Charbon est un nouveau label rennais lancé fin 2018. Il sort sa première release samedi 19 janvier 2019, un EP de 70’s Network intitulé Netwurkkin. Unidivers a rencontré deux des fondateurs du label, Gaspard Aillet et Maxime Simon, mineurs de son.
Unidivers : Quel rôle assurez-vous dans Charbon et quel a été le parcours musical qui vous a conduit dans cette nouvelle aventure ?
Gaspard : J’assure la direction artistique du label. Je suis DJ et membre du collectif Chevreuil, qu’on a créé avec Romain Trochet il y a quatre ans. Je joue, sous l’alias Abile, et je m’occupe de la programmation musicale de nos soirées. L’idée de Charbon est née à force de graviter dans ce monde, grâce à des rencontres, dont celle, importante, de Ringard. Il est producteur depuis dix ans, dont cinq au sein de son label Dance Around 88. L’idée me chatouillait depuis un moment. L’été dernier, je discutais avec 70’s Network qui m’a assuré que si je lançais mon label il serait ravi d’en faire la première sortie. C’est ce qui a achevé de nous motiver.
Maxime : Pour ma part, je suis un des artistes du label, j’officie sous le nom de 440Hz. J’ai commencé à écouter de la musique électronique il y a cinq ans, en arrivant à Rennes, grâce aux nombreuses soirées qui y sont proposées. Comme j’étais musicien, j’ai poncé Ableton Live (N.D.L.R. : logiciel permettant la composition et l’arrangement mais aussi l’interprétation en concert). Après avoir beaucoup joué dans ma chambre, je me suis produit au Chantier, où j’ai rencontré Gaspard. Depuis j’ai continué à bosser à fond la production et le live pour affiner mon style musical. Je me suis aussi mis au DJing sur vinyles depuis un an, mais la production reste mon domaine de prédilection. C’est aussi lié à mon métier puisque je suis ingénieur son : je travaille avec des artistes sur le mixage de leurs morceaux et je suis technicien radio. J’avais du mal à passer de l’autre côté, à jouer hors de chez moi. Grâce à Gaspard, j’y suis parvenu. Après notre rencontre au Chantier, il m’a programmé à plusieurs événements. Quand il m’a parlé de son idée de label, je trouvais évident de l’accompagner dans l’aventure.
Unidivers : « Charbon va réchauffer ta maison comme avant », peut-on lire sur votre page Soundcloud. Pourquoi ce nom ? Reflète-t-il une ligne musicale particulière ?
Gaspard : On ne veut pas s’enfermer dans une ligne musicale qui nous restreigne mais plutôt se laisser la possibilité d’un choix large dans les musiques électroniques. La première sortie est axée lo-fi (N.D.L.R. : low-fidelity, expression désignant des méthodes d’enregistrement visant à produire volontairement un son « sale »), la prochaine sera complètement différente. Ce qui nous plaisait, c’est l’image du mineur qui bosse toute la journée, qui cherche et cherche encore. Ce travail acharné permet à l’artiste de se trouver en proposant de la qualité et c’est le fruit de ce travail qu’on veut proposer dans Charbon.
Et puis il y a ce que le charbon peut évoquer graphiquement : un côté sombre, les reliefs de la matière, des textures qu’on aime retrouver dans la musique, dans les crissements, les crépitements, les saturations, les bruits crades, quelque chose qui ne soit pas lisse, comme si le disque était rayé… Mais on ne veut pas se fixer une ligne directrice trop fermée parce qu’on voudrait faire perdurer le label, et on ne sait pas ce qu’on écoutera dans trois ans. On veut pouvoir suivre les inspirations qui nous parlent.
Maxime : Sans aller trop dans le chelou, on ne veut pas faire de standardisé. Peut-être qu’on pourrait définir notre ligne directrice par un léger décalage qui crée un univers commun.
Unidivers : Pouvez-vous nous parler du premier artiste produit par Charbon, 70’s Network ?
