LES DESSOUS DE TABLE DE L’HISTOIRE, LA GOÛTEUSE D’HITLER DE ROSELLA POSTORINO

Dans son premier roman traduit en français, La Goûteuse d’Hitler (Albin Michel), l’Italienne Rosella Postorino vous invite à la table du Führer.

1943 : Le IIIe Reich commence enfin à vaciller. Alors que les Alliés avancent, à l’Ouest comme à l’Est, Hitler occupe encore son principal quartier général, la Wolfsschanze, la « Tanière du Loup », avant sa mort à Berlin en janvier 1945.

Tanière du loup
Bernard Loyal Photographies
tanière du loup goûteuse d'hitler
Bernard Loyal Photographies

Rosa Sauer est une jeune Berlinoise venue se réfugier chez ses beaux-parents, à Gross-Partsch, près de la fameuse tanière. Son jeune mari, Gregor, est un soldat allemand parti affronter les Soviétiques sur le front de l’Est. À la portée des SS qui entourent le Führer, elle se retrouve enrôlée de force à son service, comme goûteuse.

Avec d’autres compagnes d’infortune, elles risquent leur vie à chaque repas, dans un suspens insupportable que l’auteure entretient inlassablement. Le lecteur tremble à chaque cuillerée de soupe, à chaque bouchée, à chaque part de dessert ingérée. Laquelle mourra la première ? Mourront-elles toutes ensemble ? Les unes trahiront-elles les autres ? Qui sont-elles, ces filles prises au piège ? D’où viennent-elles ? Quels sont leurs attentes, leurs espoirs ? Et si certaines d’entre elles étaient des espionnes au service du Reich, des Français, des Anglais, des Soviétiques ? Toutes ces interrogations sont contenues le long de ce roman fort et angoissant, qui reprend, certes en la romançant, une histoire vraie que nombre ignoraient.

Au-delà de cet aspect historique, le roman est également une histoire d’Amour avec un grand A. L’amour de Rosa pour Gregor, éternel absent, tout autant que l’amour qu’elle va développer pour Ziegler, un soldat SS qui la séduit et l’aime aussi, à sa façon. Et puis l’amour de ces jeunes femmes pour leur pays, pour leur Führer qui, tenant son pays d’une main de fer, parvient malgré tout encore à séduire et fasciner les foules. D’ailleurs, aucune d’entre elles ne l’a jamais vu ce Führer. Et il doit bien se moquer de leur présence, comme du fait qu’elle donnerait leur vie pour la sienne.

La goûteuse d'Hitler
Margot Woelk, la goûteuse d’Hitler

Ainsi, l’amour, sous ses multiples facettes, est abordé avec nuance. Tout comme le sentiment de culpabilité, qui anime la jeune Rosa. Elle trahit Gregor en aimant le soldat Ziegler ; elle trahit ses beaux-parents qui l’abritent et tremblent pour elle ; elle trahit Ziegler en défendant les autres goûteuses, sur lesquelles elle veille avec sincérité. Pourtant, ces femmes ne se connaissent pas réellement, elles restent souvent taiseuses sur leur arrivée dans cette maison. Elles deviennent des machines, qui pourraient perdre toute forme d’humanité si certaines ne sentaient pas encore quelques flammes de vie qui les réchauffent et leur permettent des sursauts de solidarité.

Difficile donc de trouver de la lumière dans ce roman qui nous plonge dans une obscurité presque permanente, malmenant les corps comme les âmes. L’horreur totale, Rosa la découvrira. Pourra-t-elle accéder à une forme de résilience ? Il faudra lire avec attention et profondeur ce roman très fort, marquant comme un tatouage indélébile.

La Goûteuse d’Hitler de Rosella Postorino, traduit de l’italien (Italie) par Dominique Vittoz  – Éditions Albin Michel – collection « Grandes traductions » – 385 pages. Parution : 2 janvier 2019. Prix : 22,00 €

Couverture : Philippe Narcisse – Photo auteur Rosella POSTORINO © Agosto San Lorenzo al Mare

rosella postorino la goûteuse d'hitlerRosella Postorino est née à Reggio de Calabre en 1978. Vivant à Rome, elle est éditrice chez Einaudi et journaliste. Ses trois premiers romans, La stanza di sopra, L’estate che perdemmo Dio et Il corpo docile, ont été couronnés par plusieurs prix. Elle écrit également des essais, des pièces de théâtre, et contribue à des anthologies. La Goûteuse d’Hitler est son premier roman traduit en français. Il vient d’être récompensé par le prestigieux Prix Campiello.

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Christophe Maris
Christophe Maris est journaliste et écrivain, agrégé de Lettres modernes. Il collabore à plusieurs émissions de TV et radio et conçoit des magazines pour l'enseignement où il a oeuvré une quinzaine d'années en qualité de professeur de lettres, d'histoire et de communication.

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