L’Université Rennes 2 accueille la lecture-performance L’Accouchée – Tentative de part(ur)ition scénique de la compagnie LaDude jeudi 13 mars 2025. Co-dirigé par Laure Catherin et Christophe Grégoire, ce projet est inspiré du texte de Florence Pazzottu et plonge le public dans l’intimité de l’accouchement à travers une expérience théâtrale immersive et sensible. Rencontre.
Laure Catherin est comédienne et metteuse en scène. Après des études d’ingénieur en bâtiment, elle se forme au Théâtre National de Bretagne. Elle crée son premier spectacle, Béquille, en 2020, et poursuit avec All en 2022, abordant des sujets souvent invisibilisés comme le harcèlement moral et les expériences étudiantes pendant la pandémie. Christophe Grégoire est quant à lui acteur autodidacte. Il a travaillé dans plusieurs villes avant de s’installer en Bretagne. Sa rencontre avec Laure Catherin a donné naissance à une collaboration fructueuse et il est devenu un regard extérieur précieux pour les créations de la metteuse en scène.
Lors de leurs échanges, Christophe Grégoire a fait découvrir à Laure Catherin le texte L’Accouchée de Florence Pazzottu (publié en 2023 aux éditions Lanskine) en lui disant : « J’ai l’impression qu’on me restitue une part de mon humanité à laquelle je n’avais jamais eu accès. » Ce récit sur l’expérience intérieure d’une femme pendant son accouchement a résonné profondément chez eux.
Laure, en découvrant ce texte, s’est rendu compte qu’elle n’avait jamais lu quoi que ce soit sur ce moment-là : « Ça m’a posé plein de questions… Pourquoi ce sujet restait-il assez tabou ? » Elle a ajouté que le texte l’avait confrontée à des sujets importants, mais aussi à des peurs de créatrice : « C’est un sujet hyper fort, au croisement de plein de choses. »
« Ni Christophe ni moi n’avons accouché, par contre on a tous les deux été accouchés. Donc c’est l’histoire de nos mères, de nos grands-mères », précise Laure. À travers ce prisme, ils explorent ce moment fondamental du corps féminin, ses douleurs, ses transformations et l’indicible qui s’y cache. Pour nourrir leur performance, Laure et Christophe ont plongé pendant un an dans l’univers de la maternité, recueillant des témoignages d’amis, de famille et auprès de femmes enceintes et de soignants à la Clinique de la Sagesse à Rennes. Cette démarche leur a permis de saisir la profondeur de ce moment intime. « À la clinique, on a eu un très bel accueil, avec des gens qui comprenaient, qui étaient même friands de s’apercevoir que des gens s’intéressaient à ce sujet », se souvient Christophe Grégoire.
L’objectif était de comprendre comment les mots pouvaient rendre compte de cet instant. Comme le précise Laure Catherin, « ce qui nous intéressait, c’était de savoir comment les gens le disaient, pas juste ce qu’ils disaient ». Laure et Christophe ont cherché à traduire cet « endroit difficile à exprimer où le langage se brise », un défi que l’art théâtral pouvait tenter de relever.
L’idée était de créer une performance où les trois interprètes, en interaction avec le décor et le son, n’incarnaient pas des personnages distincts, mais des « surfaces de projection » qui traduisaient l’expérience physique et émotionnelle de l’accouchement. « On voulait traduire une expérience vécue », en cherchant à comprendre les sensations et le rythme du corps pendant l’accouchement. Le duo s’est concentré sur l’état physique et mental de la protagoniste qui choisit d’accoucher sans péridurale, un accouchement où chaque moment est marqué par des accélérations et des ralentissements du travail intérieur. Le défi consistait à proposer une « architecture abstraite » qui joue sur les rythmes, les sons et les matières plutôt que de créer une forme réaliste. « Ce n’est pas du tout le même endroit entre le début du spectacle… et la fin, quand elle est juste après la naissance de l’enfant. »
En évitant le réalisme, ils ont souhaité rendre visibles les « forces de peur, de pression sociale et de force physique » qui traversent le corps à ce moment-là, tout en explorant la notion de temps qui « se dilate complètement » pendant l’accouchement. Le spectacle devient ainsi un espace pour ressentir les multiples dimensions de cette expérience, loin des mots et du quotidien.
Tentative de part(ur)ition
Le titre de la performance, Tentative de part(ur)ition scénique, reflète l’acte de donner naissance et la manière dont le théâtre peut rendre visible l’invisible. En choisissant le mot « tentative », Laure et Christophe soulignent la nature incertaine et en perpétuel mouvement de leur projet : « Tentative, c’est important parce qu’il n’y a pas une longue expérience théâtrale par rapport à ça. Ce sujet est tellement vaste, avec de multiples ouvertures », explique Laure Catherin. Le théâtre devient alors un moyen de tenter, sans prétendre clore le sujet, mais d’apporter une lumière fragile et nécessaire.
Les artistes insistent aussi sur la distinction entre « parturiente » et « patiente ». Désignant la femme qui est en train d’accoucher, ce terme souligne le lien avec le corps, qui est à la fois acteur et victime de cette transformation. « On les appelle parturiantes, elles ne sont pas malades », informe Christophe Grégoire. « Elles sont dans une situation d’extrême vulnérabilité, mais ne sont pas « malades » et donc pas des « patientes« . »
Une version concentrée de la performance
La représentation prévue à l’Université Rennes 2 sera une version adaptée du spectacle, axée sur la lecture et la performance sonore. Cette forme allégée, en raison de contraintes logistiques, permettra au public de vivre une expérience plus intime et auditive de l’œuvre.
Malgré cette réduction, l’objectif reste le même : offrir une immersion totale dans l’expérience de l’accouchement, tout en créant une atmosphère où chaque mot résonne profondément.
L’Accouchée continuera sa tournée avec des performances à la Maison du Théâtre à Brest les 25 et 26 mars avant de se produire au festival Mythos les 28 et 29 mars. Ces prochaines dates offriront l’occasion de découvrir cette œuvre émouvante, qui fait écho à l’universalité de l’expérience humaine de la naissance et du passage.
Infos pratiques :
Campus de Villejean (Rennes)
Le Tambour (bât. O)
Jeudi 13 mars 2025 à 20h (durée 1H30) – gratuit sur réservation
Dès 13 ans