Gaspard : 70’s Network, alias Wesley, est un DJ et producteur qui vient de La Tremblade en Charente-Maritime. Il s’est mis à la musique à ses huit ans, d’abord à la batterie puis à la guitare. En évoluant dans la musique, il a découvert des nouveaux styles, dont la house et la techno. Il s’est mis à produire chez lui et à s’acheter des machines, il a désormais un set up assez complet. On s’est rencontrés par des amis communs, on a fait des soirées ensemble, joué ensemble et c’est devenu un bon ami.
Maxime : C’est aussi un grand charbonneur ! Sur l’EP, le travail du son est remarquable. Il fait lui-même le mixage et le mastering, avec beaucoup de talent. Cela lui permet de développer une identité très marquée. Le danger du lo-fi est de se complaire dans un son crade, ce qui ne suffit pas pour produire quelque chose de qualité. En l’occurrence, il me semble que 70’s Network a trouvé le juste équilibre.
Unidivers : Des détails sur cet EP, Netwurkkin ?
Gaspard : C’est le deuxième EP de 70’s Network, après une première sortie chez Lobster Theremin. Il est composé de quatre titres, très axés lo-fi pour les trois premiers morceaux, le quatrième est davantage jungle, rave, UK (N.D.L.R. : la bass music ou UK bass est un genre musical né au Royaume-Uni et qui mélange les influences des styles drum and bass, bassline, dubstep et UK garage, notamment). Ce sont des textures vintages qu’il affectionne, où on reconnaît l’influence du hip hop ou de vieux tubes de dance music parfois.
Unidivers : Netwurkkin sort le 19 janvier en version digitale. Il sera disponible à la vente sur votre page Bandcamp au prix de 4€ (et 1€ le morceau). Est-ce que vous envisagez aussi de presser des vinyles, pour cette sortie ou pour les prochaines ?
Gaspard : Évidemment, sortir des vinyles est un rêve. On va attendre de rentrer un peu d’argent avec les premières sorties et on espère pouvoir presser des vinyles pour la troisième sortie.
Unidivers : à l’occasion de cette sortie vous organisez le soir-même une release party au 1988 Live Club où sont programmés 70’s Network, vos deux alias, Abile et 440Hz, ainsi que le duo Klass Sirius. Est-ce un indice sur votre prochaine sortie ?
Gaspard : Oui, c’est une façon de présenter les artistes des premières sorties du label. Après 70’s Network, Klass Sirius sera la deuxième sortie de Charbon. C’est un duo de machinistes bien équipés puisqu’ils ont une dizaine de machines à eux deux. Je les ai déjà vu jouer différents live et leur performance ne fait que s’améliorer. Pour cette soirée ils présenteront leur nouveau live, on est ravis qu’ils se joignent au plateau ! La troisième sortie sera assurée par Maxime, alias 440Hz. Pour la quatrième sortie on prospecte encore, mais on a déjà quelques filons.
Unidivers : La musique électronique est désormais bien implantée dans la région. Charbon rejoint les rangs de nombreux labels bretons. Avez-vous des modèles dans le paysage culturel régional ?
Maxime : Côté production, je suis parrainé par Blutch. C’est d’ailleurs aussi le graphiste de Charbon, tant qu’il n’est pas encore trop pris par sa carrière musicale, puisqu’il fait désormais partie du label d’Astropolis. Il y a aussi Yann Polewka, de Texture. Moins connu, un artiste comme Berg Jaär, un gros malade de l’analogique qui a sorti un EP sur le label A.R.T.S..
Gaspard : Pour les maisons de disques, on peut citer Tripalium Corp., Pulse Msc ou encore Vielspaβ. Et puis je parlais tout à l’heure de Dance Around 88, le label de Ringard, un modèle pour moi. On aimerait bien le signer sur Charbon. Pour boucler la boucle.
CHARBON LABEL
Booking // charbonlabel@gmail.com
Chargée de production et de communication // Youmna Ghanem
Graphiste // Julien Porhel
La Bretagne bouillonne de labels ! Samedi 9 février 2019, le festival Astropolis et La Carène (Brest) les mettent à l’honneur lors d’une émission spéciale Tsugi Radio et un Astroclub BZH Labels Night.