n’évoque pour vous que les lointains souvenir d’humanités, où Racine, Corneille, et les versions latines formaient un quotidien pesant, alors n’hésitez pas à vous replonger dans la vie des douze César de Suétone et vous saurez tout sur ce personnage dont l’histoire, assurément atypique, a inspiré près de vingt musiciens différents, avant le divin Wolfgang.
Si l’on tient compte du fait qu’en ces périodes de l’histoire, la bienveillance, la générosité et même le sens du pardon sont des vertus cruellement inscrites aux abonnés absents, l’histoire de Titus sort en effet du commun. Né le 30 décembre en 39 après Jésus-Christ, il fut le compagnon de Britannicus, malheureux fils de Claude, assassiné afin que Néron puisse régner. Pendant sa jeunesse on lui trouve toutes les qualités, tant intellectuelles que physiques. Devenu soldat, il se distingue par son courage et une humanité peu courante en ces temps troublés. Revenu à Rome, il règne auprès de son père avec une fermeté qui détonne avec l’image que l’on se fait de lui.
« Il s’y montra dur et violent : il faisait périr, sans hésiter, tous ceux qui lui étaient suspects.»
Mais revenons à notre œuvre.
Cet opéra séria en deux actes, sur un livret de Métastase adapté par Caterino Mazzola vit le jour trois mois avant le décès de Mozart, il fut créé à l’occasion du couronnement du roi Léopold II. Quoiqu’il soit une œuvre de commande, cela ne l’empêche pas d’être une synthèse de tous les talents de Mozart. Des merveilleux duos, aux chœurs vibrants d’émotion, la signature du maître est bien là et nul ne peut s’y tromper. Difficile alors d’expliquer pourquoi, malgré ses évidentes qualités, cette œuvre est un peu délaissée, si on la compare avec la Flûte enchantée ou Don Giovanni.
Le classicisme du livret en est peut-être la cause. La preuve, c’est que la Clémence de Titus fut donnée la dernière fois à Rennes en octobre 1996, cela fait donc 24 ans. À l’époque, le chef des chœurs de l’opéra s’appelait Gildas Pungier et pour notre plus grande satisfaction, il en est de même aujourd’hui. Adroite articulation, mais aussi excellente opportunité pour nous féliciter du niveau de cette formation rennaise, qui d’un bout à l’autre a brillé par la qualité et la force de ses interventions.
Le chœur final nous laissera tous bouleversés et émerveillés. Si la qualité musicale de l’Orchestre de Bretagne, placé pour cette soirée sous la baguette du chef invité Nicolas Krüger, est au rendez-vous, notre petit coup de cœur ira à la clarinettiste Sonia Borhani, absolument magistrale, tout comme la claveciniste Elisa Bellanger. Elles monteront sur scène recevoir des applaudissements mérités en fin de spectacle. Dans le domaine des voix, il est juste de reconnaître que le casting est plutôt réussi. Roberta Mameli, dans le rôle de Vitellia réunit grâce et talent et les costumes prévus pour elle par Pierre Emmanuel Rousseau mettent en valeur son exquise féminité. Sa voix aux aigus puissants atteint parfois la limite de ses capacités et elle n’hésite pas à se mettre en danger. Sa présence théâtrale démontre une totale implication et une impressionnante énergie.
L’énergie est sans doute le maître mot de cette production, José Maria Lo Monaco, en Sesto et Abigail Levis en Annio en sont les convaincantes démonstrations. Assumant avec brio leur rôle travesti, elles apportent une vitalité qui force le respect. José Maria lo Monaco, de façon plus intime, dans le long monologue du second acte, hausse à un très haut niveau la qualité de l’émotion. Olivia Doray, dans le rôle de Servilia fait montre de belles qualités vocales, mais également d’une présence théâtrale qui retient l’attention. Elle est une des agréables découvertes de cette production.
Les règles de courtoisie ayant été respectées, venons-en aux représentants masculins. Jeremy Ovenden, dans le rôle titre de Titus tient la barre avec une belle fermeté et campe un empereur solide et convaincant. Sa présence scénique est indiscutable. Dans un rôle plus discret, la basse Christophoros Stamboglis n’est pas en reste et sa voix grave et bien présente donne l’épaisseur nécessaire à son personnage.
Ultime point sur lequel il convient de se pencher, et ce n’est pas le moindre, celui de la mise en scène. Pierre-Emmanuel Rousseau réussit là un vrai tour de force et nous tient en haleine pendant les deux actes, par la cohérence et la vitalité de son propos. Tout s’enchaîne et à aucun moment nous ne sentons le poids de l’ennui ou de la lassitude. Il nous raconte une histoire dont nous ne voulons pas perdre une miette et comme des enfants attentifs, nous sommes pendus à ses lèvres. Grâce à cette vision énergique, il exorcise la malédiction qui semble attachée à cet opéra et les deux heures et quarante minutes du spectacle défilent sans encombres. Petit bémol, le coup de pistolet final nous paraît venir à contre-emploi.
Cette coproduction de Angers-Nantes opéra et de l’opéra de Rennes est un vrai succès, la qualité est là, le plaisir aussi. Mozart, sous couvert de louanges adressées à un souverain, ne manque pas de mettre en avant des idées de générosité et de grandeur. La clémence, vertu peu répandue chez les tenants du pouvoir, n’est pas forcément signe de faiblesse, mais celui d’une profonde réflexion, encore faut-il l’oser. Le maître nous montre à quel point il a assimilé le message des lumières qu’il met en pratique au travers de son engagement maçonnique.
Nous ne saurions que trop vous conseiller de tenter l’aventure, comme l’on fait les élèves de troisième du collège Saint Exupéry de Vannes ayant bravé les distances avec leur professeur Monsieur Plihon pour repartir les yeux pleins d’étoiles vers leurs horizons maritimes.
Crédit Photos : Laurent Guizard.
La Clémence de Titus dans une nouvelle production. La direction d’acteur toujours très ciselée du metteur en scène Pierre-Emmanuel Rousseau révèlera toute l’humanité et la complexité des personnages, dans l’écrin de l’Opéra de Rennes idéal pour les œuvres de Mozart.
Opéra chanté en italien, surtitré en français.
Dates et horaires
Lundi 2 mars 2020 à 20h. Mercredi 4 mars 2020 à 20h. Vendredi 6 mars 2020 à 20h. Dimanche 8 mars 2020 à 16h.
PRÉSENTATION DU SPECTACLE : Mercredi 4 mars 2020 à 18h30.
Vendredi 6 mars 2020 : Spectacle en audiodescription, en collaboration avec Accès Culture.
Tarif A de 5 à 55 €.
Durée 2h40 entracte inclus.
Distribution
Nicolas Krüger : Direction musicale
Pierre-Emmanuel Rousseau : Mise en scène, décors et costumes
Gilles Gentner : Lumières
Chœur de Chambre Mélisme(s)
Gildas Pungier : Direction
Orchestre Symphonique de Bretagne
Grant Llewelyn : Direction musicale
Jeremy Ovenden : Tito Vespasiano
Roberta Mameli : Vitellia
Olivia Doray : Servilia
Josè Maria Lo Monaco : Sesto
Abigail Levis : Annio
Christophoros Stamboglis : Publio
Tournée
Nantes Théâtre Graslin
Dimanche 15 mars 2020 à 16h. Mardi 17 mars 2020 à 20h. Jeudi 19 mars 2020 à 20h. Samedi 21 mars 2020 à 18h. Lundi 23 mars 2020 à 20h.