Bien loin d’affoler les consciences, le clip «Judas» – extrait de l’album de Lady Gaga Born this way sorti en juin dernier – s’est heurté au silence de l’Eglise . Bien qu’elle ait sorti sa vidéo à Pâques – tout comme Madonna -, la pop star n’a pas su ranimer la controverse engendrée par Like a prayer. Peut-être n’est-ce que la conséquence d’une pauvreté générale du clip, de sa musique et de ses paroles.
Marie-Madeleine aime Jésus, le biker latino, mais elle est amoureuse de Judas, le clubber concupiscent. L’histoire est aussi simple que ça. D’une autoroute à cinq voies à un jacuzzi, en passant par la boîte «Electric Gospel» et un improbable rocher en bord d’océan, le «trouple» et son «gang» de disciples alignent les références religieuses: couronne d’épines scintillante, sacré cœur brodé sur la poitrine, colliers de croix, imposition des mains, lavement de pieds et lapidation. A se demander ce qu’un flingue, dont ne sort qu’un rouge à lèvre, vient faire dans tout ça.
Le clip de six minutes, présenté à grand renfort de teasers, a ému la blogosphère des semaines avant sa sortie: on spéculait bon train sur son prétendu caractère blasphématoire et on jubilait d’avance quant à la probable réaction des milieux catholiques.
Quelques jours après Pâques, dans une interview accordée à «E!Online», Lady Gaga annonçait d’ailleurs qu’elle avait choisi de terminer la vidéo sur une scène de lapidation pour se garder le privilège de la première pierre. Pourtant, depuis, l’Eglise catholique ne s’est pas fendue du moindre caillou, ni même d’un gravillon.
Il est bien loin le temps où le Vatican condamnait publiquement Madonna pour «Like a prayer» (1989). Le nouveau CD de Lady Gaga a certes été interdit pour «offense au christianisme»… mais au Liban! Et les critiques musicaux et journalistes people d’enterrer à regret «la controverse religieuse» dans la culture pop. L’implacable silence de l’Eglise pourrait bien faire de la star la fossoyeuse d’un style qui jusqu’alors a fait florès.
«La portée intellectuelle, argumentée, documentée, intelligemment polémique de <Judas> est beaucoup trop indécise, fugitive, planante pour exiger – ou mériter – la moindre réplique», estime le théologien et historien de l’art François Boespflug. Et d’ajouter: «Lorsqu’il y a une question, il est possible de répondre. Mais je ne sens pas de question dans ce clip. Il s’agit plutôt d’une tendance caractéristique du XXe et XXIe siècle: on veut se détacher de l’héritage chrétien mais on refuse de se priver du plaisir de bricoler avec.» Donc, pas de tempête dans le bénitier.
Bonne nouvelle APIC